Les algorithmes de l'Education Nationale piègent une famille et personne ne peut rien y changer

Malgré des demandes de dérogation déposées en mars, une enfant de sixième a fait sa rentrée dans un collège à 20 km de celui de ses frères et soeurs : la famille, épuisée après quelques jours d'école, demande un peu d'empathie au rectorat alors que les répartitions d'élèves sont informatisées. 

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"Non seulement, elle n'est pas avec sa fratrie mais elle n'est pas non plus avec ses petits copains et copines qu'elle suit depuis la maternelle à Argences. C'est dingue ! les dérogations ont été acceptées pour son frère et sa soeur les autres années, cette fois non !", s'inquiète Estelle, la maman de Tia, 11 ans.

Dans la famille, il y a trois enfants scolarisés de la 6ème à la 3ème et la nouvelle carte scolaire dans cette partie du Calvados (entre Argences et Bretteville-sur-Laize, au sud de Caen)  a décidé d'un découpage un peu particulier pour la petite commune où se trouve leur maison.


La meilleur amie de ma fille qui habite tout à côté (nous allons à pied chez elle) dépend du collège d'Argences et nous de Bretteville-sur-Laize, un comble à si peu de distance. Pour ses deux frères et soeurs, je n'ai eu aucune difficulté à obtenir la dérogation. Et cette année, l'ordinateur bloque, comme s'il ne prenait pas en compte la fratrie. C'est pourtant une donnée essentielle. Je crois même, une priorité. C'est invivable sur le long terme de courir partout, surtout qu'un de mes enfants souffre d'une maladie neurologique qui m'impose des contraintes supplémentaires!

Estelle, maman qui se sent sacrifiée

La faute à l'affectation par le net ? 

 

Cette procédure informatique est un algorithme bien connu, appelé dans les rectorats AFFELNET : affectation des élèves par le net. Elle vient en remplacement de la sélection manuelle antérieure et a été mis en place avant 2010.

"Trois critères principaux sont pris en compte par Affelnet dans l’affectation des collégiens : l’adresse du domicile, les compétences du socle commun et les résultats scolaires. En fonction des barèmes établis par chaque académie, un total de points vous est attribué, avec un bonus si vous êtes boursier. Les barèmes sont déterminés directement par les académies. Dans la grande majorité des cas, l’adresse de résidence de l’élève est le critère comptant pour le plus de points, devant les compétences du socle commun et les résultats scolaires, d’importance égale depuis 2018.", selon le site l'Etudiant 

 

Voilà pourquoi je me dis que c'est un ordinateur qui a choisi pour nous et il n'y a pas d'humain dans cette décision. Même le directeur de l'école de ma fille, à Argences, s'en est ému auprès de l'Académie et cela n'a rien changé. Et au collège d'Argences, où j'ai demandé la dérogation, celui qui scolarise mes deux grands, où l'on sait que ma fille aînée est malade avec une AVS à ses côtés, on ne veut rien faire! On nous dit qu'il n'y a pas eu de désistement. J'en doute

Estelle, la maman

En effet, la décision froide qui va à l'encontre de la règle "du rassemblement des fratries", jusque-là plutôt suivie, n'est pas motivée. La lettre reçue ressemble à un courrier type écrit par un robot. Après le recours déposé, lui aussi, dans les temps, fin juillet, Estelle a reçu une information rassurante : sa petite dernière, Tia, était bien inscrite à Bretteville-sur-Laize mais elle se trouvait désormais première sur liste d'attente à Argences. 

"On a tout de suite pensé que c'était une formalité. Qu'avec les désistements, Tia ferait bien sa rentrée dans le collège où sont toutes ses amies. Dans la commune où j'ai mon médecin, mon kiné et toute ma vie. Jamais je ne vais à Bretteville-sur-Laize pour le quotidien."


52 km de voiture sur des routes de campagne par jour et pour rien


Le calcul est vite fait. En imposant à cette famille une scolarité des enfants dans deux collèges différents, on oblige la maman à faire 52 km supplémentaires par jour. "Et c'est un minimum. Si je dois parfois faire des détours chez le kiné ou les spécialistes pour mon aîné, ça peut doubler très vite. En ayant tout à gérer sur une seule commune, ce n'est pas la même chose !". Un bilan carbone qui n'est pas très tendance. Par excès de précaution, elle a pris la carte de bus de Tia pour Argences. Et elle doit maintenant en repayer une autre pour Bretteville-sur-Laize ? Pour le moment, les parents préfèrent attendre et y croient encore. 

Cerise sur le gâteau, le papa travaille dans une autre région très éloignée et n'est pas là pendant la semaine. Un imbroglio pour cette famille qui n'a réussi à joindre personne au rectorat depuis la rentrée et qui se demande à qui parler.
 

"Le nombre d'élèves par établissement ne peut plus être dépassé"


Le rectorat reconnaît que cette demande de dérogation a bien été remplie en temps et en heure. Il y a bien une liste d'attente dans le collège d'Argences et le dossier est en première position depuis l'étude du recours déposé par la famille. Seulement voilà. "Il n'y a eu aucun désistement dans ce collège depuis la rentrée. Le plafond du nombre maximum d'élève est atteint et on ira pas au-delà de l'effectif réglementaire. Il n'est pas possible de faire une exception quelque soit la situation de la famille", justifie le rectorat. "Si le grand frère et la grande soeur ont eu plus de chance, c'est que le nombre d'élèves maximum n'était pas à son maximum ces années-là."
 

En cas de demande de dérogation, le premier critère c'est d'abord la place disponible et viennent ensuite d'autres critères dont le rapprochement de fratrie. Il faut cependant une place vacante au moment des affectations pour avoir une réponse favorable. Les demandes de dérogations sont traitées par les services de la direction académique au cas par cas.

Les services de la rectrice de l'Académie de Normandie


La famille espère cependant une évolution au cours de cette deuxième semaine d'école, alors que la jeune Tia est dans un collège où elle ne connaît personne. Mais alors que les jours passent, il semble peu probable qu'un changement se produise. 



       
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