Eric Vannier, le maire du Mont-Saint-Michel, patron des célèbres établissements Mère Poulard, comparaît ce mercredi en correctionnelle à Coutances (Manche) pour "prise illégale d'intérêt".
Ce procès fait suite à une plainte de son rival politique et commercial au pied de l'un des sites les plus visités au monde.
Eric Vannier, 60 ans, sans étiquette, est soupçonné d'avoir usé de son statut d'élu pour faire en sorte que le point de départ des navettes qui transportent les touristes de la côte au mont, se trouve devant ses établissements.
Le point de départ des navettes au centre de la discorde
Le syndicat mixte du Mont-Saint-Michel, qui gère le projet de rétablissement du caractère maritime du rocher, a choisi le 6 octobre 2009 de faire partir les navettes de cet endroit en bordure de côte plutôt que du parking où les touristes doivent se garer, à 900 mètres de là dans les terres, obligeant ces derniers à marcher.
Un choix que le président PS du syndicat mixte Laurent Beauvais a longtemps défendu par la volonté de maintenir les tarifs de l'accès au Mont-Saint Michel à un niveau "raisonnable".
Mais face à la polémique suscitée par la marche imposée aux touristes qui s'est fait jour, celui qui préside aussi la région Basse-Normandie a annoncé officiellement le 29 octobre qu'il allait négocier avec Veolia (à qui le transport des touristes a été confié) pour rapprocher le point de départ des navettes du parking, la saison prochaine. Les discussions sont toujours en cours.
Le système de navettes a été mis en place le 28 avril 2012 car le parking au pied du mont a alors été fermé dans le cadre du projet de retour à l'insularité du rocher et les touristes doivent depuis de se garer sur le continent.
"La participation" de M. Vannier qui fait partie du syndicat mixte comme maire, au vote du 6 octobre 2009 "a été précédée et préparée par de nombreuses actions de sa part tendant à promouvoir cette option de départ des navettes", selon le texte de la citation à comparaître dont l'AFP a obtenu une copie et qui évoque notamment "l'envoi de courriers à l'en-tête de la mairie du Mont Saint Michel (...) notamment à des membres du syndicat mixte ayant pris ensuite part au vote".
Le parquet a ainsi annoncé le 26 octobre donner suite à une plainte déposée en mai 2011 par le rival politique et commercial de M. Vannier, Patrick Gaulois, 60 ans également, membre de l'UMP jusqu'en 2011.
Ce propriétaire de plusieurs hôtels sur le rocher qui attire 2,5 à 3,5 millions de touristes par an, en a été le maire de 2001 et 2008. Le patron de la Mère Poulard, et d'une trentaine d'autres établissements au mont, est lui premier magistrat de la commune, en dehors de 2001-2008, depuis 1983.
M. Vannier avait de son côté déposé plainte pour "dénonciation calomnieuse" en 2012 contre son rival.
Par la voix de son avocat Me Richard Valeanu, le maire du Mont-Saint-Michel, qui encourt cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende, a jugé ce procès "très injuste" et dit s'être toujours "battu pour l'intérêt général".
"En définitive, ce qui lui est pratiquement reproché, c'est d'être à la fois le maire du Mont-Saint-Michel et le porte-parole de son Conseil municipal et d'exercer localement des activités professionnelles privées", estime Me Valeanu.
"Cette façon d'envisager les choses est très inquiétante. A l'entériner, aucun des Montois, qui sont tous entrepreneur, commerçant ou agriculteur, ne pourra jamais plus siéger au conseil municipal ni au Syndicat mixte", ajoute-t-il.
En attendant, sur le mont "c'est l'omerta. Personne n'ose parler", affirme Patrick Gaulois. Et M. Vannier de dénoncer des tentatives de "manipulation" de son concurrent.
Voir le résumé de l'affaire en images par Franck Bodereau