Les anciens salariés de la biscuiterie caennaise ont formé un cordon pacifique autour de leur entreprise pour en bloquer l'accès aux agents de GRDF, venus fermer l'arrivée de gaz sur ordre du liquidateur judiciaire.
C'est la visite que craignaient les anciens salariés de la biscuiterie Jeannette: celle de l'huissier de justice et des agents de GrDF. Sur ordre du liquidateur judiciaire, Me Lizé à Caen, ils sont venus vendredi vers 11h45 procéder à la fermeture de l'arrivée de gaz de l'entreprise. A leur arrivée, ils ont été reçus par les ex-Jeannette formant une chaîne humaine, déterminés à empêcher l'opération. Impossible pour les agents GRDF d'accéder au site, l'huissier n'a pu que constater l'entrave et est reparti.
Les salariés licenciés au moment de la mise en liquidation judiciaire de leur entreprise ont célébré le moment au cri de "Tous ensemble, tous!" Christian Leroy, qui a travaillé 29 ans chez Jeannette, a confié son soulagement et s'est dit "prêt à refaire des madeleines". Pour les ex-Jeannette, il s'agit d'une victoire importante, peut-être même une étape qui pourrait se révéler décisive dans leur combat pour leur emploi.
"Si aujourd'hui on nous enlève le gaz, un repreneur potentiel ne pourrait pas voir les machines en état de fonctionner," explique Franck Mérouze, secrétaire de l'union locale CGT (Caen). "Et il faut qu'il puisse les voir en fonctionnement."
Trois repreneurs potentiels jugés sérieux
La médiatisation du combat des ex-Jeannette a permis ces dernières semaines à plusieurs repreneurs potentiels de se manifester. Les syndicats ont longtemps parlé de dix personnes qui se seraient manifestées pour reprendre la biscuiterie. Le chiffre est aujourd'hui confirmé par la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE) du Calvados. Peu de détails ont pour l'instant filtré, mais la direction de la DIRECCTE 14 estime qu'il est possible d'approfondir la discussion avec au moins trois des candidats.une reprise d'entreprise en phase de liquidation n'est pas simple. Il va falloir faire apparaître des pistes positives d'ici à la fin du mois
Reste que le dialogue pourrait se révéler compliqué, à la fois sur le plan technique et sur le plan juridique. Un fin connaisseur du dossier estime qu'organiser "une reprise d'entreprise en phase de liquidation n'est pas simple". "Il va falloir faire apparaître des pistes positives d'ici à la fin du mois". Ou avant la fin du bail des locaux actuels de Jeannette qui arrive à échéance dans les prochains jours.
"La mobilisation fait chaud au coeur"
Jeudi, les ex-Jeannette ont produit une nouvelle fournée de madeleines de près de deux tonnes. 80% de la production du jour ont été vendus dans l'après-midi, aux portes de l'usine. Le reste a été écoulé ce matin sur le marché Saint-Sauveur à Caen. Nombreux sont celles et ceux qui ce matin, tentaient encore de venir acheter des madeleines aux portes de l'usine, mais sans succès, le stock ayant été intégralement épuisé. "L'élan des Caennais fait chaud au coeur", a ajouté Christian Leroy. "On voit que d'un côté il y a le consommateur qui veut toujours des madeleines et nous, on veut toujours en fabriquer et maintenant on a des repreneurs potentiels. Je me dis que tout n'a pas été fait, que tout n'a pas été mis en oeuvre au départ pour sauver "Jeannette"."Des responsables politiques de gauche se sont rendus ce matin sur le site de l'entreprise, "en soutien aux salariés". Jean Lebon, secrétaire de la fédération du Parti communiste français du Calvados (PCF), est arrivé en début de matinée. Il a déploré que l'"on assiste à un gâchis industriel et humain, alors que l'on voit que cette entreprise est viable". Lilian Bellet, secrétaire de la section du PCF de Caen (et également candidat sur la liste emmenée par Philippe Duron, maire sortant de Caen, aux municipales 2014) s'est, lui, réjouit de voir que "le rassemblement fonctionne", avant d'ajouter: "On voit que cette période de crise que traverse le pays réveille des solidarités nouvelles qui peuvent ouvrir de nouvelles perspectives par la suite."
Quelques minutes après le départ de l'huissier et des agents de GrDF, le maire de Caen, candidat à sa succession, est venu saluer les ex-Jeannette et les a assurés "du soutien de l'administration locale". Il a également indiqué vouloir demander à Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, "de nous apporter son expertise", dans le but de "faire en sorte que la meilleure offre puisse sauver cette entreprise."
Reportage de Clément Massé et Cyril Duponchel
Intervenants :
Christian Leroy, ancien salarié "Jeannette"
Franck Mérouze, Secrétaire de l'union locale CGT de Caen