Le mouvement Balance ton bar, initié à Bruxelles, trouve aussi son écho à Caen. Alors que sur un compte Instagram dédié, les témoignages de femmes agressées et droguées affluent, les bars de la ville n'ont pas tardé à réagir.
Après #MeToo et #BalanceTonPorc, c'est au tour du monde de la nuit de rendre des comptes. Bruxelles, début octobre. Des jeunes femmes signalent avoir été victimes de violences sexuelles dans les bars d'un quartier étudiant de la capitale belge.
Un hashtag #BalanceTonBar est créé et l'onde de choc est presque instantanée. Sur un compte Instagram du même nom, les témoignages anonymes de dizaines de femmes affluent. Elles racontent avoir été agressées ou droguées au GHB, à leur insu, dans des bars ou boîtes de nuit.
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Puis, tout s'enchaîne. L'ampleur des scènes racontées traverse la frontière, et s'étend rapidement un peu partout en France, au travers de pages similaires. Montpellier, Toulouse, Grenoble. Caen ne manque pas à l'appel. Le 13 novembre, la page "Balance ton bar Caen" est lancée, et les témoignages ne tardent pas à fleurir.
Trous noirs
Dix jours plus tard, le compte recense déjà une trentaine de témoignages publiés. Les récits sont glaçants. "8h30 : j'entends mon réveil sonner et je suis (par chance) dans mon lit. Je me sens bizarre, vaseuse, je me souviens de cette unique bière commandée au bar. Je comprends tout de suite que quelque chose n'est pas normal."
En slidant sur la page, les mêmes épisodes de trous noirs se répètent : "Je me suis réveillée aux urgences sur un brancard ne sachant pas où j'étais", témoigne une jeune femme, le 16 novembre. "Ma soirée se passe bien puis trou noir, aucune idée de ce qu'il s'est passé, je me suis réveillée presque nue dans un buisson à Colombelles. Plus de téléphone, plus de carte bleue, plus de chaussures, plus de bijoux", peut-on lire quelques publications plus loin.
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Pour Florian, responsable du bar Le 23 dans le centre-ville de Caen, les révélations devaient tomber. "C'est très bien qu'on en parle enfin, affirme-t-il. "Bien sûr, on savait que tout ça existait, mais on est quand même tombés des nues en découvrant les témoignages."
Des couvres-verres gratuits
Face à la situation, les initiatives ont vite fleuri. "Mes enfants m'avaient déjà alerté sur le fait que des drogues circulaient alors on a décidé de proposer quelque chose aux clients le plus vite possible", explique Romuald Putignier, gérant du bar El Ché Guevara Club.
Le bar commande alors 4 000 capuchons auprès de son fournisseur de vente à emporter. Une première solution proposée gratuitement aux clients depuis le 16 novembre, qu'il s'apprête à doubler d'une commande de couvre-verres anti-drogues en silicone dédiés auprès de DrinkWatch, un fabricant lillois. Par la suite, il souhaite également réaliser des affiches de sensibilisation pour les clients.
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La réaction n'a pas tardé non plus au bar Le 23. "Nous avons recyclé les couvercles des cafés à emporter que nous proposions, et on les utilise maintenant pour couvrir les verres", explique Florian, le responsable. L'initiative a également été mise en place dans les bars Le Préau et le Kokomo, du même groupe.
Disposés à l'entrée, "bien en évidence" pour que les clients les voient, les couvercles improvisés sont également proposés gratuitement à toute personne qui voudrait protéger son verre pour la soirée.
"On a bien remarqué que les clients se sentaient en sécurité ici." La demande, ajoute-t-il, se situe plutôt pour le reste de la soirée, lorsque les jeunes s'apprêtent à se diriger vers les bars de nuit. "Finalement, ce sont des couvre-verres qu'ils prennent à emporter !"
Si pour l'heure, le responsable raconte "faire avec les moyens du bord", il n'exclut pas à l'avenir de commander des couvre-verres anti-drogues dédiés auprès de fabricants. "On attend juste que les prix baissent un peu."
On essaie d'être présents mais malheureusement, c'est difficile d'être partout
À quelques dizaines de mètres de là, à la Garsouille, le réflexe a aussi été instantané. "On essayait de protéger les clientes depuis longtemps mais parfois la situation peut nous échapper."
Mis au fait du compte Instagram, le bar décide aussi de passer commande auprès de DrinkWatch. "Nous attendons les échantillons pour les tester ici, et après ce sera parti !", explique Damien.
L'opération Angela relancée
Les bars ont également réactivé le dispositif Angela, une opération réalisée en 2019, qui permet à toute personne qui se sentirait en danger de prévenir les responsables du bar avec le nom de code "Angela" pour (Ange est là). "Nous recommençons à communiquer dessus sur les réseaux sociaux", affirme Damien.
Ce qu'on veut surtout, c'est que les langues se délient. Et que n'importe quelle personne qui se sente en danger soit assez en confiance pour venir nous voir et en parler
Une marche contre les violences sexuelles et sexistes est organisée dans les rues de Caen, jeudi 25 novembre, à partir de 18h30, à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.