Simone et Xavier, ingénieurs de formation... Ils ont tout largué au début des années 80 pour s'installer comme agriculteurs dans les Pyrénées avec comme objectif premier de participer au sauvetage des Mérens, une race de chevaux qui a failli disparaître.
Fin des années 70, Xavier Paquin, originaire de Neuilly sur Seine et Simone Verdier du Gers, sont déjà mariés et ingénieurs tous les deux. Ils s’occupent d’aménagements pastoraux dans les Pyrénées. C’est sur le terrain qu’ils vont découvrir le Mérens. Un cheval en voie d’extinction : il reste alors 5 étalons et une cinquantaine de juments.
Comme professionnels ils s’investissent pour aider à la survie. Comme citoyen et amoureux de la nature, il s’en procurent un et adhère au syndicat des éleveurs de Mérens. « Pour être acteur, et pas seulement spectateur, participer aux réunions, au travail de sauvetage » affirme Xavier.
En tant qu’ingénieurs ils préconisent d’ailleurs un plan de sauvetage. Comme d’autres races de chevaux ou d’ânes l’ont fait, il faut d’abord recenser les chevaux ayant un morphotype très proche des Mérens identifiés au Studbook. « Cette opération d’ouverture était indispensable : augmenter le nombre de sujets pour éviter la consanguinité ». Indispensable mais pas suffisant. « Nous avons également travaillé en lien avec les Haras Nationaux, très vivants à l’époque, pour mettre au point une étude génétique qui préserve des lignées intactes. »
Près de Tarascon-sur-Ariège, au Château de Bouan, meurt un ouvrier ouvrier agricole qu’ils ne connaissent pas mais va radicalement changer leur vie. Jusqu’alors cet homme est chargé de s’occuper de ce qui est considéré comme le troupeau le plus ancien. 33 juments, 1 étalon et leur descendance directe se retrouvent sans soins.
Alertés, les adhérents du syndicat se mobilisent. Un comité d’experts se constitue pour estimer la valeur de la jumenterie. Xavier et Simone de leurs côtés prennent une décision. Ils vont tout laisser tomber et se lancer dans l’aventure.
Une propriété est vite trouvée. Près de Mirepoix. 140 ha de terres agricoles pour 300 ha au global.
« Nous avions envie de nous installer comme agriculteurs. Il nous fallait l’occasion. Elle s’est présentée. Un bail à cheptel est signé. Une des clauses stipule l’obligation de remonter en transhumance sur la montagne chaque année pour ne pas perdre les droits d’usage. »
Elevage en totale liberté
Depuis ce temps, le domaine de Sié fait naître, élève et dresse des Mérens. « Depuis, nous avons totalement banni de notre vocabulaire les mots week-end, vacances, temps libre. »Il faut dire que le travail ne manque pas. Un élevage en totale liberté ne veut pas dire ne rien faire. 20 juments poulinières, 4 étalons agréés pour la monte publique et une quinzaine de naissance par an. Le temps est rythmé par les saisons comme ailleurs. Les poulinages commencent fin février-début mars. « Le premier poulain cette année est né durant le SIA 2015. Sous la neige. »
Ensuite, les saillies en liberté reprennent. « Chaque étalon est équipé d’un harnais, comme celui que l'on utilise pour les brebis, afin de laisser une marque de couleur sur le dos de la jument fécondée. 14 jours après une échographie est réalisée. » Et puis début juin tout le monde est prêt. « La Pentecôte, c’est le signal de la transhumance. 120 kilomètres à cheval en 3,5 jours pour accompagner le troupeau qui restera en haut jusqu’à la Toussaint. Nous passons un col à 2 000 mètres avec des juments pleines et suitées (suivies de leur poulain de l'année). » Durant la belle saison, Xavier et Simone montent de temps à autre.
En haute-montagne le milieu est dangereux. Avec des précipices, les écarts, les excès peuvent être mortels. « C’est un cheval polyvalent. Entre 450 et 500 kilos, il peut être monté, attelé. Réaliser des travaux agricoles, du débardage. Le Parc National des Pyrénées s’en est procuré pour approvisionner les ours par exemple dans des endroits difficilement accessibles. » Et puis il a une dimension de thérapeute. « Bien dans sa tête, il est un excellent accompagnant pour les personnes en situation de handicap physique ou mental. Un grand centre à Barcelone m’en a d'ailleurs acheté 3. »Le Mérens est un cheval rustique, calme. « Froid dans sa tête. Il maîtrise ses émotions.»
La lignée de Narcisse
« Nous présentons aujourd’hui au SIA 2015 le champion suprême de la race. Comme l’a été son père, son grand-père et son arrière grand-père, tout vient de lui Narcisse. »Et 30 ans après,« Nous ne regrettons rien » conclut Xavier, non sans humour. « Nous sommes en thérapie depuis 30 ans. La thérapie conventionnelle nous aurait coûté beaucoup plus cher si nous étions restés sur le chemin que nous avions entamé ».