Dans "Le Consentement", Vanessa Springora explique pourquoi elle renonce à aller "pour le moment à l'IMEC"

Dans le dernier chapitre du "Consentement", l'éditrice Vanessa Springora explique pourquoi elle renonce à visiter le temple de la mémoire littéraire contemporaine, situé près de Caen. Elle pointe avec ironie les mensonges qu'elle aurait dû inventer pour pouvoir relire ses "propres lettres." 

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Le livre de Vanessa Springora a provoqué une déflagration dans le milieu très feutré de l'édition. A tel point que la justice s'est emparée dès le lendemain de ses écrits pour ouvrir une enquête préliminaire pour "viols commis sur mineur" de moins de 15 ans contre l'écrivain de 83 ans, Gabriel Matzneff.

Dans "le consentement", il s'appelle ​G.M. Pendant 200 pages, elle raconte "sa" version de la relation amoureuse qu'elle a entretenue avec lui lorsqu'elle avait à peine 14 ans.
 



On imagine que pour la directrice des éditions Julliard la visite vaut bien le détour puisque l'abbaye d'Ardenne abrite les manuscrits de Marcel Proust, de Marguerite Duras et d'un certain ... G.M.

La gloire littéraire des années 70 a en effet pensé à sa postérité et a confié dès 2004 ses écrits et sa correspondance amoureuse au "prestigieux Institut Mémoire de l'édition contemporaine", écrit-elle.

"J'ai pour le moment renoncé à me rendre à l'IMEC. Je ne me voyais pas m'asseoir dans sa grande salle d'étude (...) tout en pensant que mon voisin de table était peut-être en train de consulter les lettres que j'avais écrites à quatorze ans."

Elle imagine ensuite les mensonges qu'elle aurait dû inventer pour avoir accès à leur correspondance : "Il me faudrait sans doute inventer un mensonge, une thèse à écrire (...), un mémoire sur l'oeuvre de G.M"
 

Quelle ironie, devoir passer par un tel subterfuge pour avoir le droit de relire mes propres lettres.

 


Les écrits de Gabriel Matzneff, conservés à l'Imec, pourraient-ils intéresser la justice ?

Dans la description de ce fonds, on trouve d'après le site internet de l'IMEC :

"Des manuscrits et carnets de notes de la plupart des œuvres de Gabriel Matzneff. Ses nombreux articles qu'il rédige régulièrement pour des quotidiens tels que Le Monde ou Combat. (...) 

Cet ensemble s'accompagne d'une abondante correspondance avec de nombreux auteurs et amis comme Emile Cioran, Olivier Clément, Hergé, Julien Gracq, Henry de Montherlant, Jacques de Ricaumont, Dominique de Roux ou encore Philippe de Saint-Robert.

Gabriel Matzneff a également déposé l'ensemble de la correspondance qui atteste des nombreuses aventures amoureuses qu'il relate dans ses journaux intimes."
 


"La liste de ses amours"

Ce fonds n'est pas communicable au grand public, ni aux journalistes, "à moins d'en faire la demande à l'auteur", nous explique l'Imec, peu disert sur le sujet.

Mais d'après nos informations, figure parmi ces documents la "liste de ses amours". C'est une liste manuscrite dans laquelle sont répertoriés des noms et prénoms de femmes et d'hommes.

Sur certains noms, des flèches renvoient à des titres de ses écrits comme "La Prunelle de mes yeux" (1993), livre inspiré de sa relation avec Vanessa Springora, lorsqu'elle avait 14 ans.
   

L'éditrice confie à l'Obs :

 

J'ai été victime d'une triple prédation sexuelle, littéraire et psychique
 

 

Une enquête pour "identifier toutes autres victimes éventuelles "


Ces documents pourraient-ils intéresser la Justice et constituer des pièces à conviction ? C'est toute la question. Le Parquet a ouvert une enquête vendredi 3 janvier pour "viols commis sur mineur" de moins de 15 ans. 

Dans un communiqué, le procureur de la République de Paris Rémy Heitz explique : "Au-delà des faits décrits par Vanessa Springora", cette enquête s'attachera "à identifier toutes autres victimes éventuelles ayant pu subir des infractions de même nature sur le territoire national ou à l'étranger".

Ces nouveaux témoignages pourraient permettre de résoudre le problème de prescription auquel la justice risque de se heurter s'agissant des faits relatés par l'éditrice Vanessa Springora, dans son roman autobiographique intitulé "Le consentement" (Grasset).

Une prescription qui peut faire l'objet de débat, à en croire le tweet de cet avocat lillois, qui décrit avec minutie la complexité d'appréciation. (Suivez l'explication sur ce fil Twitter)
   

Ses écrits ? "Une preuve de la véracité de ce journal"


En tout cas, si l'affaire n'est pas classée sans suite, on peut supposer que les magistrats apprécieront la littérature déposée par l'auteur sulfureux, qui décrit lui même dans "Les moins de seize ans" (1974) sa "chasse aux gosses".   

Dans  « Séraphin, c'est la fin », il explique d'ailleurs les raisons qui l'ont incité à déposer ses écrits à l'Imec :

" C'est pourquoi, je suis heureux d'avoir pu, de mon vivant, sauver de la dispersion ou pire de la destruction des textes tels ceux qui composent "Vous avez dit métèque." 
 

En particulier, cela va sans dire, les nombreuses pages politiquement non correctes, sexuellement non correctes qu'aucun organe de la grande presse-purée, quotidiens et hebdomadaires confondus, n'oserait aujourd'hui publier.

 


A se demander si le pire ennemi de Gabriel Matzneff ne serait pas ... lui-même.

Car l'auteur ne s'est jamais caché. Bien au contraire, il a tout noté dans ses journaux intimes. Ses livres s'inspirent de ses frasques sexuelles et il n'hésite pas à y faire l'apologie de la pédocriminalité.

Dans les années 70, post mai 68, il bénéficie même de la complaisance du milieu littéraire, qui lui attribue d'ailleurs en 2013 le prix Renaudot-Essai pour « Séraphin, c'est la fin ».

Une partie de la critique va même s'offusquer quand une essayiste canadienne, Denise Bombardier, ose interrompre ce concert de louanges dans l'émission "Apostrophes".

Extrait de l'émission "Apostrophes" en 1990
 


Dans son texte, « Les Emiles de Gab La Rafale », Gabriel Matzneff explique d'ailleurs que ce dépôt à l'Imec ne peut que le servir. 


"Cette correspondance amoureuse dont le mérite essentiel est de constituer une sorte de contre-journal, d'illustration de mon journal, une preuve de la véracité de ce journal. (...)
 

Etre attaqué de mon vivant, je m'en fous mais je souhaite que la vérité puisse être établie après ma mort

 

 


Le vent "me too"


Aujourd'hui, le vent "me too" a fait tourner les esprits. Gabriel Matzneff a renoncé à écrire sa chronique dans l'hedomadaire "Le Point", journal cher à Franz-Olivier Giesberg, qui a assumé la présidence du jury Renaudot en 2013. 

Le ministre de la Culture Franck Riester a estimé le lundi 6 janvier que l'allocation annuelle aux auteurs accordée par le Centre national du livre, dont il bénéficie depuis 2002, n'était "pas justifiée".

Gallimard a également annoncé l'arrêt de la commercialisation du journal de l'écrivain.
 

 

Gabriel Matzneff à l'Imec

L'abbaye d'Ardenne est notamment citée dans ses journaux intimes, comme "Mais la musique soudain s'est tue", comme on peut le lire dans les carnets de l'Imec, publié en 2015. 

"Dévolu aux années 2009 à 2013, ce dernier, magnifiquement intitulé "Mais la musique soudain s’est tue", fait de nombreuses références à l’abbaye d’Ardenne où l’auteur a plusieurs fois séjourné pour consulter ses archives et aider à leur ordonnancement."  


Gabriel Matzneff est également venu à l'Imec faire des lectures publiques, en compagnie d'autres écrivains. En 2005, il s'agissait des correspondances de Flaubert et en 2006, du journal intime de Kafka.

 
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