Brexit et no deal : à quelques jours de la fin des négociations le gouvernement auprès des pêcheurs normands

Ce 15 octobre, Londres et Bruxelles se remettent autour de la table pour un dernier conseil européen, la dernière chance d'un Brexit négocié. Au sujet de la pêche et du partage des ressources dans la Manche, les pêcheurs normands sont au coeur du "deal ou no deal". 

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 "Nous ne laisserons pas tomber la filière pêche française et normande", c'est en clair le message des représentants de l'Europe et du gouvernement, présents à Port-en-Bessin, ce 15 octobre au matin.  Trois sujets bloquent toujours les pourparlers sur le Brexit qui entre en vigueur à la fin de l'année : la pêche, les garanties réclamées aux Britanniques en matière de concurrence - malgré de légers progrès - et la manière de régler les différends dans le futur accord.

Londres voulait en terminer pour le 15 octobre : c'est raté

Le Premier ministre britannique avait début septembre souhaité que tout soit "entendu" le 15 octobre, date d'ouverture à Bruxelles d'un conseil européen. Mais celui-ci s'annonce très tendu car tout est figé.

Les dirigeants de l'UE sont déterminés à afficher leur fermeté ce jeudi à Bruxelles lors d'un sommet sur la relation post-Brexit malgré la pression du Britannique Boris Johnson, qui laisse planer la menace d'un arrêt des négociations.
Le Premier ministre du Royaume-Uni s'est entretenu mercredi soir avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et avec celui du Conseil européen Charles Michel, un échange au cours duquel les trois dirigeants n'ont pu que constater l'absence de progrès dans des discussions enlisées depuis des mois.
"L'UE travaille à un accord, mais pas à n'importe quel prix", a tweeté Ursula von der Leyen après cet entretien d'à peine 10 minutes. "Il reste encore beaucoup de travail à accomplir", a-t-elle ajouté, et Charles Michel a, lui, réclamé "des avancées".
Boris Johnson a "noté la désirabilité d'un accord, mais exprimé sa déception de voir que davantage de progrès n'avaient pas été réalisés", ont indiqué ses services dans un communiqué. Il a déclaré "qu'il attendait avec impatience les résultats du sommet européen"

Ce sommet qui commence aujourd'hui est prévu sur deux jours. 
 
Et c'est dans ce contexte que la ministre de la mer, Annick Girardin, est venue s'adresser ce 15 octobre aux pêcheurs normands réunis à Port-en-Bessin, après la débarque des coquillards. La coquille étant le symbole de la bataille qui se mène sur l'eau depuis plusieurs années.
 

Au mois de janvier, deux ministres sont déjà venus nous assurer de leur détermination à ne pas céder du terrain. On revient nous dire aujourd'hui que la France est toujours aussi ferme dans ces négociations et ça nous rassure. Annick Girardin nous a bien expliqué qu'elle ne lâcherait rien, qu'elle a l'expérience de ça. Et c'est tant mieux. On craignait qu'on tente de nous préparer à quelque chose de pas bon.

Dimitri Rogoff, Président du comité régional des Pêches de Normandie

 

Avec Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, nous visitons ce matin la criée de...

Publiée par Annick Girardin sur Mercredi 14 octobre 2020

Sur ce dossier, le travail du ministère de la Mer consiste à anticiper 2 scénarios principaux : d'ici le 1er janvier 2021, soit nous serons parvenus à un accord avec les Anglais, soit nous n'y serons pas parvenus. Dans ce cas, des dispositifs d'aide seront mis en place pour soutenir nos pêcheurs et toute la filière. Ensemble, nous sommes prêts.

Annick Girardin, ministre de la mer ce 15 octobre 2020

Cette table-ronde a un air de déjà vu pour les pêcheurs qui ont déjà rencontré ces derniers mois, à Port-en-Bessin, d'autres représentants du gouvernement ou de l'Europe. A chaque fois, la promesse de ne pas les laisser tomber est donnée. Cependant, rien n'avance vraiment à Bruxelles.
 

 

Les négociateurs avaient promis de parvenir à un accord dès le premier semestre sur les eaux britanniques, très poissonneuses, une particularité qui s'explique par des mécanismes biologiques ancestraux, accentués par le changement climatique. L'inflexibilité des deux côtés de la Manche n'a cependant pas permis de concilier deux positions de départ aux antipodes : le statu quo dans l'accès à ces eaux côté européen, un contrôle total pour Londres.
L'activité ne représente qu'une part négligeable de l'économie des 27 et du Royaume-Uni puisque les Européens pêchent chaque année pour 635 millions d'euros dans les eaux britanniques et les Britanniques pour 110 millions d'euros dans l'UE.
Le sujet n'en reste pas moins explosif et très politique pour une poignée d'Etats membres (France, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Irlande), qui promettent à leurs pêcheurs de ne pas les abandonner. Et le Royaume-Uni a parfaitement compris l'avantage qu'il pouvait retirer de cette situation dans les discussions.

Le négociateur européen, Michel Barnier, a récemment tenté de dégager des marges de négociation auprès des Etats membres. Mais si les 27 conviennent que la situation ne pourra rester totalement identique, ils continuent d'afficher un message de grande fermeté.

Et si les pêcheurs français et anglais négociaient en direct ?

Pour le moment, sur le volet pêche, les anglais ne veulent pas vraiment ouvrir leurs eaux territoriales en Manche aux pêcheurs normands. Il est question de quotas, de gestion des ressources et de libre circulation des deux côtés.
Devant ce blocage, Dimitri Rogoff, représentant des pêcheurs normands a tenu à proposer une négociation directe avec ses homologues anglais, pour enlever le "volet politique" aux échanges déjà menés dans les instances de l'Union Européenne.
 

L'accord optimal pour nous c'est qu'on ne perde pas du terrain, qu'on arrive à garder nos quotas pour garder l'équilibre qui s'est instauré depuis plusieurs années. Garder l'équilibre des flottilles c'est la seule façon de survivre au Brexit, sinon on ne s'en remettra pas. Car nos eaux, on doit aussi, de notre côté, les partager avec les Néerlandais et les Belges.

Dimitri Rogoff, président du Comité régional des Pêches de Normandie

 

No Deal : plus jamais que possible

Depuis que le Royaume-Uni a officiellement quitté l'UE le 31 janvier, les pourparlers entre Londres et Bruxelles pour un accord de libre-échange, qui entrerait en vigueur à la fin de la période de transition s'achevant à la fin de l'année, patinent.

Et les deux parties s'accusent mutuellement de laisser planer le risque d'un "no deal" potentiellement dévastateur pour leurs économies, déjà fragilisées par la pandémie.
L'hypothèse est d'ailleurs jugée "très crédible" et même "vraisemblable" par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
  
 Trois sujets bloquent toujours les pourparlers : la pêche, les garanties réclamées aux Britanniques en matière de concurrence - malgré de légers progrès - et la manière de régler les différends dans le futur accord.
   
   
    
 
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