Une start-up de l'agglomération grenobloise a mis au point un prototype d'éolienne mobile capable de générer plus d'énergie que le modèle traditionnel à pales, et à moindre coût. L'innovation est actuellement en phase de test. Cette éolienne aéroportée pourrait être commercialisée d'ici quatre ans.
Elles permettent de produire de l'énergie renouvelable, mais sont souvent accusées d'être des verrues dans le paysage, des mastodontes affamés de vent dont les pales gigantesques sont visibles à des kilomètres à la ronde.
Les éoliennes produisent environ 8% de la consommation nationale d'électricité (données 2020). Mais il faut sacrifier des terres pour installer ces géants dont les mâts grimpent à 150 mètres de haut et dont le diamètre du rotor (l'hélice) atteint la centaine de mètres, ce qui soulève régulièrement des oppositions.
Une start-up de l'agglomération grenobloise est en train d'élaborer un modèle moins gourmand en surface, plus discret, plus flexible et moins coûteux : une éolienne aéroportée mobile. Elle s'apparente à un cylindre qui fonctionne comme un cerf-volant.
"L'objectif, c'est de remplacer les éoliennes dans certains endroits. L'avantage de ce type de système, c'est qu'on utilise 10% de matières premières par rapport à une éolienne classique", explique Garrett Smith, co-fondateur de Wind Fisher.
"On n'a pas de grosses fondations en béton. On a une station au sol qui est juste lestée, donc on peut laisser le site dans son état naturel", après y être venu "pêcher du vent" (traduction en français de "wind fishing").
Utiliser l'effet Magnus
Cet ancien ingénieur en aéronautique chez Airbus réfléchissait à ce modèle depuis une dizaine d'années. Sa rencontre avec Armand Tardella, physicien de formation et spécialiste dans le conseil en innovation, a donné naissance à la start-up en 2021.
Aidée par Tarmac, l'incubateur d'entreprises d'Innovallée à Meylan, la jeune pousse teste un prototype. Un cylindre est relié à une station mobile par des câbles. La force du vent permet de mettre le cylindre en rotation sur lui-même. Un générateur convertit ce mouvement en énergie.
L'innovation réside dans le fait d'utiliser l'effet Magnus.
"C'est comme, par exemple, en football ou en basket : quand les footballeurs tapent une balle et l'entraînent en rotation, ça va faire un effet avec le vent parce que ça se déplace et ça va l'emmener d'un côté", nous explique Yacine Boucheriguene, ingénieur électrique et contrôle chez Wind Fisher (voir la vidéo ci-dessous).
Produire de l'électricité à moindre coût
"C'est cela, l'effet Magnus. Donc, nous, on va faire tourner le cylindre et on va utiliser cet effet Magnus qui va emmener notre cerf-volant. Et, en tirant, on va générer de l'énergie en bas, simplement en faisant tourner un générateur en bas. Quand on n'a plus assez de câble, on le ramène, en le faisant tourner sur lui-même moins vite pour ne pas consommer trop d'énergie. On fait des allers-retours et à l'aller on génère beaucoup plus d'énergie que ce que l'on consomme au retour".
Dans un champ, le cylindre de plastique prend son envol. Les essais l'envoient à une vingtaine de mètres de hauteur pendant une trentaine de secondes. Après plusieurs tentatives, Garrett Smith semble satisfait. Le modèle réduit est robuste, même s'il faudra sans doute renforcer l'une des tiges en carbone.
"Celui-là a bien fonctionné. Il était là-haut, il était stable, il bougeait un petit peu avec le vent qui le déstabilisait mais il est revenu. On est en train de vérifier les algorithmes de contrôle pour que, avec n'importe quel vent, on arrive à le stabiliser où on veut. L'objectif, c'est d'augmenter le temps de vol".
Un cylindre capable de trouver le vent n'importe où
Le prototype a une envergure d'1,7 mètre. Mais le modèle à l'étude devrait mesurer 25 mètres.
"Avec ce type de système, on peut aller chercher le vent là où ça souffle, que ce soit à 100 mètres, 200 mètres, peut-être jusqu'à 500 mètres... Tout dépend des réglementations aériennes. Mais cela nous permet d'être plus efficaces et de produire quasiment deux fois plus que les éoliennes classiques dans le temps", poursuit Garrett Smith.
En effet, techniquement, les limites des éoliennes terrestres résident dans le fait qu'elles ne peuvent pas fonctionner en cas de vents trop faibles, ou de vents trop forts.
"On peut aller chercher des vents plus réguliers et plus forts, plus haut en altitude, ce que l'on ne peut pas faire avec une éolienne sinon il faudrait une fondation énorme et un mât gigantesque parce qu'il y a des forces de flexion qui font bouger l'éolienne classique", renchérit Yacine Boucheriguene.
"On aurait pu prendre une aile de parachute mais un cylindre comme celui-ci développe beaucoup plus de performances aérodynamiques. On n'a pas à gérer le tangage. Avec le cylindre, on allie les avantages des ailes souples et des ailes rigides. On a les performances aérodynamiques des ailes rigides et on est souple, donc facile à déployer. Le système final pourra être gonflé à l'hélium par exemple. On pourra le dégonfler et le déplacer ailleurs", ajoute l'ingénieur.
Alimenter une cinquantaine de maisons
Actuellement, une éolienne terrestre de 2 mégawatts produit en moyenne 4200 MWh par an, soit environ la consommation électrique moyenne de plus de 800 ménages français. La start-up prévoit, à terme, que son éolienne aéroportée alimente l'équivalent d'une cinquantaine de foyers.
Wind Fisher projette de commercialiser son système en 2027. D'ici là, l'entreprise aura besoin de cinq à dix millions d'euros pour financer son innovation. Une première levée de fonds aura lieu en janvier 2024.