Une pétition a déjà rassemblé près de 300 signatures, trois fois plus que le nombre d'habitants de Poussy-la-campagne (Calvados). Un beau marronnier y est promis à l'abattage afin de permettre l'aménagement d'un carrefour.
L'histoire pourrait être anecdotique - après tout, ce n'est qu'un arbre, penseront certains - mais elle dit probablement quelque chose de l'éveil des consciences face au changement climatique. Il y a quelques années encore, qui se serait soucié du sort de ce marronnier ? L'arbre trône au beau milieu d'un carrefour. Lorsqu'il est sorti de terre, les chemins n'étaient guère empruntés que par quelques voitures à cheval. Le voici devenu adulte, majestueux, mais un peu trop imposant à l'ère des SUV et des engins agricoles de la plaine céréalière.
Le marronnier a donné son nom à une rue
"Un jour, on a appris par le bulletin municipal que le carrefour allait être refait et que le marronnier serait supprimé, explique Sarah Cardon, une agricultrice qui habite dans ce village situé au sud de la plaine de Caen. On a fait une première pétition au début du mois de juillet. Elle était restée sans réponse. Un jour, à la rentrée, j'ai croisé quelqu'un du conseil municipal qui m'a clairement fait comprendre que l'arbre serait bien coupé".
Son sang n'a fait qu'un tour. Sarah a lancé une pétition intitulée : "Sauvons notre marronnier". Elle a recueilli plus de 270 signatures. Aux dernières nouvelles, le village ne compte pourtant que 89 habitants. "En ajoutant les signatures que nous avons aussi sur papier, nous en sommes à plus de 300", se réjouit-elle sans être pleinement rassurée. L'élan de solidarité manifesté autour de cet arbre ne vaut pas assurance-vie.
Dans les colonnes de Liberté, le maire de Valambray "comprend, en tant que défenseur des arbres, les inquiétudes des habitants. Mais cela se heurte à la dangerosité de ce carrefour". A la mi-novembre, Patrice Martin, que nous ne sommes pas parvenus à joindre, a tenu une réunion publique. Il s'est engagé à ce qu'une solution alternative soit étudiée permettant éventuellement de sauver l'arbre. S'il devait quand même être abattu, il s'engage à en replanter d'autres. "Mais vous savez combien d'arbres il faut planter pour remplacer un marronnier adulte qui dépollue, qui capte de l'azote, qui fabrique de l'oxygène ? Deux mille !" s'époumone Sarah Cardon.
"L'arbre est une véritable ville verticale !"
Dans une lettre ouverte, le Collectif du marronnier de Poussy-la-campagne assure la défense du colosse. "En prenant le temps de l'observer vous pourrez voir, de ses racines à son houppier en passant pas les rides de son écorce, des champignons, de la mousse, du lichen, des insectes multiples et variés, des nids d'oiseaux et leurs habitants, des bactéries, des terriers, des micro mammifères, des abris diurnes pour les chauves-souris (qui raffolent des moustiques et qui permettent que les voisins soient tranquilles l'été...), des coléoptères, des araignées, des guêpes et des abeilles sauvages, des terriers...."
"Vous vous rendez compte, la grand-tante de mon mari qui est décédée à l'âge de 104 ans l'avait toujours connu, s'émeut encore Sarah Cardon. Il était là avant l'exposition universelle. Il a connu les deux guerres. Il a quand même un nom de rue. La rue du marronnier. Ce n'est pas rien. Ce n'est pas une chose inutile"
L'argument de la sécurité routière ne laisse pas insensible le collectif qui plaide pour que des aménagements obligent les véhicules à ralentir dans le bourg. Le marronnier est-il dangereux pour la circulation ? "Non, répond catégoriquement Sarah Cardon. A ma connaissance, il n'y a eu qu'un seul accident. Et encore, c'est quelqu'un qui avait bu et qui est parti en courant. C'est l'arbre qui a été blessé..." Immuable en son carrefour, le beau marronnier a dû en voir. Si seulement il pouvait raconter...