Alors qu'un élan de solidarité enflamme les réseaux sociaux avec le #touchepasamonpompier, deux sapeurs pompiers du Calvados, un professionnel et un volontaire, ont été agressés en intervention et blessés. Certains regrettent le manque de formation aux sports de combat. Témoignage.
Maîtriser le self-défense est-ce dans l'ADN des pompiers ? la question est d'actualité dans les casernes de Normandie et de France.
Deux pompiers blessés en 2 jours
Deux pompiers ont été blessés dans le Calvados les 9 et 10 septembre dernier,au cours d'interventions. Les pompiers ont été attaqués par des individus refusant leur prise en charge sur la voie publique. Samedi, une personne a asséné deux coups à un soldat du feu. Lundi, sur la commune de Le-Bû-sur-Rouvres (14), un individu a menacé les pompiers avec une arme blanche. Dans l'action, un volontaire composant l'équipage a été blessé à la cuisse, lors de son repli. Il a du être transporté à l'hôpital de Falaise.
Les pompiers portent plainte à chaque agression
Dans chacune de ces affaires, le SDIS 14 a porté plainte et regrette cette banalisation de la violence sur les pompiers : " C'est une évolution sociétale regrettable : les gens sont de plus en plus violents et agressifs. Mais nous, nous sommes là pour aider, pour porter secours", réagit Ingrid Graindorge, chargée de communication au Service Départemental d'Intervention et de Secours du Calvados.
Depuis l'agression mortelle du Val-de-Marne, les réseaux sociaux débordent de solidarité envers ces hommes dévoués avec le hashtag #touchepasamonpompier.
Sur Twitter, les messages de ce type se multiplient, sur tout le territoire français :" poignarder quelqu'un faut être fou mais poignarder un pompier j'ai pas les mots RIP"
Déjà poignardé quelqu'un faut être fou mais poignardé un pompier j'ai pas les mots rip #TouchePasAMonPompier https://t.co/WKKXrxHzi9
— rafal tweet (@monkeybizness06) 5 septembre 2018
Des pompiers qui veulent savoir se défendre et maîtriser
Une évolution sociétale uniquement ? pas sûr." Moi j'ai vécu une agression il y 8 ans, un homme alcoolisé qui m'a poussé violemment dans des escaliers alors que je tentais de le convaincre de me suivre. C'est moi qui me suis retrouvé aux urgences et blessé. Depuis sur mon temps personnel, je me forme au Karaté et aux sports de combats pour savoir comment réagir : clés, dégagements, etc. Il faudrait que l'on sache se défendre. Je me forme comme un policier. Mais mon administration ne veut rien entendre parce que ça n'est pas dans les textes. On n'est absolument pas sensibilisé à tout ça officiellement. C'est plus que regrettable." Ce pompier de l'Orne qui a préféré rester anonyme, n'est pas surpris d'apprendre que deux "collègues" du Calvados ont été agressé ces derniers jours.
"Le manque d'effectif dans la police et la gendarmerie nous met en danger", ajoute ce pompier de l'Orne.
"Quand on se retrouve face à une personne en pleine crise de démence, parfois connue pour ses problèmes psychiatriques et qu'on attend désespérément un équipage de gendarmerie ou de police pour encadrer l'intervention, il faut bien qu'on se lance. sauf qu'on n'est ni formé, ni même habilité à la maîtrise des personnes. Les sous effectifs dans la police et la gendarmerie , nous on le constate tous les jours en intervention. On n'est plus encadré comme avant", poursuit ce professionnel
Et pourtant un protocole a été signé en juin 2015 dans l'Orne pour assurer aux pompiers un encadrement des forces de l'ordre pendant les interventions. Une ambition qui se heurte aux réalités de 2018 : les sous-effectifs régulièrement dénoncés dans les gendarmeries et commissariat.
" On va sûrement trop loin dans nos interventions aujourd'hui pour pallier cette absence des forces de l'ordre. Tout cela rajouté aux nombres de volontaires qui augmentent dans nos propres rangs. Des gens formés mais en manque d'expérience, bien souvent", explique notre témoin.
Trop de volontaires dans les casernes aujourd'hui ?
Alors qu'officiellement un volontaire suit la même formation (un programme national) qu'un professionnel, il y a la réalité du terrain. "Ces volontaires, admirables pour leur dévouement, passent, quoi qu'il en soit, moins de temps que nous, professionnels, en manoeuvre et en exercice sur nos temps de garde. Et c'est normal. Alors qu'on arrête de nous faire croire que c'est la même chose.Quand j'ai commencé ma carrière de pro après des années de volontariat, un vieux pompier m'a dit qu'il faut 5 ans pour devenir un vrai pro. Aujourd'hui je sais qu'il avait raison. Rien ne vaut l'expérience."
Notre témoin conclura par ce constat :
"Ces agressions, ces débordements en mission, on vit ça malheureusement tous les jours ou presque. Le maintien de l'ordre n'entre pourtant pas dans nos missions."
Quelque 2.280 agressions ont été recensées en 2016 en France, soit une hausse de 17,6 % par rapport à 2015, selon le ministère de l’Intérieur.