La résistante nancéienne, déportée à l'âge de 24 ans à Auschwitz, est décédée hier matin à l'âge de 96 ans. Elle avait témoigné aux procès de Klaus Barbie et de Maurice Papon. Portrait d'une insoumise
C'est l'histoire d'un combat pour la vie. Celui mené par Régine Jacubert (son nom d'épouse) tout au long de ses 96 années. Un destin hors du commun, et une volonté de vivre exceptionnelle qui lui ont permis d'échapper à la mort lors des années sombres de l'Histoire.
Retour sur une vie qui débute à Zagórów, en Pologne, un 24 janvier 1920...
De la Pologne à la France
Régine, de son vrai nom Rivka (Régine) Skorka, est l'aînée de trois frères, Yerme, Lajb et Zalme. Son père Jacob est rabbin, sa mère, Slatka, modiste. Alors qu'elle a 10 ans, la famille immigre en France à Nancy où sa tante s'est établie et mariée. Son père travaille dans une usine. L'un de ses frères succombe des suites d'une broncho-pneumonie. En France, Rivka devient Régine, Yerme devient Jérôme et Lajb devient Léon.
En 1940, la famille fuit la progression allemande dans le pays. Direction d'abord Libourne en Gironde, puis Bordeaux. Régine retourne rapidement à Nancy mais ses proches sont arrêtés à Bordeaux, et déportés à Auschwitz. Seul Jérôme parvient à s'évader et rejoint sa soeur. Les autres ne survivront pas.
Deux ans plus tard, les policiers du bureaux des étrangers préviennent les juifs de Nancy d'une rafle programmée et sauvent environ 300 personnes. Dont Régine et Jérôme. Ils fuient direction Lyon, en zone libre. Vendeuse de chaussures, c'est là que Régine et son frère s'engagent dans la résistance.
L'enfer des camps de concentration
Mais en juin 1944, ils sont arrêtés par la Gestapo. Internés au camp de Montluc, ils sont interrogés par un certain... Klaus Barbie. Ils seront transférés à Nancy, puis déportés dans le convoi 77 à Auschwitz. A leur arrivée, ils sont séparés et ne se retrouveront qu'après leur libération. 3 jours et 3 nuits de voyage dans des wagons surchargés, sans eau, ni nourriture. Lorsque Régine arrive au camp, un homme en costume rayé reconnaît la jeune femme. Il était dans le même wagon que ses parents. Elle raconte. "La seule chose qu'il me dit, c'est "Eloigne toi des vieux et des enfants", en yiddish, pour ne pas que d'autres comprennent". Le lendemain, elle recroise l'homme et lui demande où son ses parents.
Il me montre la cheminée qui fume, et me dit : "Ils sont sortis par là". Ca vous remet en question
Le 28 octobre 1944, Régine est transférée dans une usine d'armement en Tchécoslovaquie. Elle fabrique des grenades pour l'armée allemande.
Témoigner, le combat d'une vie
Libérée le 9 mai 1945, Régine mettra un mois pour regagner Nancy où elle retrouvera Jérôme, arrivé en janvier. Dans les camps, Régine a perdu 24 membres de sa famille.
C'est alors qu'un autre combat commence. Témoigner, pour ne pas oublier, témoigner aussi pour réparer les injustices. Régine se décide à en parler dans les années 1980, et évoque la Shoah dans les collèges et lycées dans des rencontres avec des élèves, jusqu'à la fin de sa vie. En 1987, elle est témoin à charge avec son frère Jérôme au procès de Klaus Barbie à Lyon.
Le 8 mai 2005, Régine Jacubert est faite Chevalier de la Légion d’Honneur à Paris, par Jacques Chirac, alors Président de la République.
Elle fera sa vie avec Henri Jacubert, ancien résistant dans le Vercors et donnera naissance a deux garçons, Jacques et Serge. Son frère Jérôme, disparaît en 2013. Leurs vies, indissociables, sont liées à jamais par leur parcours hors norme.
Les obsèques de cette figure ont lieu dimanche 4 décembre 2016 à 11 heures, au cimetière israélite de Préville, à Nancy.
L'une de nos équipes a rencontré Régine Jacubert en 2015. Découvrez son portrait.
Première partie d'un reportage consacré à Régine Jacubert, ancienne déportée nancéienne d'origine polonnaise, décédée en décembre 2016
•
©France 3 Lorraine
©France 3 Lorraine