Procès Karachi : décision attendue le 15 octobre sur la prescription dans le volet sécuritaire

L'attentat de Karachi en 2002 a-t-il été facilité par une sécurisation possiblement insuffisante des salariés du site ? La Cour de cassation devra se prononcer le 15 octobre prochain et dire si les homicides involontaires dont sont accusés deux anciens cadres des chantiers navals sont prescrits ou non.

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La chambre criminelle de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français a examiné ce mardi 3 septembre en audience publique le pourvoi de victimes et leurs proches, qui soutiennent que l'affaire n'est pas prescrite.

La justice se penche sur la prescription du volet sécuritaire

"La difficulté juridique tient à la connexité. Y a-t-il ou pas connexité entre les infractions ? Nous, on considère depuis des années que dans la mesure où le bus part à la même heure, qu'ils montent à la même heure, qu'ils empruntent toujours le même trajet, que le niveau de sécurité est resté au plus bas, évidemment que l'attentat est facilité par ces manquements perpétrés par l'employeur", nous explique l'avocate au conseil des parties civiles, Me Catherine Bauer-Violas.

Le 8 mai 2002, l'explosion d'un bus transportant des salariés de la Direction des constructions navales internationales (DCNI) à Karachi au Pakistan avait fait quinze morts, dont onze Français. La justice française enquête sur deux volets : un premier, ouvert le jour même, concernant les commanditaires de l'attentat et un deuxième, ouvert en 2012 après une plainte de parties civiles en 2011, sur d'éventuels manquements dans la sécurisation des employés sur place.

Dans ce dernier volet, les juges d'instruction avaient considéré, vingt ans après l'attentat, qu'il existait des indices graves et/ou concordants que les deux anciens cadres de la DCN Gérard C., chef de site, et Alain Y., chef de projet sur les contrats des sous-marins Agosta 90B, aient sous-estimé les menaces qui pesaient sur les salariés de l'entreprise. Ils auraient "sous-évalué" les risques d'attaques envers les salariés présents sur le site, alors que le contexte sécuritaire dans la région était particulièrement "dégradé" depuis les attentats du 11 septembre 2001, avec la multiplication d'attaques ciblant les étrangers ou les intérêts étrangers.

Les magistrats instructeurs les avaient dès lors mis en examen pour homicides et blessures involontaires en 2022. Mais, en mai 2023, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a annulé leur mise en examen, estimant l'action publique prescrite.

Y a-t-il une connexité ?

Elle a écarté la connexité entre les assassinats terroristes, crime intentionnel et les homicides involontaires, délits non intentionnels, qui étaient donc prescrits dès 2005 selon elle. Si la Cour de cassation conclut qu'il existe une connexité, alors un éventuel procès dans ce dernier volet pourrait encore se tenir. 

L'avocate au conseil des parties civiles, Me Catherine Bauer-Violas, soutien que le protocole de sécurité était inadapté et a permis "l'identification" des personnels, qui étaient acheminés de leur hôtel au chantier naval en bus, toujours par le même itinéraire.

Pour les avocats des deux mis en cause, Mes Hervé Hazan et Patrice Spinosi, la cour d'appel a au contraire suivi la jurisprudence de la Cour de cassation. Conscient que la prescription a "quelque chose d'amer" et laisse un "sentiment d'inachevé", Me Patrice Spinosi a néanmoins assuré que "l'attentat aurait pu être commis même si aucune faute d'imprudence n'avait eu lieu".

L'avocat général, Xavier Tarabeux, a conclu au rejet du pourvoi, jugeant qu'il n'existe pas de liens suffisamment "étroits" entre l'éventuelle négligence des cadres et la commission de l'attentat.
Ce "débat juridique complexe ne peut faire oublier le traumatisme des victimes et leurs proches", a-t-il néanmoins rappelé.

Un procès qui n'en finit pas

Après deux décennies, cet attentat n'a pas été élucidé et deux thèses s'affrontent : la piste d'Al-Qaïda, qui ne l'a pas revendiqué, mais l'a approuvé, et l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt des versements de commissions dans le cadre d'un contrat d'armement. 

Cette affaire a aussi donné lieu à une troisième instruction, baptisée le volet financier : elle concerne des soupçons de financement occulte de la campagne d'Edouard Balladur en 1995.
En première instance en 2020, six personnes ont été condamnées à Paris à des peines allant de deux ans à cinq ans de prison ferme. La décision en appel est attendue le 21 janvier 2025.

Jugé devant la Cour de justice de la République, l'ex-Premier ministre Edouard Balladur a été relaxé en mars 2021 tandis que son ancien ministre de la Défense, François Léotard, a été condamné à deux ans de prison avec sursis.

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