Dans les centres-villes et les quartiers de bureaux désertés, les brasseries du midi voient leur fréquentation s'effondrer. En ce mois de janvier, les traiteurs subissent aussi les annulations des cérémonies de vœux. La restauration est au pain sec.
"Ce midi, j'ai fait cinq couverts", confie, dépité, Raphaël Pestre, le patron des Grands hommes. Cette brasserie donne sur la rue Saint-Pierre, dans le secteur piéton du centre-ville de Caen. La salle n'est pas très grande. Normalement, elle est vite remplie. "D'habitude, je fais une trentaine de couverts. Aujourd'hui, je n'ai eu que quelques habitués, des commerçants du quartier. Je suis allé voir des collègues restaurateurs : ils n'ont presque pas travaillé eux aussi".
La quasi généralisation du télétravail imposée par le gouvernement pour tenter de freiner l'épidémie pénalise fortement les établissements qui vivent du passage dans les quartiers tertiaires. A Saint-Contest, de l'autre côté du périphérique nord de Caen, l'Atelier gourmand est entouré d'immeubles de bureaux. "C'est très calme, observe Laure Hebert. Janvier est un mois creux. On attend de voir comment ça va se passer, mais ça nous inquiète".
"Il nous manque du monde, on l'a vu dès la réouverture ce lundi", raconte la gérante d'une brasserie située pas trop loin de la préfecture et du palais de justice de Caen. Ses voisins sont des cabinets d'assurances, des sociétés de courtage. "On a déjà eu soixante annulations pour les repas de fin d'année en décembre. Là il va falloir faire avec. Mais c'est dur. On avait retrouvé quelques libertés. On a l'impression de revenir en arrière".
Nous sommes dans une espèce d'entre-deux. On nous laisse ouverts, mais avec l'interdiction de consommer debout et le télétravail, on m'empêche de travailler.
Raphaël Pestre, patron de la brasserie des Grands Hommes, Caen
À l'étage de la brasserie des Grands Hommes, une jolie salle de réception permet d'accueillir des soirées privées. "J'ai six annulations en janvier. Des séminaires d'entreprises et des soirées d'anniversaire. Quand j'explique qu'on ne pas pas consommer debout, les gens renoncent, c'est normal".
Au lendemain des annonces du premier ministre Jean Castex, le président de l'Union des métiers de l'hôtellerie-restauration de Seine-Maritime avait donné l'alerte.
Avec le télétravail, la mobilité va être freinée. Cela va avoir des conséquences pour les restaurants, pour les hôtels. L'interdiction de consommer debout pénalise les cafés. Et l'annulation des cérémonies de vœux freine les traiteurs.
Philippe Coudy, président de l'Umih 76
Dans le Calvados, le patron de Loison traiteur mesure l'ampleur du "désastre". Le mois de janvier est celui de la galette des rois et des cérémonies de vœux dans les entreprises et les collectivités locales. "Là, il n'y a plus rien", se désole Christophe Marie. Sa société fournit aussi le buffet et les hospitalités dans les loges du stade d'Ornano les soirs de match. "Mais on n'a pas le droit au cocktail debout ! Je ne sais pas ce qui va se passer..."
"Depuis deux ans, on en prend plein la figure. Nous avons beaucoup travaillé pour la reprise, et là tout s'arrête de nouveau. J'ai 47 salariés. Nous ne sommes que six au travail. Tout le monde est en congés payés. On attend les aides", ajoute-t-il. Le 27 décembre, les syndicats du secteur de l'hôtellerie-restauration ont exigé "la réactivation de l’accompagnement économique pour toutes les entreprises en décembre 2021 et janvier 2022 et tout le temps des restrictions imposées".
"Ils sont gentils avec leurs aides, mais là ça va être très compliqué, s'inquiète le patron des Grands Hommes. On n'a pas de trésorerie d'avance. Pour les aides, il va falloir monter des dossiers, et ça va prendre du temps. Mais il y a urgence. Je vais avoir les salaires de janvier à payer. On fait comment ?"