Les travaux d'une universitaire Caennaise sur la violence à Marseille

Laurence Montel est la spécialiste de l'histoire du crime dans la cité phocéenne. Elle est maître de conférence en histoire contemporaine à l'université de Caen. Sa thèse publiée en 2009 était intitulée "Marseille, capitale du crime".

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Marseille, réputée pour sa criminalité depuis la fin des années 1920, a connu des flambées de violences dues aux phases de reconfiguration du milieu mafieux, mais aussi aux périodes de crise économique, durant lesquelles "toutes les violences se durcissent", estime Laurence Montel, maître de conférence en histoire contemporaine à l'université de Caen. Les travaux de cette universitaire peuvent faire écho à la vague d'assassinats qui fait rage actuellement dans la deuxième ville de France.

De quelle époque date la réputation de violence de Marseille ?

 "Elle date de la charnière entre les années 1920 et 1930. Si on remonte encore avant, à la Belle Epoque, on voit que Marseille commence à devenir violente dans les représentations collectives, mais parmi d'autres grandes villes, Lyon ou Paris. Les règlements de comptes, on les voit apparaître à partir des années 1900. C'est à ce moment qu'on se dit "il doit y avoir un milieu marseillais", parce qu'il y a beaucoup de guerres de bandes pour contrôler les trafics.

Ensuite, il y a des phases, avec des périodes de reconfiguration et de crise de ce milieu pour le contrôle des trafics les plus intéressants, notamment la prostitution, qui provoquent à certains moments des pics de violence. La question du trafic de drogues apparaît elle dans l'entre-deux-guerres, mais il y a finalement assez peu de violences pour contrôler ce trafic à cette époque."


Quel rôle joue la déliquescence sociale dans les flambées de violences passées ?

"Les travaux réalisés par exemple sur les années 1880-1910 montrent bien que toutes les violences se durcissent, dans une période de crise forte et de surexploitation de la classe ouvrière. La croissance économique marseillaise s'est faite en surexploitant les ouvriers locaux, souvent issus de l'immigration et qui n'ont la plupart du temps pas de diplôme.

Ce sont des individus qui sont en situation de grande précarité, et, dès qu'on est dans une phase de récession, le patronat favorise le travail partiel d'une population très pauvre. Ces situations de conflit basculent très facilement dans la violence. Dans les années 1900, c'est un peu comme aujourd'hui: il y a des violences dans et hors des milieux criminels. La précarité accentue les tensions partout dans la société."


Par le passé, les politiques se sont-ils saisis de ce problème de violences comme semblent vouloir le faire l'Etat et les élus locaux aujourd'hui ?

"A au moins deux reprises: à la fin des années 1900 et à la fin des années 1930, qui sont deux périodes de pics de la problématique de la criminalité à Marseille. Les deux fois, il y a eu un effort de réorganisation important de la police, des réorganisations d'une autre ampleur qu'aujourd'hui, même si la comparaison est difficile.

Fin 1900, la violence à Marseille a entraîné l'étatisation de la police marseillaise, deuxième ville, après Lyon en 1851, à connaître cette mesure. Peu
après ont été créées les brigades de police mobile pour lutter contre la grande criminalité. Dans les années 1930, il y a une véritable "remise au pas" de la ville, une mise sous tutelle de la municipalité (qui a beaucoup choqué les Marseillais) parce que tout paraissait gangréné. L'action des pouvoirs publics paraît fondamentale pour rassurer les populations, mais son efficacité est difficile à mesurer.

En 1939, toutes les maisons de prostitution clandestines sont fermées, mais en 40, il y a de nouveau des plaintes. C'est tout le problème des économies parallèles. A partir du moment où il y a des clients pour acheter des biens et des services illégaux et des gens suffisamment pauvres ou intéressés pour les vendre, il y a un marché."


(avec AFP)

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