La tendance relevée lors du printemps dernier se confirme : les chiots font craquer de plus en plus d'adoptants. Les élevages normands, toutes races confondues, sont débordés d'appels. Effet des confinements ou pas, l'achat d'un jeune chien, si craquant soit-il, mérite réflexion.
Le Berger australien est le chien préféré des Français cette année encore, suivi de près par le Border collie, ou le Bouledogue français. Mais ce qui réunit toutes les boules de poils à quatre pattes, sans exception, c'est le désir qu'elles sucitent chez les Normands.
"J'ai rarement vécu une telle situation", s'étonne Jeanne Guérin, de l'élevage du Petit Dan au Nord de Caen. "En ce moment et depuis quelques mois, je reçois 2 à 3 coups de téléphone par jour d'adoptants, alors qu'en temps normal, c'est plutôt 2 à 3 par semaine."
Son élevage propose diverses races de chiens, du court-sur-pattes comme le Teckel nain, au Braque de Weimar ou à l'Akita Inu - un chien japonais au pelage très dense devenu très à la mode.
"On fonctionne avec un système de réservation, alors certains préfèrent alors acheter n'importe quoi, pourvu d'avoir un chiot rapidement", s'inquiète l'éleveuse.
Le chien est un marché juteux
Une telle pression pourrait encourager des éleveurs peu scrupuleux à profiter de la situation. "Je craindrais que certains fassent se reproduire des femelles trop jeunes, ou ne respectent pas les tests vétérinaires", souligne Jeanne Gérin.
Il est en effet question ici de chiot dits "LOF" c'est-à-dire inscrits au Livre des origines françaises, ce qui leur permet d'être qualifiés de chiens de race. Et ce qui leur confère aussi une certaine valeur sur le marché des chiots.
Un pur race Golden Retriever peut être vendu entre 1000 et 1500 euros. Les tarifs varient selon les races bien entendu; un Bouledogue français peut dépasser les 1800 euros.
Pour l'éleveuse professionnelle, "le risque c'est que le chien ne devienne qu'un marché juteux, où la quantité prime sur la qualité."
Elle redoute aussi que le manque de chiots n'encourage l'importation illégale, qui échappe aux contrôles vétérinaires.
La SPA lance d'ailleurs une campagne appelée "Stop animal objet" qui concerne les chiens et les chats. L'association s'insurge :
La vente d’animaux en ligne et dans les animaleries est la porte ouverte à toutes les dérives, et ce mode d’acquisition nie le principe fondamental d’un acte responsable. Ce business d’êtres vivants incite à l’achat compulsif qui n’impose pas les conditions essentielles à l’intérêt des animaux et des acheteurs, et qui présente le risque de se solder par un abandon.
Les raisons du boom de l'adoption de chiots
Même constat chez un éleveur de la Manche, qui, lui, ne vit pas exclusivement de la vente de ses chiots.
"Je reçois entre 8 et 10 appels par jour, sept jours sur sept!" s'étonne Patrick Fiant. "Avec la situation sanitaire et le confinement qui dure, les Français ont modifié leurs habitudes notamment pour les vacances. C'est plus facile d'adopter un chien si on loue un gîte à la campagne l'été que si on prend l'avion pour aller à l'étranger."
Autre piste : "beaucoup des gens qui me contactent m'expliquent que le télétravail change la donne : ils sont plus présents à la maison et envisagent alors l'adoption d'un compagnon à quatre pattes."
Selon Patrick Fiant, pour ce qui concerne son élevage de Golden Retriever, la recrudescence des appels peut aussi s'expliquer par un "Golden Boom" : c'est un chien qui a été très à la mode il y a 10-15 ans, durée moyenne de la vie d'un Golden. Certains de leurs propriétaires sont prêts à adopter de nouveau.
Des abandons massifs à l'avenir?
Chez Anne-Sophie Madelaine, éleveuse de Bouledogues français en Seine-Maritime, le téléphone ne cesse de retentir toute la journée. "Pour le moment on ne peut pas partir en vacances, on ne peut pas encore bouger comme on le souhaite. Ajoutez à cela le télétravail, et les gens se sentent prêts à adopter. Mais attendez le moment où l'on va pouvoir partir librement en congés... J'espère que toutes ces demandes subites ne vont pas aboutir à des abandons ou des placements par la suite."
Pour le moment, les refuges de la SPA de la région n'ont pas acceuilli plus de jeunes chiens que d'habitude à cette période. En revanche, les abandons de lapins, de Cochons d'Inde et autres hamsters ont connu un pic fin 2020.
Un garde-fou aux adoptions impulsives de chiots
Céder aux doux yeux d'un chiot engage pour de longues années. Et un garde-fou aux achats non-réfléchis de chiots s'est imposé en raison de la forte demande : la réservation.
Tous les éleveurs ne la pratiquent pas, mais il est parfois nécessaire de réserver un chiot qui n'a pas encore été conçu. L'attente peut alors durer de longs mois ( 6 ou 9 mois) avant d'acceuillir effectivement un nouveau compagnon chez soi. De quoi faire réfléchir les futurs propriétaires.