Une parenthèse insolite en cette période de confinement : dans l'EPHAD de Bieville-Beuville, une des premières villes normandes touchée par le coronavirus, Juliette, l'une des résidentes fêtait ses 100 ans avec ses proches, grâce à la visio-conférence.
"Nous avons eu une très belle vie avec mon mari. Il est parti l’année dernière. Il avait 97 ans" explique Juliette. Elle aurait préféré qu'il s'en aille avec elle, un peu plus tard... "
"On n’était pas riche" explique Juliette, "nos parents sortaient de la guerre de 14. Mon mari a fait des études, il était instituteur, moi j’ai travaillé à la Poste. On a eu quatre enfants, quatre filles."
"Avoir 100 ans c’est un sacré évènement, c’est avoir voyagé à travers le temps" devant l'écran de visio-conférence, le message de sa famille est lu à Juliette. Emue mais pas trop, la centenaire semble savourer le moment. De l'autre côté de l'écran de l'ordinateur, ses filles, petites filles et même arrières-petits enfants lui fêtent son anniversaire, en direct. Ils vivent tous en Normandie, à quelques kilometres d'elle, mais ils sont restés sagement en confinement.Je ne pensais pas vivre jusqu’à 100 ans
C'est son premier anniversaire à distance et certainement aussi, le premier confiné. "C’est des choses auxquelles on ne pensait pas il y a deux mois" se rappelle la centenaire.
"On dit toujours que la nouveauté c’est pas bien beau mais enfin là, quand même, y a de bons côtés bien sûr" estime Juliette en surveillant la connexion internet.
En entrant dans la salle de restauration, décorée pour son anniversaire, Juliette a été accueillie par une grande partie du personnel de l'EPHAD et ses résidents. La distanciation sociale est respectée. Les cadeaux s'enchaînent, les bouquets de fleurs égayent les tables et l'on entend le bruit du bouchon de champagne qui s'évade. Juliette aime beaucoup les bulles, précise l'une de ses filles, derrière l'écran.Ils ont fait les choses d’une manière magnifique. Je ne pensais pas que ca puisse être aussi beau.
"Avec mon mari, nous avons beaucoup voyagé" raconte Juliette. Sur un petit carnet qu'elle conserve très précieusement dans son sac à main, elle a conservé la trace de chacune de ses destinations. "Je pense que ça forme la jeunesse. On a voyagé après la retraite : en Chine, en Egypte, au Portugal, en Roumanie, en Turquie, en URSS, en Hollande, en Thaïlande..."
Entre deux anecdotes, Juliette rit, d'un rire qui fait du bien. "Je me sens en pleine forme" dit-elle. Année après année, Juliette ne se lasse visiblement pas de vivre ce jour si particulier pour elle du 23 avril. 100 ans que ça dure...
"Mamie nous a vu, c'était un chouette moment" estime sa petite-fille qui ne l'a pas vu depuis plus de six semaines car la commune était l'un des premiers clusters de Coronavirus en Normandie. Bonne nouvelle cependant, l'EPHAD se prépare à accueillir de nouveaux les familles à partir de lundi prochain, à l'extérieur des bâtiments.
Pour l'embrasser il faudra encore attendre... mais qu'importe, quand on a cent ans comme Juliette, on a appris depuis longtemps la patience.