Rachat du RC Lens : Charles-Kader Gooré mis hors-jeu par Tracfin ?

Libération a affirmé vendredi que le projet de rachat du RC Lens, porté par l'homme d'affaires ivoirien Charles-Kader Gooré, avait été "disqualifié" par Tracfin, la cellule du Ministère des Finances, en charge de la lutte contre les circuits financiers clandestins et le blanchiment d'argent.  

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"Selon nos informations, Gooré ne rachètera pas le RC Lens, même si certains acteurs de la farce qui se joue dans l’Artois aimeraient faire croire le contraire", assurait notre confrère Grégory Schneider, vendredi soir, sur le site internet du journal Libération. "Si Gooré ne reprendra pas le club, c’est parce que l’organisme gouvernemental Tracfin l’a disqualifié et a mis le stop, ce qui nous a été confirmé au plus haut niveau de l’Etat". Tracfin est un service de renseignement rattaché au Ministère des Finances, en charge de la lutte contre les circuits financiers clandestins et le blanchiment d'argent. Il s'occupe notamment de recueillir, analyser et enrichir les déclarations de soupçons que les professionnels assujettis (banquiers, notaires, avocats...) sont tenus, par la loi, de lui déclarer.

Selon le journal L'Equipe, l'argent nécessaire au rachat du RC Lens avait été déposé il y a une dizaine de jours sur le compte bancaire CARPA de Sichel & Associés, le cabinet parisien de Me Olivier Pardo, l'avocat choisi par Charles-Kader Gooré pour conclure cette transaction. Une somme de 10 millions d'euros avait été évoquée, provenant principalement du sultanat d'Oman, selon l'entourage de l'homme d'affaires ivoirien, proche de l'ex-président déchu Laurent Gbagbo. L'avocat a donc bien dû effectuer, comme le veut la procédure, une déclaration Tracfin sur ces fonds. Depuis la publication de l'article de Libération, nous avons sollicité deux fois Me Pardo, sans obtenir de réponse de sa part. Nous avions déjà tenté de le contacter ces derniers jours, sans succès non plus. Aucune réponse non plus du côté du cabinet du ministre des Sports, Patrick Kanner, que nous avons également sollicité. Pour le moment, seul un élu de la région, fin connaisseur du RC Lens, nous confirme à demi-mot le véto opposé par Tracfin. "Cela semble se confirmer", nous a-t-il confié. "De toute façon, ça ne se fera pas". En clair, l'homme d'affaires n'aurait pas donné suffisamment d'éléments sur l'origine exacte de ses fonds. Ces derniers jours, des élus locaux avaient déjà exprimé en "off" des inquiétudes, pour ne pas dire une certaine hostilité à un éventuel rachat du RC Lens par Charles-Kader Gooré.

"Cloisonnement le plus total"

"Pour l'heure monsieur Gooré continue à penser que tout va bien", nous a indiqué de son côté Priscilla Wolmer, qui a travaillé ces dernières semaines sur le rachat du RC Lens avec l'homme d'affaires ivoirien. Cette éditrice française dirige la revue 54 Etats, le magazine de l'Afrique ainsi qu'une société de conseil en communication qui a déjà collaboré, entre autres, avec l'Union Africaine et la Banque Africaine du Développement. C'est elle qui figure juste à côté de Charles-Kader Gooré sur une photo prise début mars au Stade Bollaert-Delelis, sur laquelle il exhibe un maillot Sang et Or floqué à son nom.

"La dernière fois que je me suis entretenue avec M.Gooré, j'étais en compagnie de son conseil juridique initial, Me Poulmaire", nous signale-t-elle toutefois. "Et comme vous le savez, ce n'est finalement plus Me Poulmaire, bien qu'opérant dans le domaine du sport depuis plus de 25 ans, qui a été choisi. M.Gooré a opté pour un autre conseil, Me Pardo et c'est avec cet avocat que la proposition de rachat du club a été formulée. Les deux derniers rendez-vous effectués à Paris, en toute discrétion avec Me Pardo, M.Gooré et Gervais Martel, ont eu lieu sans Me Poulmaire et donc évidemment sans moi. Il semblerait que tout cela ait été réalisé dans le cloisonnement le plus total.

"Je ne l’ai pas trouvé d’une très grande transparence"

Didier Poulmaire, le premier avocat sollicité par Gooré pour négocier le rachat du RC Lens, a accepté de nous répondre lui aussi, à la suite de l'article publié par Libération. "Ça ne m'étonnerait pas", estime-t-il au sujet du véto opposé par Tracfin. L'ancien conseiller de la nageuse Laure Manaudou et du footballeur Yoann Gourcuff nous avait déjà accordé une interview le 11 avril dernier. Charles-Kader Gooré lui donnait alors "l’impression (...) de quelqu’un de tout à fait rationnel qui avance de manière méthodique".  Mais il avait aussi émis quelques réserves. "Je suis à l’écoute du projet de M.Kader Gooré qui m’a l’air dans le discours tout à fait ambitieux et cohérent. Maintenant entre les paroles et les actes, il y a une petite nuance, et c’est vrai que je veux m’assurer, dans l’intérêt de tous, que les paroles sont doublées des moyens  et que les moyens des ambitions sont là."


Aujourd'hui, le ton est nettement plus critique. "Le peu de fois que j’ai vu Charles-Kader Gooré, je ne l’ai pas trouvé d’une très grande transparence", nous explique-t-il ce samedi. "Il ne répondait pas bien à nos questions. Je lui avais dit notamment que si les gens d’Oman étaient là, que s’il avait des associés, je voulais les voir. A chaque fois, ça m’a été refusé. Une fois, lors d’un rendez-vous à l’hôtel George V, il m’a dit qu’ils étaient dans leurs chambres. J’ai demandé qu’ils descendent, pour les voir. Ils ne sont jamais descendus et j’ai trouvé ça très bizarre." Didier Poulmaire rappelle qu'il avait été sollicité initialement sur ce dossier par Priscilla Wolmer et "un financier qui s’appelle Farid Belkacemi que je connais bien", ex-agent de joueurs (il s'est occupé notamment de Fabrice Pancrate) qui travaille désormais pour une banque d'affaires.  
 

Une autre piste pour Gervais Martel ?

Il y a une dizaine de jours, le président du RC Lens, Gervais Martel, a indiqué à la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) qu'il avait trouvé un repreneur. L'audition devant le gendarme financier du football français, initialement prévue en juin, a même été avancée à fin mai, selon l'Agence France Presse. S'agissait-il de Charles-Kader Gooré ? Pas si sûr. Il semble en effet que le président lensois n'ait pas mis tous ses oeufs dans le même panier. "Le Racing Club de Lens a reçu (...) deux propositions de rachat" avait annoncé le club dans un communiqué le 14 avril. Selon L'Equipe, Gervais Martel aurait récemment confié à Charles-Kader Gooré qu'il était aussi en "contact avancé" avec un fonds d'investissement anglais. La rumeur circulait déjà depuis quelque temps sans plus de précision. Est-ce ce fameux repreneur "européen" que Gervais Martel avait annoncé fin mars à Philippe Pernet, le président du 12 Lensois, la principale association de supporters du club ? On le saura bientôt car le rendez-vous devant la DNCG approche à grands pas.

Quel que soit le candidat, la partie s'annonce quand même difficile. Comme plusieurs spécialistes du droit des affaires nous l'ont confirmé jeudi, le club ne peut être cédé, pour le moment, qu'avec l'aval d'Hafiz Mammadov, l'actionnaire majoritaire, et ce, en dépit de la procédure de conciliation engagée auprès du tribunal de commerce de Paris dont relève RCL Holding, la "maison-mère". Seul le dépôt de bilan de cette holding - qui détient 99,8% des actions du club - permettrait d'écarter définitivement l'Azerbaïdjanais au profit d'un nouveau repreneur. Celui-ci serait alors désigné par le tribunal de commerce. Mais le temps presse désormais... d'autant que les chances de montée en Ligue 1 se sont  réduites vendredi soir avec la défaite de Lens à Nîmes (4-2). Sans les rentrées financières liées à un retour dans l'élite, un nouvel investisseur sera plus que jamais nécessaire.
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