L'Ivoirien Charles-Kader Gooré a confirmé dimanche son souhait de racheter le Racing Club de Lens. Mais un grand flou règne autour de l'Ivoirien et des fonds qu'il souhaiterait investir chez les Sang et Or.
Tracfin a-t-il vraiment "disqualifié" le projet de reprise de Charles-Kader Gooré ?
C'est ce qu'affimait vendredi le journal Libération sur son site internet. "Tout ça est faux à 100% !", a répliqué Charles-Kader Gooré dimanche dans le JDD. "Cette histoire de Tracfin n'a aucun sens", nous a répondu ce lundi Me Olivier Pardo, l'avocat de Charles-Kader Gooré, que nous avons enfin réussi à joindre par téléphone après plusieurs tentatives infructueuses ces derniers jours. "Il n'y a eu aucun transfert de fonds", a-t-il justifié avant de mettre rapidement un terme à la conversation. Il y a une dizaine de jours pourtant, l'entourage de l'homme d'affaires ivoirien assurait au journal L'Equipe que les fonds nécessaires au rachat du Racing Club de Lens avaient été virés sur le compte bancaire CARPA de Sichel & Associés, le cabinet parisien de Me Pardo. Rappelons que Tracfin est un service de renseignement rattaché au Ministère des Finances, en charge de la lutte contre les circuits financiers clandestins et le blanchiment d'argent. Cette cellule travaille à partir des déclarations de soupçons que les professionnels assujettis (banquiers, notaires, avocats...) sont tenus, par la loi, de lui déclarer lorsqu'une transaction est sur le point d'être effectuée.Libération dit avoir obtenu la confirmation de ce blocage de Tracfin "au plus haut niveau de l’Etat". Pourtant, du côté du gouvernement, personne ne confirme officiellement ces accusations. Ni à Bercy, siège du Ministère des Finances dont dépend Tracfin, ni au Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports où l'on suit avec attention le dossier lensois. "Je pense qu'il faut être prudent sur ces informations", nous a répondu le ministre Patrick Kanner. "Je ne sais vraiment pas d'où ça vient". Cette histoire semble en tout cas indiquer qu'il existe une certaine défiance à l'égard de Gooré, dans la sphère politique française. Sa proximité avec l'ex-président ivoirien déchu, le très controversé Laurent Gbagbo - dont le procès devant la Cour pénale internationale de La Haye pour "crimes contre l'humanité" a débuté en janvier dernier - ne joue certainement pas en sa faveur dans ce dossier.
Charles-Kader Gooré est-il vraiment soutenu par des fonds omanais ?
Dans les rares interviews qu'il a accordées, l'homme d'affaires ivoirien n'a jamais cité explicitement le nom des partenaires avec lesquels il souhaitait racheter le Racing Club de Lens. Dans Jeune Afrique le 13 avril, il parlait uniquement de "fonds arabes" sans plus de précision. L'hebdomadaire panafricain évoquait de son côté plusieurs partenaires du sultanat d'Oman, comme la compagnie aérienne Oman Air, la Bank Muscat et surtout l'Autorité publique pour la promotion des investissements et le développement des exportations (Paiped ou "Ithraa"). "(Charles-Kader Goorée) est bien notre représentant en Côte d'Ivoire, mais nous sommes actuellement en train d'envoyer des lettres à tous nos représentants pour les informer que nos accords seront annulés d'ici deux mois en raison de procédures internes", nous a répondu par courriel Saud Faisal, chef d'équipe au sein du bureau du président de cet organisme d'Etat, Salem Ben Nasser Al Ismaily. "Ce que (Charles-Kader Gooré) souhaite faire avec le club n'a rien à voir avec notre activité de base. Il en est seul responsable, Ithraa ne fait pas partie de ce projet et ne le soutient pas. La mission principale d'Ithraa est de faciliter l'investissement à Oman et le développement des exportations de produits omanais sur les marchés étrangers. Ithraa n'a pas mandat pour investir, ni procuration pour investir au nom de quelqu'un, ni le pouvoir de donner procuration à quelqu'un pour investir en son nom."A l'ambassade d'Oman à Paris, un porte-parole, en charge des relations publiques, nous a assuré ce lundi ne rien savoir au sujet du rachat du RC Lens. Il s'est engagé à nous communiquer une réponse officielle par écrit, réponse que nous n'avons toujours pas reçue pour le moment. Nous avons également sollicité Oman Air et Bank Muscat par courriel. Sans obtenir là non plus de réponse. Samedi, Didier Poulmaire, le premier avocat sollicité par Charles-Kader Gooré pour son projet de reprise du RCL, nous faisait part de ses doutes sur ces prétendus investisseurs omanais. "Le peu de fois que j’ai vu Charles-Kader Gooré, je ne l’ai pas trouvé d’une très grande transparence", nous a-t-il expliqué. "Il ne répondait pas bien à nos questions. Je lui avais dit notamment que si les gens d’Oman étaient là, que s’il avait des associés, je voulais les voir. A chaque fois, ça m’a été refusé. Une fois, lors d’un rendez-vous à l’hôtel George V, il m’a dit qu’ils étaient dans leurs chambres. J’ai demandé qu’ils descendent, pour les voir. Ils ne sont jamais descendus et j’ai trouvé ça très bizarre."
Charles-Kader Gooré a-t-il approché d'autres clubs ?
Dans son article du 13 avril, Jeune Afrique expliquait qu'avant de s'intéresser à Lens, Charles-Kader Gooré avait "entamé des discussions" avec Brighton and Hove Albion, club anglais de 2e division, "depuis la fin de 2014". "Non, désolé, jamais entendu parler de lui", nous a répondu par courriel Paul Camillin, le responsable "médias et communication" des "Seagulls" (les "mouettes"), surnom de cette équipe du sud de l'Angleterre, candidate cette saison à la montée en Premier League.Malgré toutes ces zones d'ombre, l'homme d'affaires ivoirien dit tracer sa route. Selon le JDD, Me Pardo, son avocat, aurait transmis jeudi une offre qui "n'excède pas 2,5 millions d'euros" à Hafiz Mammadov, l'actuel actionnaire majoritaire des Sang et Or. Charles-Kader Gooré assurerait pouvoir garantir 30 millions d'euros d'investissement sur les trois prochaines années. Son offre d'achat serait valable jusqu'à la fin du mois.