C'est une première mondiale... Des plongeurs autonomes ont réalisé une sortie de 4 heures à 50 m de profondeur au bas de l'îlot du Grand Congloué, près de Riou, dans la rade de Marseille. Un exploit réalisé par celui que l'on peut désormais considérer comme "le nouveau Cousteau".
Il a déjà fait parler de lui par des explorations de plongées dignes de l'exploit, comme celle de la passe de Fakarava aux 700 requins en Polynésie.
Mais cette fois-ci, c'est à Marseille que Laurent Ballesta continue son aventure avec un test technique de plongée, en partenariat avec l'Institut National de Plongée Profonde (INPP), installé à la Pointe-Rouge à Marseille.
Une expérience jamais réalisée
Avec trois de ses compères, Thibault Rauby, Yanick Gentil et Antonin Guilbert, cet aventurier des mers a procédé vendredi à une sortie en profondeur (-53 mètres) de plusieurs heures, en autonomie totale. Le test s'est déroulé au pied du Grand Congloué, près de l'île de Riou, au large de Marseille, avec les équipes de l'Institut National de Plongée Professionnelles (INPP).C'est la première fois qu'une telle expérience est réalisée.
Laurent Ballesta explique :
Les industriels de l'offshore utilisent la technique de la plongée à saturation. Leurs plongeurs peuvent travailler en eaux profondes, jusqu'à un mois durant, vêtus d'un scaphandre relié par un ombilical à une tourelle contenant un caisson hyperbare. Les naturalistes et scientifiques eux, utilisent la technique de l'autonomie, et plongent avec bouteilles. Mais ils ne peuvent rester longtemps en profondeur pour des raisons de décompression.Cela ne paraît rien, mais ce sont deux techniques différentes que nous avons associées. L'une est issue de la plongée industrielle, l'autre de la plongée naturaliste.
Le mélange de ces deux techniques ouvre un champ plus large à la plongée naturaliste et scientifique qui ne possédait pas encore les moyens de travailler à la fois sur une longue durée et en eaux profondes.
Être libre et longtemps sous l'eau
Laurent Ballesta est un biologiste naturaliste marin. Il possède la pleine curiosité de l'explorateur. Sous l'eau, il aime chercher et fouiner au milieu de la faune et de la flore les moindres signes d'organisation des espèces. Pour cela, il réclame d'être libre, avec le moins de contraintes techniques possible. Lui et ses collègues plongent en scaphandres autonomes dotés de recycleurs qui, comme le nom l'indique, recyclent leur gaz respiré.
Mais en profondeur, la plus grande contrainte reste physiologique. Avec leurs seules bouteilles (en circuit ouvert ou fermé), les plongeurs autonomes ne peuvent rester longtemps dans les grands fonds, sous peine de paliers interminables de plusieurs heures avant de retrouver la surface. Lors d'une sortie au Tombant des Américains, une faille marine située entre Villefranche-sur-Mer et Nice, Laurent Ballesta avait atteint les 200 mètres de profondeur. Mais il avait dû procéder tout de suite à une remontée par paliers de près de 6 heures.
Le naturaliste désire aller plus loin dans l'aventure car il projette une expédition d'une quinzaine de jours en eaux profondes méditerranéennes.
Et cette fois-ci, il veut pouvoir rester de longues heures à moins 100 mètres pour scruter, dénicher... découvrir encore et encore....
Son projet, Laurent Ballesta en a parlé à l'Institut National de Plongée Professionnelle (INPP), basé à la Pointe-Rouge, à Marseille. C'est la seule école, exceptée celle des Etats Unis, qui forme à la plongée de grande profondeur à saturation. Parmi les équipes de l'INPP, des anciens de la Comex. Le plus connu, c'est Théo Mavrostomos, l'homme "le plus profond du monde", qui possède un record de -701 mètres en plongée expérimentale.
L'INPP s'est lancé dans l'aventure aux côtés d'Andromède océanologie, dont Laurent Ballesta est le co-fondateur avec Pierre Descamp.
Ce vendredi 19 octobre, à la lueur de l'aube, auprès du Grand Congloué, les quatre explorateurs d'Andromède sont descendus en eaux profondes, à bord de la tourelle (caisson hyperbare étanche) de l'INPP. Théo Mavrostomos était aux commandes.
A moins 53 mètres, revêtus de leurs scaphandres autonomes, Laurent Ballesta et ses trois acolytes ont quitté la tourelle, sans câble les rattachant à elle, et ont pu s'éloigner et prospecter à leur aise. Et pour la première fois au monde, ils ont été libres d'aller et venir à cette profondeur durant ... quatre heures ! En autonomie totale.
Reportage : Marie-Agnès Peleran et Alexandre Lepinay
Le danger de l'éloignement
Drôle d'impression pour les équipes de l'INPP. C'est bien la première fois qu'ils voyaient leurs plongeurs s'éloigner d'une bonne centaine de mètres de la tourelle. C'est le nouveau danger apporté par cette expérience : que les plongeurs se perdent et ne retrouvent pas l'engin.Aussi les équipes d'Andromède ont mis au point quatre niveaux de sécurité pour rester en contact avec les plongeurs. Parmi lesquels des dispositifs acoustiques, de GPS marins, et un système de SMS.
Et tout a bien fonctionné. Équipés, pour cette sortie marine, de caméras et d'appareils photos, Laurent Ballesta a ramené les premières images du documentaire qu'il sortira à l'issue de sa prochaine expédition... Des années après les premières images sous-marines faites par l'équipe du Commandant Cousteau dans ces même fonds marins marseillais.
Et comme l'a fait le commandant Cousteau, les expéditions de Laurent Ballesta servent la cause scientifique. C'est d'ailleurs l'un des objectifs d'Andromède Océanologie depuis sa création en 2000.En autonomie, on est toujours pressé, obligé de regarder sa montre, de ne faire que des incursions rapides en profondeur. Avec ce mélange des techniques, on va pouvoir enfin prendre le temps nécessaire pour explorer.
"Nous suivons des protocoles scientifiques et travaillons avec des unités mixtes de recherche au sein de l'université Aix-Marseille", explique Florian Holon, chargé du domaine scientifique au sein d'Andromède océanologie.
Sans compter l'intérêt que portent ces nouveaux explorateurs à l'acoustique marine, pour repérer le langage des poissons et leur communication.De cette prochaine expédition, nous ramènerons des cartographies sous-marines, de la photogrammétrie, nous élaborerons des modèles en 3D.
Sans doute, avec la maîtrise de ce nouveau procédé de plongée réussi en eau profonde à Marseille, Laurent Ballesta retournera-t-il en Afrique du Sud approcher de nouveau le Coelacanthe, le poisson dinosaure de deux mètres, qu'il n'a vu que dans un instant fugace. Cette prochaine fois, à plus de 100 mètres de profondeur, le biologiste marin pourra prendre le temps de l'observer et nous raconter par l'image, l'histoire de ce fabuleux maillon de la chaîne de vie.