Les assises se rapprochent pour Abdelkader Merah: le parquet de Paris a réclamé vendredi son procès, le considérant complice des assassinats commis au nom d'Al Qaïda par son cadet Mohamed en 2012 à Montauban et Toulouse.
Si les juges devaient suivre les réquisitions du parquet de Paris, Abdelkhader Merah serait accompagné dans le box par un délinquant toulousain, Fettah Malki. Le troisième mis en examen, Mohamed Meskine, bénéficierait en revanche d'un non-lieu.
Onze jours avant d'être tué par la police, Mohamed Merah avait abattu à Toulouse le 11 mars le militaire Imad Ibn-Ziaten, 30 ans, puis, le 15, deux parachutistes de Montauban, Abel Chennouf, 25 ans, et Mohamed Legouad, 23 ans. Le 19, il assassinait dans une école juive de Toulouse, Jonathan Sandler, 30 ans, ses fils, Arié et Gabriel, 5 et 3 ans, ainsi que Myriam Monsonego, 8 ans.
Ces crimes, en pleine campagne présidentielle, avaient plongé dans la stupeur un pays où la menace terroriste est depuis devenue le lot quotidien, jusqu'au traumatisme des attaques de janvier et de novembre 2015.
Merah a frappé avant la vague des départs en Syrie de jeunes Français. Pour justifier ses crimes, il invoquait l'Afghanistan et les territoires palestiniens et non la lutte contre Bachar el Assad. Al Qaïda, dont il se réclamait, a depuis été supplanté dans l'imaginaire jihadiste par l'Etat islamique (EI).
Mais Merah était un signe annonciateur, érigé en référence pour les jihadistes français, omniprésent dans les procédures judiciaires.
Il a envoyé son petit frère
Dans une vidéo de propagande de l'EI après Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, le jihadiste Selim Benghalem rend hommage à "Mohamed Merah, qu'Allah l'accepte en martyr (qui) a fait quelque chose d'extraordinaire". La mère de Maxime Hauchard, ce Normand filmé dans une vidéo de décapitations de prisonniers de l'EI, a expliqué aux enquêteurs qu'aux yeux de son fils, Merah "avait défendu les siens".
Dans l'entourage des Merah, plusieurs ont rejoint la Syrie: leur ami Sabri Essid, l'Albigeois Thomas Barnouin, ou encore Jean-Michel et Fabien Clain.
Salafiste radical assumé, Abdelkader Merah a longtemps plus attiré l'attention des services que son cadet. A-t-il servi de mentor, a-t-il participé trois jours avant le premier assassinat à un vol de scooter en connaissant son usage à venir? Ou ignorait-il les projets criminels de Mohamed Merah?
Durant quasiment quatre ans de détention, il a adopté devant les magistrats une attitude ambiguë, provocatrice, ne condamnant pas les tueries de son frère, tout en réfutant avoir joué un rôle. Abdelkader Merah, 33 ans, a soutenu avoir eu des relations tendues avec son frère. Mais l'enquête a montré que lui et Mohamed se sont vus dans les jours ayant précédé les tueries et même au soir du premier assassinat, à l'occasion d'un match de foot et d'un dîner.
Les enquêteurs ont mis la main sur des lettres de détention de 2009 de Mohamed Merah à Abdelkader:
Un mois après les tueries, au téléphone, l'aîné des Merah, Abdelghani, dit sa conviction à une proche:"A ma sortie de prison, je saurai précisément ce qu'il me restera à faire."
"Je l'ai dit aux flics, qu'(Abdelkader) a pas eu les couilles et qu'il a envoyé son petit frère à sa place."
Pour le parquet, Abdelkader Merah doit être jugé pour complicité d'assassinats et association de malfaiteurs terroriste criminelle. Détenu, Fettah Malki devrait répondre d'association de malfaiteurs terroriste délictuelle et d'avoir fourni à Merah un Uzi, des munitions et un gilet pare-balles, "dont il avait pleinement connaissance qu'ils étaient destinés à se financer au moyen de vols et à terme effectuer le jihad armé".
Les parties civiles pourraient aussi vouloir faire d'un procès celui du renseignement antiterroriste, qui savait que Merah s'était rendu dans les zones pakistano-afghanes. Des parties civiles qui contestent le portrait de "loup solitaire", alors dressé par les autorités.