Découvrez l’histoire extraordinaire et méconnue de la Lyre. Avec ses "Blisters", l’artiste Simone Decker rend hommage à ce passé festif oublié et ouvre le débat sur l’urbanisme (raté ?) de l’île Lacroix
La lyre, emblème de l’île Lacroix ?
Découvrez en plusieurs petits chapitres, comment l’art contemporain peut rendre hommage au passé d’un lieu. Organisée dans le cadre du festival Normandie Impressionniste, l'exposition d'art contemporain "Rouen Impressionnée" est visible jusqu'au 15 septembre avec les oeuvres de quatre artistes dont Simone Decker avec "Blister"Pourquoi une lyre ?
Ni réalité ni fiction, "Blister" a pour ambition de rendre à l’île Lacroix l’attention qu’elle mérite. Pour Simone Decker, l’île Lacroix est trop méconnue. Pour elle, la lyre est un signe pour que les habitants se réapproprient ce territoire. Mais c’est aussi et surtout un clin d’œil au passé festif et prestigieux des lieux, du temps où une énorme enseigne lumineuse en forme de lyre se dressait au dessus des toits de l’île, visible des deux rives de la Seine.
Lieu central des loisirs et des spectacles de la ville
C’est au 19e siècle que les activités de loisirs s’installent sur l’île Lacroix. En 1848 le "Tivoli Normand" ouvre ses portes, rejoint en 1878 par les "Fantaisies Lyriques". Un établissement de spectacle de plus 1000 places qui est quelques années plus tard rebaptisé "Folies Bergères" et équipé d’une grande enseigne en forme de lyre.Les plus grands noms de la chanson
Du 19e siècle à 1940 les chanteurs les plus populaires s’y produisent : Félix Mayol, Ouvrard, Mistinguett, Aristide Bruant, Berthe Sylva, Yvette Guilbert, Dranem, Maurice Chevalier. Après guerre, l’établissement rouvre et, de 1952 à 1964, la liste des célébrités s’allonge : Luis Mariano, Patachou, Juliette Gréco, Yves Montand, Charles Trénet…La deuxième discothèque du monde
Endommagé pendant la guerre le bâtiment des Folies Bergères restera fermé jusqu’en 1952 date à laquelle un jeune rouennais va reprendre l’établissement sous le nom de Théâtre de la Lyre. Plus jeune directeur de théâtre de France, Jacky Gaillard a débuté en 1944 en produisant des spectacles au cirque de Rouen, puis en dirigeant le "Nouveau Théâtre" de la rue des Carmes. Arrivé sur l’île Lacroix il va faire de La Lyre un complexe festif en avance sur son temps, doté d’une discothèque, la deuxième du monde après le Whisky à Gogo de Paul Pacini.Dans le document sonore ci-dessous (enregistré en 1985) il raconte à Richard Plumet les coulisses de La Lyre et l'état d'esprit de l'après guerre :
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Les revues de Rouen
Reprise rive droite au "Nouveau Théâtre" de la rue des Carmes au lendemain de la guerre, la tradition centenaire des revues humoristiques de l’actualité rouennaise s’est poursuivie dès 1952 à La Lyre. Dans le document sonore ci-dessous (enregistré en 1986) Jacky Gaillard, André Junement et Raymond Hacqueville racontent l’impact et le rôle de ces revues sur les habitants :
(si le document sonore ne s'affiche pas sur votre tablette ou téléphone : allez en bas de page)
##fr3r_https_disabled##"Sag warum" , le Luxembourg et l’île Lacroix
A plus de 50 ans d’écart, la coïncidence a de quoi étonner : l’histoire du théâtre de La Lyre de l’île Lacroix est liée à deux artistes luxembourgeois, et de surcroit originaires de la même commune : Esch-sur-Alzette. Le premier est Camillo Felgen, l’interprète de la chanson "Sag Warum". C’est par hasard que Jacky Gaillard remarqua ce slow lors d’un voyage au Luxembourg. Il en ramena un enregistrement à Rouen pour le passer dans sa discothèque de la Lyre. Et comme le raconte André Junement dans le document sonore ci-dessus, le succès de ce disque fut tel qu’il arriva aux oreilles des producteurs parisiens qui en firent ensuite un tube mondial. Des décennies plus tard il est donc étonnant qu'arrive à Rouen l’artiste luxembourgeoise Simone Decker et de la voir choisir le thème de la Lyre et du souvenir de la salle de spectacle…
Expropriation destruction et amertume
Dans le document sonore plus haut Jacky Gaillard ne cachait pas son amertume quand il racontait à Richard Plumet la fin de la Lyre. Jamais subventionné par la ville, son établissement sera finalement exproprié puis détruit en 1965. Pour Jacky Gaillard, cette île Lacroix méritait mieux que les immeubles édifiés dans les années 60 : il pensait que c’était l’endroit idéal pour en faire un lieu de loisirs et de sports en y regroupant la foire St Romain, une foire commerciale, des concerts en plein air, et des équipements sportifs. Et pas une île en cul de sac mais une île reliée (comme dans les années d’après guerre) à la rive droite et à la rive gauche par des passerelles. Après la Lyre, Jacky Gaillard fit encore parler de lui en créant, place Cauchoise, les Oubliettes. Mais cela, c’est une autre histoire…2013 : la démarche de l’artiste
VIDEO : l’interview de Simone Decker par Virginie Ducroquet et François Pesquet en juin 2013
Blister de Simone Decker
Situez et visualisez les quatre lyres de Blister sur l'île Lacroix. En principe, des visites commentées sont organisées par la ville de Rouen et la CREA jusqu'à la fin de l'exposition.
Un livre raconte l’histoire de la Lyre
Dans un ouvrage intitulé "Les Folies Bergères de Rouen" (publié aux éditions du Pucheux) , Sébastien Lefebvre raconte en détail l’histoire de cette salle de spectacle, notamment la période allant du 19e siècle à 1940. Dans la vidéo ci-dessous il est interviewé par Philippe Goudé.
Document sonore : "les revues de Rouen,et l'histoire du théâtre de la Lyre"
Les documents sonores publiés dans cette page sont issus des archives personnelles de R. Plumet et sont en cours de dépôt et d'inventaire à l'INA (Institut National de l'Audiovisuel)