Coronavirus : Les femmes de l'ombre de l'hôpital de Caen, discrètes mais ... en première ligne face au covid-19 !

Leur mission ? Eliminer le virus dans les chambres. Au CHU de Caen, près de 25 personnes se relaient aux urgences et en réanimation pour nettoyer et tout désinfecter. Comment y parviennent-elles, sans se mettre en danger ? Gros plan sur un métier peu connu et reconnu.

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Jennifer et Stéphanie promènent leurs silhouettes depuis dix ans dans les couloirs et les chambres du CHU de Caen. La première en réanimation et la seconde aux urgences. 

Dans leur jargon, on les appelle les ASH, comme agent de service hospitalier. Derrière cet acronyme se cachent des femmes, pour la plupart, armées de produits désinfectants pour se débarasser de mademoiselle poussière et éliminer son acolyte, l'hyper méchant coronavirus, qui se propage à vitesse grand V. C'est dire l'importance de leur rôle en pleine crise sanitaire.

Tous les jours, Jennifer et Stéphanie doivent donc livrer bataille, avec une modestie confondante. Timides et peut-être impressionnées, elles n'ont pas l'habitude d'expliquer leur métier, encore moins à une sombre inconnue, qui les bombarde de questions.
 


Les gestes au travail, le nettoyage, tout a été repensé


"Au tout début, dès qu'on a entendu parler du Covid, j'étais stressée et paniquée de venir travailler, avoue Jennifer, et puis nous avons eu le protocole sanitaire, on a été informé par l'infirmière hygiéniste et ça m'a rassurée."

"Je n'appréhendais pas du tout. J'étais sereine comme d'habitude, 
explique Stéphanie, parce que le protocole est arrivé rapidement et il suffisait de bien respecter les mesures et les gestes barrières avec les équipes".

Toute l'organisation a été repensée pour ne pas exposer le personnel. "C'était notre priorité absolue", expliquent les cadres de santé, Carole Van Der Linden et Stéphanie Domingo.

 


D'habitude, une chambre se nettoie en quinze minutes, en portant une simple blouse. Depuis deux mois, Jennifer et Stéphanie doivent s'équiper de charlottes, surblouses, masques FFP2, gants, lunettes et tabliers.

L'entretien se fait en deux fois. D'abord, tous les déchets sont enlevés puis un premier coup de balai est passé. Ensuite, il faut ressortir et attendre trente minutes, avant de pouvoir désinfecter les sols, les murs, les portes, les poignets et les toilettes.

Comptez une bonne heure. Alors, il a fallu du renfort, redéployer des équipes et compter sur "les brancardiers, qui nous ont bien aidés. Heureusement, nous n'étions pas toutes seules", explique Jennifer.
 

Le Grand-Est nous a bien aidé. Nous nous sommes appuyés sur leurs retours d'expérience et grâce à eux, c'est malheureux à dire, mais nous avons pu être réactifs et performants sur le terrain. Les trois premières semaines ont été intenses pour tout réorganiser. Mais nous avons eu des moyens, le personnel en congés est revenu, il y a eu un bel élan de solidarité et ça a renforcé les équipes. Franchement, je suis fière d'elles. Carole Van Der Linden, cadre de santé aux urgences
 

Et surtout, peu de personnes ont été contaminées, malgré l'exposition quotidienne. Sur 550 agents, deux aux urgences et un seul au pôle réa ont été dépistés positif au covid-19.
 




"La tante de ma fille ne veut plus l'embrasser car je travaille au CHU"

L'épidémie ne s'arrêtant pas aux portes de l'hôpital, il faut aussi protéger sa famille et rassurer parfois. Si Jennifer prend une douche systématiquement en rentrant à la maison, Stéphanie, elle, ne peut pas s'empêcher d'embrasser ses enfants, d'abord et d'aller se laver ensuite. "On n'a pas le même tempérament", s'amusent-elles.

Stéphanie, qui décidément n'a peur de rien, a su transmettre aux siens ses ondes positives. "J'ai une petite de 10 ans et elle n'est pas du tout inquiète pour moi car j'ai pris le temps de lui montrer les gestes barrières, de lui expliquer mes conditions de travail et de lui prouver qu'il n'y avait rien à craindre".

Et le regard des autres a-t-il changé ? Ont-elles ressenti de la fierté dans les yeux de leurs proches ? "Un peu. On a reçu quelques textos de soutien de copains", dit Jennifer. "Ou alors, ajoute Stéphanie, on assiste à de drôles de réactions. La tante de ma fille ne veut plus l'embrasser car elle a peur d'attraper le covid."

Ce sont les patients, qui les ont le plus émues. Non pas à cause d'images insoutenables, à vous réveiller la nuit. Mais elles se souviennent de gestes généreux, des cadeaux offerts par des restaurateurs et des mots d'un malade écrit noir sur blanc dans une lettre.

"Il a écrit à tout le service de réa, en désignant le nom de chaque personne. C'était un moment émouvant pour nous, dit Jennifer. Il m'a citée et félicitée parce que sa chambre était bien entretenue. C'était une belle reconnaissance."

 

La ferveur populaire, accompagnée d'applaudissements tous les soirs à 20h, a réchauffé le coeur des troupes, qui en avaient bien besoin. "C'était très touchant", raconte Stéphanie.

Celles et ceux qui dénonçaient à cor et à cris et dans l'indifférence générale, le manque de moyens à l'hôpital, depuis des mois, ont le sentiment d'avoir été enfin compris et entendus par les citoyens et les partis politiques. Reste à transformer les mots en actes. 

Quelle prime exceptionnelle pour la Normandie ?


Jennifer et Stéphanie, là encore, ne s'étendront pas sur le sujet. C'est sensible. Surtout au lendemain de la visite surprise et chahutée du chef de l'Etat à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière. Emmanuel Macron s'est engagé ce vendredi "à mettre fin à cette paupérisation. On va investir " a-t-il dit au personnel soignant. 

 

Même silence embarrassé quand on évoque la prime exceptionnelle, promise par le gouvernement. "On ne sait pas si on va l'avoir", dit l'une. "On a encore peu d'informations", précise l'autre.

A en croire le texte, sorti ce vendredi, une prime « défiscalisée » sera bien de 500 € pour tous les membres du personnel hospitalier. Son montant pourra même atteindre 1.500 € pour ceux ayant travaillé dans les quarante départements (1) les plus touchés par l’épidémie ou dans des services ayant accueilli des malades du Covid-19, confirme le décret. Comment va-t-il se traduire en Normandie ? 

Jennifer et Stéphanie gagnent en moyenne 1500 euros brut/ mois (soit environ 1155 euros net). Autant dire que cette prime serait la bienvenue, mais au lieu de parler d'argent, elles préfèrent mettre en lumière tous les agents, en toute humilité : 

Vous savez, nous ne sommes pas les seuls à travailler dans l'ombre. Il y a les brancardiers, le personnel en cuisine, en lingerie, tous ceux aussi qui s'occupent des poubelles ... Jennifer et Stéphanie, agents de service hospitalier

 

La crise sanitaire a révélé les fragilités mais aussi les forces "vives" de l'hôpital. Qu'ils soient soignants ou non, tous ont avancé main dans la main, faisant preuve de dévouement et de solidarité, et ça continue "le Covid est toujours là, il ne faut rien relâcher"Qu'ils soient ici entendus et salués.



(1) Tous ceux d’Île-de-France (huit départements), du Grand-Est (dix), de Bourgogne-Franche-Comté (huit) et des Hauts de France (cinq) sont inclus dans la liste. Quatre départements d’Auvergne-Rhône-Alpes (Drôme, Loire, Rhône, Haute-Savoie) y figurent également, ainsi que l’Eure-et-Loir, les Bouches-du-Rhône, les deux départements de Corse et Mayotte.
 
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