Le réalisateur franco-américain Damien Chazelle présentait ce jeudi son second long-métrage, un face-à-face tendu entre un élève et son professeur sur fond de jazz..
Le film était déjà doté d'une très bonne cote chez les pronostiqueurs avant même sa projection. Quand le générique de fin est apparu sur l'écran ce jeudi après-midi, des applaudissements nourris ont longuement retenti et plusieurs "bravos" ont fusé dans la salle. "Whiplash" est le second long-métrage du réalisateur franco-américain Damien Chazelle. Il s'inspire d'une expérience personnelle et raconte les rapports extrêmement tendus entre
un élève batteur de jazz et son professeur, aux méthodes particulièrement brutales. Malgré leur opposition, les deux hommes sont tous deux en quête d'excellence.
Si Whiplash a été pensé dés le début comme un long-métrage, il a d'abord vu le jour dans un format court, faute d'argent. "A Los Angeles, personne ne s'intéressait au jazz". Primé au festival de Sundance en 2013, il permet de débloquer les financements nécessaires à la réalisation du film que le public deauvillais a pu découvrir ce jeudi.
Un légende sur Charlie Parker
Pour Damien Chazelle, ce projet a une résonnance particulière. Enfant, il a baigné dans un milieu imprégné de jazz aux côtés de son père et de son oncle, deux grands admirateurs de Charlie Parker. Dans, le milieu des musiciens, une légende raconte que le célèbre saxophoniste, alors débutant, a failli se faire décapiter par une cymbale que lui aurait lancé un musicien expérimenté, estimant qu'il n'était pas à la hauteur. "Mon père me l'a racontée. Personne ne sait si c'est vrai mais j'ai été fascinée par cette histoire avant même d'apprécier le jazz". Dans le film, le personnage du professeur, incarné par JK Simmons, la raconte à son jeune élève pour justifier ses méthodes.
A cette légende s'est ajouté le vécu du metteur en scène. "Avant de bifurquer vers le cinéma, j'étais moi-même batteur et j'ai été confronté à un professeur sadique. L'image du jazz est celle d'un art libéré. Mais pour moi, c'était les larmes, l'angoisse, l'oppression physique". Cette douloureuse expérience a mis fin à ses velléités de devenir batteur professionnel. Mais comme dans la nature rien ne se perd, elle a nourri l'inspiration du cinéaste.
Pas besoin d'être mélomane ou fondu de jazz pour apprécier ce film qui traite de la quête de l'excellence, du prix à payer et des moyens à employer pour atteindre cet objectif mais aussi de la question du talent. "Est ce qu'on devient un grand musicien ou est-ce qu'on naît "grand musicien" ?" s'interroge le réalisateur, une problématique qui s'applique à l'art en général mais aussi à bien d'autres domaines (le sport par exemple).
Des scènes de concert filmées comme des scènes d'action
"Whiplash" est porté par sa mise en scène et l'interprétation des comédiens. "Tout au long dui processus, c'est la musique qui nous a inspiré", raconte Damien Chazelle, "On voulait que les scènes de concert soient filmés comme des scènes d'action. Mais la difficulté, c'est que d'habitude, on tourne d'abords les scènes d'action et on leur ajoute ensuite la musique. Or là, la musique préexistait aux scènes". Le défi est brillamment relevé comme lors de la séquence finale, véritable duel haletant entre les deux protagonistes lors d'un festival de jazz.
L'autre qualité du film, ce sont ses comédiens. Miles Teller, dans le rôle du jeune batteur, est bluffant. Durant son enfance, il a pratiqué plusieurs instruments, ça aide. Il a reprise intensivement la batterie durant six semaines pour préparer le film. "A l'image, ce n'est pas forcément lui qui joue tout le temps mais l'intensité est réelle", juge Damien Chazelle, un point de vue que les spectateurs de Deauville partageaient ce mercredi. Pour lui donner la réplique (et parfois les coups), JK Simmons, impérial en professeur sadique, décochant ses remarques à la fois drôles et humiliantes à l'égard de ses élèves comme un sniper, à l'instar du personnage de l'instructeur dans "Full Metal Jacket".