Depuis plusieurs années, les judokas français préparent les grandes échéances à Houlgate. A six semaines de JO de Tokyo, Teddy Riner a tenu à venir faire un stage au centre sportif de Normandie, un endroit où il se sent chez lui. Et il est venu bien accompagné.
"A un certain moment, on n'a plus envie d'attendre, on a envie de vivre ce moment, envie de savoir, envie d'un dénouement." C'est peu dire que Teddy Riner a attendu ce rendez-vous, un rendez-vous avec son histoire personnelle mais aussi l'histoire de son sport. Le colosse de 140 kilos ne cache pas ses ambitions : "aller chercher cette troisième médaille olympique (et peut-être une quatrième, par équipe) et être le plus titré de mon sport, toutes catégories confondues." Sans nul doute la consécration ultime pour un sportif de haut-niveau.
Mais pour le judoka français au palmarès vertigineux, ce rendez-vous, reporté d'un an en raison de la pandémie, est d'autant plus attendu qu'il a une saveur toute particulière. "N'importe quel judoka, n'importe quel sportif qui a une histoire avec le Japon, a envie de réussir là-bas", souligne le champion. Alors rien n'est laissé au hasard et ce depuis longtemps maintenant. "Ça fait quatre ans, qu'on prépare les Jeux. A la sortie de Rio, il était déjà en préparation. Là ça touche à sa fin et il faut mettre tous les bons ingrédients pour que la mayonnaise prenne", indique Franck Chambily, son entraîneur.
À Houlgate, "Teddy se sent chez lui"
Et la Normandie semble être l'un de ces ingrédients. Le champion français a choisi d'ajouter à son planning initial de préparation un stage à Houlgate, au centre sportif de Normandie. "On a nos habitudes ici, on a le confort de demander des choses sur lesquelles, à chaque fois, on est écouté et où il y a de la réactivité : une salle de musculation privée, un dojo ou même une table de ping-pong", explique Franck Chambilly, "Toutes les commandes sont respectées, en temps et en heure et avec de la bonne humeur. Et on a toutes les clés de toutes les installations. Teddy se sent chez lui et moi aussi." L'intéressé confirme : "c'est moi qui ai tenu à m'isoler, à me faire mon petit stage à moi parce que je n'ai pas envie de passer à côté de ce bel événement".
Le but de ce "petit" stage sur mesure : "aiguiser le couteau et pouvoir, comme une Formule 1, faire les dernier réglages, niveau technique, niveau physique et niveau mental". Et dans le rôle de la pierre à aiguiser, pas moins de vingt sparring-partners. "Ce sont vingt gars qui sont là pour me rentrer dedans. Comme ça, je peux voir ce qui ne va pas et tout de suite le régler." Au programme des phases intensives où le champion enchaîne des adversaires, différents donc frais, toutes les dix minutes. "Il faut faire attention à la blessure", rappelle son entraîneur, "Il faut bien jongler pour trouver le bon équilibre entre intensité, récupération, optimisation."
50 kilos de plus que ses adversaires
À Houlgate, Teddy Riner ne fait pas que jongler entre les phases de préparation. Il jongle également entre les catégories de poids de ses adversaires. "La difficulté qu'on a d'entraîner Teddy c'est l'opposition. Au Japon, il y a un peu tous les formats, des athlètes qui font 120, 130, 140, 150 kilos. Il y en a une multitude. En France, c'est plus compliqué", explique Franck Chambilly. Alors le colosse se fait la main sur de plus de 100 kilos mais aussi des moins de 100 kilos et même des 90 kilos.
"Il faut travailler sur tout type de partenaires", estime Teddy Riner, "Je crois que la plupart des mecs de ma catégorie, la concurrence, ont tendance à se focaliser sur moi. Dans un tableau, on tombe sur plusieurs personnes. Il faut travailler dans toutes les directions. Peu importe qui est devant moi, je dois trouver la solution." Franck Chambilly confirme : "Le panache de tous ces athlètes arrive à donner la réponse à Teddy en jonglant entre les catégories. La richesse de ce format-là c'est d'avoir tous les styles."
Mental de gagnant, posture d'outsider
A Tokyo, le colosse français fait un peu office d'homme à abattre. Pas question pour autant de jouer le rôle que veulent lui faire endosser les prétendants au trône. "Je préfère partir outsider et qu'on ne m'attende pas. Même si je sais qu'ils ont les yeux rivés sur moi, je préfère me mettre dans la tête que je suis un outsider. Je suis comme tout le monde : je pars du bas du tableau et je remonte tout, combat après combat." Le report d'un an et la pandémie ont sans doute encore plus aiguisé l'appétit du géant. "C'est quelque chose qui va marquer notre époque, qui va nous renforcer", estime Teddy Riner, 'Moi, en tout cas, ça m'a permis de me dire : vivons ! Je le faisais déjà à 100 %. Mais là, je le fais encore plus qu'avant. On ne sait pas de quoi demain sera fait." Peut-être d'or.