Les restaurants virtuels ou "dark kitchen" prospèrent depuis les confinements. Ces établissements ne recoivent pas de clients et commercent essentiellement en ligne. Il y a pourtant des règles à respecter que la municipalité de Rouen entend faire appliquer.
Dans cette rue proche de la place du Vieux Marché à Rouen, des livreurs à mobylette attendent sagement leurs commandes devant une grande vitrine opaque, dont on ignore s'il s'agit d'un magasin ou d'un restaurant. L'enseigne évoque la présence d'un chef dans sa cuisine, publicité sous laquelle on trouve la mention du désormais bien connu "click and collect". Derrière ces murs se cache en réalité une "dark kitchen", comprenez une cuisine fantôme. C'est là que sont composés et peut-être confectionnés des repas commandés sur un site internet. Impossible pour nous d'y entrer, seule une petite ouverture de type "passe-plats" permet aux livreurs de réceptionner les commandes.
Depuis les confinements successifs, les "dark kitchen" et les "dark store" (comprenez donc les cuisines et les magasins fantômes) sont en pleine expansion. Au départ, les restaurants et les boutiques proposaient pour dépanner la vente à distance. Désormais certains établissements n'ont d'existence qu'en ligne, et proposent ce type de prestation sans jamais recevoir de clients sur place. Ces restaurants et magasins virtuels ont l'avantage de demander peu d'investissements, et peuvent même fonctionner entre eux, en coworking, en partageant les lieux ou les cuisines. Ce qui ne dispense pas d'appliquer les règles en vigueur dans la restauration, concernant l'hygiène et la sécurité. Ces établissemnents existent sur internet grâce à un bon référencement, et par l'intermédiaire des "marketplace", entendez les plateformes commerciales en ligne.
A Rouen, les restaurateurs s'accommodent de ces nouveaux commerces, tout en percevant leurs limites. "Ca correspond à des besoins qui sont complémentaires aux nôtres, mais ces installations là se font à l'intérieur d'un coeur de ville au détriment de l'harmonie commerciale de tous ces commerces qui s'alimentent les uns les autres. Celui là ne participe absolument pas à la création de flux, il participe à la création d'un flux de mobylettes !" réagit Philippe Coudy, le président de l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie de Rouen. Certains restaurateurs alertent sur une possible concurrence déloyale, tandis que des riverains de ces "dark kitchen" se sont plaints de nuisances sonores liées au va et vient des deux roues..
Mardi 6 septembre, la ministre déléguée au commerce Olivia Grégoire, a réuni des élus locaux pour clarifier les règles autour de ces nouveaux commerces spécialisés dans la vente à emporter. La ministre a donné l'autorisation aux maires de réguler voir d'interdire les "dark kitchen". A Rouen, la municipalité souhaite légiférer rapidement pour organiser ces nouveaux commerces qui selon certains, dénaturent le centre ville.
"On se réserve le choix de se déterminer au cas par cas. Il y a des lieux où c'est adapté, des lieux où ça ne l'est pas, mais vous savez c'est un "business model", entre le clic et la livraison il y a 20 minutes, ce qui demande des installations en hypercentre. Nous on va protéger nos artisans, nos commerçants, et puis leurs salariés !" argumente Sileymane Sow, adjoint au commerce à la ville de Rouen.
La législation évolue pour encadrer les pratiques. Les magasins fantômes au service des grandes plateformes de livraison, seront bientôt considérés comme des entrepôts. Un arrêté clarifiant la destination de ces nouveaux commerces devrait être publié dans les prochains jours.