Le juge antiterroriste regrette l'absence de déclassification de certains documents, en particulier un audit sur les conditions de sécurité autour des salariés de la DCN qui travaillaient au Pakistan.
Un autre document non déclassifié concerne un intermédiaire en armement, proche des autorités saoudiennes, le cheikh Ali Ben Moussalam. Selon le témoignage d'un ancien agent du renseignement, le cheikh, mort en 2004 dans des circonstances non élucidées, n'aurait pas reçu l'intégralité des commissions qui lui étaient dues dans le cadre des contrats d'armement avec le Pakistan (Agosta) et l'Arabie saoudite (Sawari II).
Les enquêteurs cherchent à savoir si l'attentat de Karachi a pu être décidé par en représailles du non-versement des commissions. Le juge "a la certitude que toutes les commissions n'ont pas été versées, notamment à Ben Moussalam", a précisé Me Olivier Morice, avocat de plusieurs familles, estimant que ce dernier pouvait "être à l'origine des représailles".
Le cheikh avait "le mobile et les moyens" de réaliser l'attentat, a déclaré Sandrine Leclerc, fille d'un des salariés tué dans l'attentat, évoquant "un rapport d'une centaine de pages", non déclassifié.
Bientôt une audition de Ziad Takkiedine ?
Le juge a également informé les familles de son intention d'entendre de nouveau l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine à la suite des aveux que ce dernier, actuellement incarcéré, a fait aux juges chargés du volet financier de l'enquête sur un financement occulte de la campagne électorale d'Edouard Balladur en 1995 par des rétrocommissions liées aux contrats Agosta et Sawari.
"On espère qu'il parlera autant du côté terroriste que du côté financier de l'enquête", a souhaité Gilles Sanson, blessé dans l'attentat. Il a estimé que M. Takieddine "n'a plus rien à perdre en parlant au juge Trévidic de Ben Moussalam et de ce qu'il sait sur l'arrêt des commissions", décidé par Jacques Chirac en 1996.
"Après des années de mensonges, Takieddine a accrédité ce qui est dans le dossier", a estimé Mme Leclerc, les aveux de M.Takieddine sur l'existence de rétrocommissions, faisant, pour la première fois, un lien entre les contrats d'armement et un financement occulte de la campagne de M. Balladur.
Le reportage à Paris de Stéphanie Potay et Sylvain Rouil
Intervenants
Marie Dosé, avocate d'un blessé et de deux veuves
Sandrine Leclerc, porte-parole du collectif de 5 familles de victimes décédées
Le rappel des faits
L'attentat de Karachi perpétré le 8 mai 2002 a coûté la vie à 14 personnes, dont 11 salariés de la Direction des Constructions Navales, pour la plupart originaires de Cherbourg.
Ces personnes étaient au Pakistan pour superviser la construction de sous-marins Agosta dans le cadre d'un contrat d'armement entre la France et le Pakistan en 1994.
Avec AFP