Les maraîchers poursuivis sont condamnés à verser des amendes d'un montant légèrement supérieur à ce qu'avait décidé le tribunal de Coutances en première instance. La Cour d'appel a également alourdi la peine infligée à l'importateur du dichloropropène qui est condamné à six mois de prison avec sursis. L'avocate des producteurs dénonce une "injustice".
L'arrêt de la Cour d'appel de Caen va-t-il mettre fin à ce long feuilleton judiciaire qui empoisonne le bassin légumier de Créances ? Rien n'est moins certain : l'avocate des onze producteurs de carottes aujourd'hui condamnés entend former un pourvoi en cassation. La culpabilité de ses clients a été confirmée par la Cour d'appel de Caen ce vendredi 10 février. "C'est une décision extrêmement décevante", estime Me Inès Herzog qui lors de l'audience avait souligné "des manquements à la procédure" qui "auraient dû conduire à une relaxe générale".
"Un jugement à la normande"
La Cour d'appel les condamne à verser des amendes (en partie assorties de sursis) dont les montants s'échelonnent de 10 000 à 30 000 euros. Leur avocate observe du reste que "les peines sont relativement modérées par rapport à ce qui était encouru". C'est, dit-elle, un jugement "à la normande. On condamne, mais à des peines pas trop lourdes parce qu'on sait que le socle de cette procédure n'est pas très solide".
L'affaire avait éclaté en 2020 avec l'interpellation de maraîchers du bassin de Créances à la suite d'un "signalement". Le coup de filet visait aussi une entreprise agricole, des transporteurs et des importateurs alors soupçonnés d'avoir continué à acheminer du dichloropropène vers Créances. Ce pesticide est classé parmi les produits cancérigènes depuis 2009, mais la France en a longtemps toléré l'usage tant il est efficace pour lutter contre le nématode, un petit ver qui cause des dégâts dans les cultures de carottes. Il est formellement interdit depuis 2018.
Le Confédération Paysanne se réjouit que "la faute soit reconnue"
"Le dichloropropène ne laisse pas de traces dans les légumes", assure Me Herzog qui s'emporte contre "des politiques publiques injustes. On interdit ce produit en France, mais on continue d'importer des carottes d'Espagne, d'Italie et du Portugal où il est toujours utilisé. Bon nombre de mes clients disent qu'ils ne pourront pas continuer leurs activités dans ces conditions".
Les condamnations confirmées en appel sont en revanche accueillies avec satisfaction par la Confédération Paysanne. Le syndicat s'était constitué partie civile, estimant que cette affaire porte "le discrédit sur la carotte de Créances et sur les maraîchers qui respectent les règles". "Nous souhaitions que soit reconnue cette faute, dit Annick Briand, l'une des porte-parole du syndicat. Mais la vraie question qui est posée aujourd'hui, c'est l'utilisation des pesticides et la réflexion collective qu'on doit avoir pour en sortir, autant pour des raisons environnementales que sociales".