"1h30 d'attente pour acheter du tissu" : les magasins de textiles et les merceries pris d'assaut

Du coton et des élastiques. Difficile de fabriquer un masque sans ces matières premières. Un décret du 23 mars 2020 permet la réouverture des magasins de tissus et des merceries. Files d’attente interminables et stocks en baisse. Coup d’oeil sur ces boutiques prises d’assaut.

10 heures 08. Le magasin est ouvert depuis huit minutes. Une trentaine de personnes patiente déjà à l’extérieur, le long de la devanture, ce lundi 27 avril 2020. A la boutique Mondial tissus, située à Mondeville (14) près de Caen, le personnel est prié de ne plus répondre au téléphone. « On est complètement submergés, c’est très compliqué à gérer », reconnaît une salariée expéditive au bout du fil. La vendeuse termine d’encaisser une cliente et s’empresse de raccrocher pour aller servir les personnes présentes dans le magasin.

Un décret du 23 avril 2020, publié au journal officiel, autorise les magasins de tissus et les merceries d'ouvrir à nouveau leurs portes. Le but ? « Permettre à chaque Français qui le souhaite de se procurer les matières premières nécessaires » pour confectionner un masque en tissu, a annoncé le gouvernement vendredi 24 avril.
 

« Une heure et demi d’attente »

« Dans la nuit de vendredi à samedi, on a préparé nos magasins pour assurer la sécurité des employés et de la clientèle », raconte Isa Levoyer, cogérante des boutiques Les Tissus d’Isa. Avec son époux Michel Levoyer, Isa est à la tête de quatre magasins situés en ex-Basse Normandie (Cherbourg, Saint-Lô, Argentan et Caen). Masques, gants, gel hydro-alcoolique : tout a été prévu pour rouvrir dans de bonnes conditions.
 

« Les gens viennent pour acheter du tissu mais aussi pour s’oxygéner, il ne faut pas se leurrer ! », Isa Levoyer, cogérante des magasins Les Tissus d’Isa


A Cherbourg, le magasin de 400 m2 n’a pas désempli samedi 25 avril. Plus de 200 clients ont franchi les portes de la boutique. Ils s’approvisionnent en coton, en élastiques ou directement en masques, également proposés à la vente par la boutique.

L'association manchoise Chapiktou met au point une quarantaine de masques journaliers, en échange de dons. Pour elle, la réouverture des merceries est un plus. Les commandes en ligne n'arrivent pas toujours à temps. Alors, samedi, la couturière Brenda a pris son mal en patience. Cette mordue de couture s'est procurée vingt mètres de tissus, dans la boutique cherbourgeoise Les Tissus d'Isa, « après une heure et demi d'attente ».

« Les gens viennent pour acheter du tissu mais aussi pour s’oxygéner, il ne faut pas se leurrer ! », reconnait Isa Levoyer. Besoin urgent de se protéger ou de s’aérer ? Difficile de le savoir… Lundi matin, les clients sont toujours au rendez-vous. Ils sont « en permanence une vingtaine » à attendre leur tour, s’étonne Isa Levoyer.
  

Ouvrir « dans les règles de l’art »

Des responsables de plus petites boutiques ont choisi d’ouvrir seulement mardi 28 avril. « J’ai préféré attendre pour que tout soit bien calé, dans les règles de l’art », explique Sophie Fortin, responsable du magasin caennais La Maison du bouton. L’étroit magasin de 50m2 nécessite quelques aménagements avant d’accueillir du public. Plots, rubalise et Plexiglas en guise de barrière devant la caisse. Tout a été pensé pour fermer l’accès à certains rayons et empêcher les clients de toucher aux articles. 
 « J’ai peur qu’il y ait du monde », s’inquiète Sophie Fortin à la tête de sa boutique depuis vingt ans. Pour faciliter l’organisation et ne pas trop faire attendre les clients, Sophie Fortin - comme d’autres mercières - propose de passer commande par téléphone, par mail ou via Facebook. Pour la journée de mardi, la commerçante compte déjà une dizaine de commandes. Et afin de répartir les clients, Sophie Fortin a fixé des horaires pour récupérer les précieux métrages d’élastiques et de popeline de coton.
 

Du coton coûte que coûte

« C’est une vraie folie, le stock diminue. On ne sait pas comment on va être réapprovisionné », s’inquiète Isa Levoyer des Tissus d’Isa. Les usines sont à l’arrêt. Malgré les demandes de production en urgence de certaines matières premières, les fournisseurs ne sont pas en mesure de répondre à la forte demande.

Sophie Fortin, gérante de La Maison du bouton à Caen l’admet aussi : « On rationne ». La mercière précise : « Je ne peux pas vendre dix mètres d’élastique par client ». Alors, elle propose des alternatives comme le ruban. La commerçante loue ses avantages : « Il ne se détend pas. En le nouant, on peut adapter le masque à la bonne taille ».

L’offre de matières premières n’est pas à la hauteur de la demande. Les prix augmentent. Annie Brochet, gérante des Tissus Blondeau à Donville-les-Bains dans la Manche est déjà victime de l’inflation. « Les prix ont flambé ! », s’insurge-t-elle. Elle ajoute : « le prix d’achat du coton a augmenté d’1€90 ».

A l'atelier de couture Au Bouton doré à Saint-Germain-la-Blanche-Herbe dans le Calvados, Corine Bocé est surchargée de travail. Elle fabrique des masques en tissu, vendus sept euros pièce. Pour elle, la réouverture des merceries lui « facilite bien les choses ». Elle précise : « j'ai eu beaucoup de mal à me fournir jusqu'à présent ».
 

« Notre métier était presque en voie de disparition », Sophie Fortin gérante de La Maison du bouton


Pour le moment, un masque fait maison coûte « moins de deux euros », affirme Sophie Fortin. Couper, piquer et assembler. Pour les non-initiés ou les moins patients d’entre nous, la réalisation de cette protection peut prendre vingt à trente minutes. « Mais le temps ne manque pas ! », ironise la mercière.

« Notre métier était presque en voie de disparition », constate Sophie Fortin. Depuis quelques jours, les Normands (re)découvrent les merceries. « La couture, c’est nettement plus intéressant quand on y trouve une application directe. Les gens vont s’y mettre ou s’y remettre », s’enthousiasme la mercière, ravie de reprendre son activité et de renouer le lien avec ses clients, tout en gardant ses distances.

 
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