Le jury du 30e Prix Bayeux, présidé par le photographe Don Mc Cullin, a distingué samedi soir des reportages consacrés notamment à la guerre en Ukraine. Cette édition a été rattrapée par l'actualité immédiate marquée par le conflit entre le Hamas et Israël.
Pour la deuxième année consécutive, la guerre en Ukraine a pris une place importante lors de la soirée de clôture du Prix Bayeux-Calavdos des correspondants de guerre. Le jury, présidé par le photojournaliste britannique Don Mc Cullin, a distingué plusieurs reportages consacrés à ce conflit.
Le trophée télévision grand format est ainsi revenu à Edward Kaprov, Daniel Fainberg, Eugene Titov (Magneto Presse pour Arte reportage, Ukraine : un photographe dans la guerre), le prix de l'image vidéo à Quentin Sommerville, Darren Conway (BBC NEWS - Sur l'Ukraine, ligne zéro).
Le prix jeune reporter, attribué à Francis Farrell (The Kyiv Independent - Dans l'enfer de Bakhmout : des mois d'une rare violence) et le prix du public photo pour Paula Bronstein (Getty images - The consequences of Ukraine war), racontaient eux aussi le conflit ukrainien. Maurine Mercier, déjà récompensée par le prix du comité du débarquement en 2022, a été primée pour "La double peine d'une mère victime de viols à Boutcha", en Ukraine.
"Merci pour ce prix, moi qui manque tout le temps de courage vous me donnez un peu d'élan", a déclaré Mme Mercier. "Je travaille souvent loin des lignes de front parce que ça me fait horriblement peur et que j'ai envie de donner le temps aux témoins, mais je voudrais rendre hommage à tous ceux qui sont sur le front actuellement".
Le jury international du 30e prix Bayeux des correspondants de guerre a également mis à l'honneur ce samedi des reportages portant sur les guerres civiles en Birmanie (le photographe indépendant italo-britannique Siegfried Modola) et Haïti (Nick Paton Walsh, Brice Lainé, Natalie Galloné et Etienne Dupont pour un reportage tv sur CNN).
Le 30e Prix Bayeux marqué par les absents
Si la guerre en Ukraine a incontestablement marqué cette 30e édition, le conflit au Proche-Orient a également laissé son empreinte sur ce grand rendez-vous consacré au travail des correspondants de guerre. A travers le palmarès tout d'abord avec le 2e prix en presse écrite et le prix Ouest France Jean Marin remis à Louis Imbert pour "Voyageurs à la porte égyptienne de Gaza" dans Le Monde, une "traversée de Gaza à pied du nord au sud, pour prendre conscience à hauteur d'homme de la folie d'une enclave".
A travers les absences également. Au début de la cérémonie, un hommage a été rendu au journaliste vidéo de Reuters Issam Abdallah, tué vendredi en couvrant la situation dans le sud du Liban, ainsi qu'à six autres journalistes blessés de Reuters, Al-Jazeera, et l'Agence France-Presse, dont la photographe Christina Assi et son collègue journaliste vidéo, Dylan Collins. Les absents, ce sont aussi les journalistes qui ont dû annuler en dernière minute leur venue en Normandie, comme l'habituel maître de cérémonie, Nicolas Poincarré, partis couvrir les événements en cours en Israël.
"Personne n’a envie de mourir pour la liberté de l’information"
Dorothée Olliéric, grand reporter pour France Télévisions, de retour d'Ukraine, était de passage à Bayeux avant un départ dans les prochains jours pour le Proche-Orient. "Je couvre depuis plus de 30 ans les pays en guerre. Ce conflit (en Israël) m’a ramené en arrière, notamment au conflit au Rwanda en 1974 où j’étais jeune journaliste et où j’ai vu les pires horreurs, les pires massacres sur les populations civiles. Ce qui se passe entre le Hamas et Israël, cette violence inouïe des deux côtés, nous montre qu’il faut continuer à y aller, à documenter ces massacres même si, vous imaginez, c’est très dur aussi pour nous", nous a confié ce samedi notre consœur.
Car cette 30e édition l'a rappelé, outre les scènes d'horreur dont sont témoins ces journalistes, ces derniers peuvent être marqués jusque dans leur chair par l'exercice de leur métier. Pas question pour autant de jouer ou de s'ériger en héros."Cette image de tête brûlée, on va là où les balles sifflent aux oreilles, non, c’est pas vrai. Personne n’a envie de mourir pour la liberté de l’information. Mais on doit être sur le terrain", souligne Dorothée Olliéric, "On se doit de prendre des risques pour rapporter l’information qui soit la plus honnête possible. Et c’est compliqué. On le voit avec les fake news. On se doit d’être là pour témoigner. On ne peut pas juste récupérer des images et expliquer. On se doit d’aller chercher la vérité pour nos lecteurs ou téléspectateurs."
Si la 30e édition du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre s'achève ce week-end, les expositions proposées dans le cadre de ce grand rendez-vous, comme celle consacrée au président du jury, le photographe Don Mc Cullin, "L'autre Débarquement, les correspondants de guerre en Normandie" ou "L'Iran de la révolte en Normandie" se poursuivent et sont à découvrir jusqu'au 12 novembre.
Avec AFP