Black Lives Matter : pour l'ancien Black Panthers exilé à Caen Melvin McNair, il faut continuer à discuter sans violence

Cinquante ans après le mouvement des Black Panthers qu'il a cotoyé, Melvin McNair regarde le Black Lives Matter prendre une dimension internationale depuis Caen, où il vit en exil. A 72 ans, lui qui a toujours dénoncé un passé colonialiste et impérialiste occulté, appelle à la non-violence.

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Il a la force de l'âge : à 72 ans, c'est la sagesse qui parle. Militant des Black Panthers Party dans les années 60-70 aux Etats-Unis, Melvin sait garder dans sa voix grave, la force et le rire, quel que soit le sujet.

L'accent américain qui parfois le rattrape dans la pronociation de certains mots, nous rappelle le poids de l'histoire qu'il porte en lui.

Melvin McNair, vit depuis 35 ans en Normandie, à plus de 6000 kilomètres de sa patrie, parce qu'il est né Noir-Américain. Son combat est teinté de cette réalité : la ségrégation raciale aux Etats-Unis.

La défense de la cause afro-américaine et l'antiracisme, c'est l'ADN de Melvin (et de son épouse adorée Jean décédée en 2014 à Caen, avec qui il a tout partagé). Il est né en Caroline du Nord, dans une ville située entre Atlanta et Washington : Greensboro. En 1960, à Greensboro ont lieu les premiers sits-in anti-ségrégation, au comptoir des bars-restaurants qui refusent les "Noirs". 

Melvin est alors jeune adolescent.

"Mon Oncle a été le premier policier noir de cette ville. C'est lui qui m'a élevé", explique Melvin Mc Nair qui n'a jamais eu le droit de remettre un pied aux Etats-Unis, depuis 1972. Même sous Barack Obama.

 

 

La ségrégation, il a été élevé dedans. Dans son quartier ne vivaient que des familles noires. Les Blancs, il ne les croisait jamais. Enfant de l'après-guerre, il a quand même bénéficié d'études universitaires. On est alors un siècle après l'abolition de l'esclavage aux Etats-Unis.

Melvin est un étudiant modèle, sportif de haut-niveau, comme adore les fabriquer les Universités américaines. Le racisme anti-noir l'a rattrappé un peu plus tard, de manière insupportable, quand il a été mobilisé pour la guerre du Vietnam. 

C'est en arrivant dans sa caserne à Berlin qu'il côtoie alors le racisme profond chez les militaires. L'humiliation réservée aux hommes comme lui. Il ne s'en remettra pas. Martin Luther-King et Malcom X lui ont laissé un héritage qu'il défendra désormais chez les Black Panthers Party. Jusqu'à la rupture avec son pays.

 

Avec sa femme, Jeane, il participe à un détournement d'avion en 1972 sur un vol Miami-Détroit. Un acte terroriste que ne lui pardonnera jamais son pays, les Etats-Unis. Il n'y a pourtant eu aucune violence, c'était une autre époque, mais "l'ardoise ne sera jamais effacée", pense t-il.

 

 

"Même sous Barack Obama des tentatives ont eu lieu. Mais rien. Vous savez, il faudrait être riche, très riche. Peut-être qu'avec des dollars, j'y arriverais", ironise t-il dans un grand rire, celui qui lui vient du coeur et qui cache une grande blessure.

 

Le Black Lives Matter à travers CNN

Le Black Lives Matter c'est ce mouvement qui déferle depuis quelques semaines sur l'Europe et la France mais qui est né aux Etats-Unis en 2013, contre les violences policières discriminantes. Littéralement, il signifie : "Les vie noires comptent ". 

"Des Blacks Panthers à Black Lives Matter, la Rage en héritage" titrait le Journal Le Monde, en Octobre 2016.

Des Black Panthers à Black Lives Matter, la rage en héritage

Près de deux géné­ra­tions les séparent. ­Samedi 22 octobre, ­Alicia Garza, 35 ans, et Ericka Huggins, 68 ans, dialoguent à Oakland, en Californie. La première est à l'origine du mouvement Black Lives Matter, devenu le symbole de la lutte antiraciste aux Etats-Unis.

 

Le confinement et le Covid exacerbent la ségrégation

Loin de son pays, Melvin regarde ce nouveau mouvement qui est né, deux générations après la sienne, à travers CNN. Attristé, voire plus, par l'attitude d'un Donald Trump "mêlant fake news, politique et pandémie".

 Il n'est pas étonné de voir comment les ghettos s'enflamment dans toutes les villes américaines :

La discrimination positive des années Obama a permis aux personnes de couleur d'obtenir des postes à la télévision, dans la politique, à l'hôpital, dans la justice, les universités, , etc... et d'être visibles. Mais ça concerne toujours les plus riches. Avec des dollars, je vous dis on arrive à tout, là-bas. Sans, c'est beaucoup plus compliqué."

Melvin n'est donc pas surpris de voir le confinement et la pandémie mondiale réveiller le sentiment d'injustice.

"Y a des gens aux Etats-Unis, dans certains quartiers, ceux des noirs américains, où la ségrégation sociale s'est mêlée à la ségrégation raciale, qui ont tout perdu en quelques jours : un proche, la santé, leur travail et leur espoir. Et cette mort atroce de George Floyd, filmée et vécue en Live, c'est la goutte de trop. J'ai vécu cette atrocité à travers CNN. Je suis resté scotché dans mon canapé pendant des jours." Un état de sidération qu'il essaie aujourd'hui de surmonter, pour réfléchir à la suite. 

 

Interdire "Autant en emporte le Vent" ?

La polémique est vive aux Etats-Unis et en France. HBO réfléchit à retirer "Autant en emporte le vent "de son catalogue de films en streaming. Depuis, on apprend que l'envie du diffuseur, c'est surtout de contextualiser le film, avant de le diffuser. 

Une nuance qui a son importance.

Mais dans les heures qui ont suivi, c'est le Grand Rex, à Paris, qui censure le film, le retirant de l'affiche.

Une actualité qui plonge la société dans la division. Certains intellectuels prennent la parole pour qu'on le diffuse à l'école.

 

Melvin Mc Nair qui avoue timidement ne pas l'avoir revu depuis sa jeunesse, reconnait qu'il n'a jamais aimé "l'image du bon noir esclave au service d'une famille que véhicule ce film. Il y a quelque chose là-dedans qui m'a toujours rendu malade. On occulte trop de choses."

Mais Melvin n'est pas pour l'interdiction du film, trop radicale. "Mettons-le au musée, faisons de la pédagogie avec. Il faut le contextualiser dans son époque". 

Le dialogue et la non-violence, c'est son crédo. D'ailleurs, on pourrait revenir sur son militantisme qui a été extrême mais jamaisviolent. 

 

Déboulonner certaines statues dans nos villes européennes ? 

Au nom de l'antiracisme, on veut faire beaucoup de choses aujourd'hui. Mais là-aussi, Melvin McNair est de ceux qui prônent un peu de recul. Alors que le mouvement BLM ( Black Lives Matter) prend de l'ampleur partout en Europe, faut-il accepter qu'on déboulonne des statues ?

La question est compliquée. "Elle mérite surtout beaucoup de discussions, de dialogue dans le calme. Crééons d'abord des musées pour peut-être y mettre certaines plaques de rue ou statues, des lieux de mémoire." Lui qui a passé sa deuxième vie à Caen, il met en avant l'exemple du Mémorial de la seconde Guerre Mondiale.

Je dis toujours à mes amis que si on commence à tout jeter, il ne va pas rester grand chose au Louvre (Melvin McNair) 

"Des lieux où on explique l'histoire, où on en discute. Où on avance ensemble."  Un message de sagesse, quand jeunesse se passe.

 

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