On ne pourra plus dire que c'est une dépression. Le burn-out est désormais reconnu par l'Organisation Mondiale de la Santé comme un phénomène lié au travail. Une nouvelle qui vient récompenser la mobilisation de Béatrice, à Caen, partie civile dans le procès France Télécom. Témoignage.
C'est une véritable question d'actualité : la responsabilité de l'employeur dans le mal être au travail. Et ce 28 mai 2019 marque une date importante dans l'histoire de ce long combat des salariés qui, depuis l'an 2000, ont vu le nombre de cas se multiplier autour d'eux.
"On ne compte plus aujourd'hui le nombre d'épuisement dans le monde de la santé, de la police, etc", argumente Béatrice Pannier.
Ses yeux verts pétillants cachent une longue histoire qui depuis 2011 a bouleversé sa vie. Le burn-out est devenu une lutte quotidienne, "le combat de ma vie". Et elle compte bien le gagner. En 2011, cette salariée de France Télécom à Caen a tenté de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail elle s'est toujours battue pour que soit reconnue la faute de l'employeur, en vain. "Mais les choses sont certainement en train de changer", assure t-elle positive, malgré tout.
On ne peut plus accepter que le travail soit destructeur, implore Béatrice Pannier qui s'est constituée partie civile dans le procès France Télécom qui se tient à Paris depuis le 6 mai dernier.
Il est vrai que depuis ce 28 mai 2019, le burn-out n'est officiellement plus une simple dépression. L'"épuisement professionnel", ou burn-out, a fait, ce 28 mai 2019, une entrée très remarquée dans la Classification internationale des maladies de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui sert de base pour établir les tendances et les statistiques sanitaires. [Mise à jour du 29 mai : l'Organisation mondiale de la santé considère que le burn-out est un "phénomène lié au travail" et pas une maladie, a déclaré un porte-parole, en apportant des précisions à ce qui avait été annoncé la veille par l'agence spécialisée de l'ONU.]
Cette liste, dressée par l'OMS, repose sur les conclusions d'experts de la santé dans le monde entier. Elle a été adoptée par les Etats membres de l'OMS, réunis depuis le 20 mai, à Genève, dans le cadre de l'Assemblée mondiale de l'organisation.
L'OMS le décrit comme "un syndrome (...) résultant d'un stress chronique au travail qui n'a pas été géré avec succès" et qui se caractérise par trois éléments : "un sentiment d'épuisement", "du cynisme ou des sentiments négativistes liés à son
travail" et "une efficacité professionnelle réduite".
Deux burn-out et une tentative de suicide au bureau jamais reconnus comme accidents du travail
reportage de Matthieu Bellinghen et Gwénaelle Louis
Béatrice Pannier travaille à France Télécom depuis près de 30 ans quant elle craque la première fois : son entreprise, France Télécom vit alors une grosse vague de restructuration. 22 000 départs sont prévus, les services et le travail sont repensés. "On dit d'ailleurs réorganisés".
Elle est alors déléguée du personnel à Caen et se retrouve prise en étau entre des salariés mécontents et une direction qui impose. Une pression qui la fait vasciller peu à peu jusqu'au point de non retour, ou presque.
"J'ai sorti un couteau sur mon lieu de travail pour en finir. C'était en 2011."
Deux burn-out plus tard, elle n'a jamais pu faire reconnaître son état comme une maladie professionnelle par l'employeur. Désormais, une procédure est en cours au tribunal administratif.
En revanche, Béatrice espère beaucoup du procès des anciens cadres de France Télécom qui s'est ouvert à Paris le 6 mai dernier à Paris. Elle fait partie des 167 parties civiles. "On étaient tous là ou presque le premier jour du procès. C'était très émouvant de se sentir moins seule. Il y avait aussi des familles de victimes qui elles ne sont plus là, aujourd'hui. J'étais la seule à pleurer à la barre.", raconte Béatrice qui depuis est retournée une fois à l'audience. D'ici le 12 juillet, elle espère témoigner devant la Présidente du Tribunal.
Suicides à France Télécom : l'article à lire pour comprendre pourquoi Orange se retrouve devant la justice
Orange, ex-France Télécom, son ancien PDG Didier Lombard et six autres cadres et dirigeants sont jugés pour "harcèlement moral", à partir de lundi, près de dix ans après une crise sociale durant laquelle plusieurs dizaines de salariés se sont suicidés.
"J'ai pu regarder Didier Lombard ( NDLR : l'ancien PDG de France Télécom en place lors de la vague de suicide dans l'entreprise) droit dans les yeux pendant 3 secondes dans la salle d'audience. Il a soutenu mon regard et j'y ai vu comme une once de compassion." Béatrice Pannier assure que ce moment va l'aider à guérir.
Une cure thermale par an et un groupe de parole à Caen
Pour s'en sortir, Béatrice a mis au point un petit programme de guérison adapté. Chaque année, elle rejoint l'un des cinq centres de Cure Thermale spécialisés dans le stress et l'anxiété. Là-bas, elle trouve la ressource nécessaire pour regarder en face le mal qui la ronge et le combattre.
Depuis peu, son énergie a permis la création d'un groupe de parole à Caen, autour d'une psychologue spécialisée dans le domaine.
Echanger avec d'autres personnes victimes de burn-out c'est essentiel pour s'en sortir. Il y a tous les milieux professionnels.
Il existe a Caen, une consultation "Souffrance et travail" mais pour Béatrice, il faudrait la mise en place d'un numéro vert national. Elle vient d'écrire une lettre à Agnès Buzyn pour qu'il soit créé. Désormais, elle veut y croire.