Émotions, sensations, attractions, jusqu'où aller pour séduire et faire passer la porte des Musées du débarquement ?

Les derniers témoins du débarquement s'éteignent. Le public rajeunit. Les musées sont confrontés à un défi : comment répondre à la mode de "l'expérience" venue des Etats-Unis sans se muer en parc d'attraction ? Le débat était ouvert aux Assises de la Normandie.

Dans le hall du Mémorial de Caen, un groupe de lycéens patiente sans un regard pour le Typhoon, un authentique avion de chasse britannique suspendu au plafond. Peut-être attendent-ils leur prof ?  Sac à dos, sweat-shirt, basket, tête baissée : les yeux sont souvent accaparés par l'écran du smartphone, ce qui n'empêche en rien les rires, les éclats de voix, les bavardages, comme dans la cour de récré.
 



"Il y a un sujet dont on ne parle pas, c'est le comportement des publics, reconnaît Stéphane Grimaldi, le directeur des lieux. On observe à l'oeil nu une évolution, en partie à cause des nouvelles technologies et des écrans qui isolent. C'est ainsi. Nos sociétés ont évolué". Et la connaissance historique reste lacunaire. "Vous recevez une classe de cinquième, et vous entendez des élèves dire que le général Obama commandait le débarquement, sourit amèrement Emmanuel Allain, qui dirige le musée privé de Saint-Côme du Mont. Et quand vous vous adressez à l'enseignant, on vous répond : moi je suis prof de biologie !" 
 

Des attractions, pour être... attractif



Comment capter l'attention de ces jeunes visiteurs ? Comment intéresser les adultes de demain à cette période douloureuse de notre passé ? "On passe de la mémoire à l'Histoire" souligne Serge Barcellini, le président du souvenir français. Avec la mort des derniers vétérans, des derniers résistants, il faut désormais raconter "l'histoire sans témoins". Un musée du débarquement peut-il se contenter de présenter des uniformes derrière une vitrine ? Voilà tout l'objet du débat qu'organisent nos confrères de Ouest-France dans le cadre des Assises de la Normandie.


Le tourisme de mémoire, c'est une autre thématique abordée lors des Assises. Joseph Zimet, Nathalie Mary et Nathalie Worthington en ont débattu avec Franck Besnier au Mémorial pour Dimanche en politique
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À Saint-Côme du Mont, le Dead Man's Corner museum est un établissement privé, qui ne vit que de ses recettes. 21 000 entrées en 2009, 120 000 en 2018 : la maison est prospère. La fréquentation est tirée par une attraction. "Oui, j'assume le mot" dit Emmanuel Allain, le co-fondateur de ce musée créé "dans la Manche", à l'écart des grands flux touristiques. "Et encore, heureusement, Sainte-Mère Eglise n'est pas loin".
 

"Spielberg a utilisé un fuselage de C 47 pour tourner une scène dans laquelle il montrait les paras traversant la Manche. On s'est dit que c'était pas mal." L'appareil a été acquis par le Dead Man's Corner qui a décidé du même coup de se rebaptiser D-Day Experience en proposant à ses visiteurs de "revivre" le vol des paras du Jour J, à grand renfort de lumières et de sons. Le fuselage est actionné par des vérins qui reproduisent les turbulences de l'avion. Sensations garanties.
 
"À l'époque, j'ai dit qu'on atteignait une limite", rappelle Stéphane Grimaldi qui se méfie de cette idée "très anglo-saxonne" de faire vivre des "expériences". "Mais j'y suis allé. Je trouve ça très bien". Rires dans la salle. "C'est très honnête". À la réflexion, le patron du Mémorial n'y trouve rien à redire. "Quand je vois des vétérans me dire que c'est exactement ce qu'ils ont vécu, quand je vois des familles de vétérans très émues, on se dit qu'il y a un côté immersif qui permet de toucher du doigt cette histoire" ajoute Emmanuel Allain.
 
 

"Présenter des objets qui racontent une histoire, cela reste la fonction du musée"


"Nos établissements sont économiquement fragiles", souligne le directeur du Mémorial. "On ne peut pas perdre nos visiteurs qui sont des clients". Il faut donc savoir se renouveler, pour rester "rentable". Le grand musée de la ville de Caen investit 2 M€ pour construire un nouveau cinéma circulaire. Une attraction ? "On va essayer de raconter en 19 minutes que nous avons un privilège qui est de vivre en paix depuis 1945".
 

Le D-Day Expérience mise aussi sur l'image pour séduire le client. "Nous construisons une salle de cinéma Imax dans laquelle nous diffuserons un documentaire en 3D. Nous investissons 1,7 M€". Le musée doit être avenant, vivant. "La limite, ce sont les tablettes, et la réalité virtuelle. Je ne suis pas pour. On s'arrête à l'avion !"
 

"Les technologies sont trop vite obsolètes pour être rentables, renchérit Stéphane Grimaldi. Et puis il y a déjà tout sur internet." Le directeur du Mémorial de Caen croit plus que jamais à la force des objets, qui sont aujourd'hui les seuls témoins vivants du débarquement : "Nos établissements doivent aujourd'hui être des lieux de partage. On gardera nos publics d'abord parce que nous avons des objets à présenter, à condition que chaque objet raconte une histoire".
   
 

Quel tourisme de mémoire en Normandie ?


Quel tourisme de mémoire en Normandie ? C'était une autre thématique des Assises de la Normandie.
Pour l'aborder, notre magazine Dimanche en politique a déplacé son plateau au Mémorial de Caen le 3 mars 2019

Le 75ème anniversaire du Débarquement approche mais après, que deviendra le tourisme de mémoire en Normandie ?  
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Trois mois avant l'anniversaire du Débarquement, comment continuer à rendre hommage aux héros de la seconde guerre mondiale sans tomber dans une commercialisation du conflit ?
Aujourd'hui, le tourisme de mémoire en Normandie représente 5 millions de visiteurs et des milliers d’emplois ; demain, comment va-t-il évoluer ?
 
 
Franck Besnier reçoit pour en débattre : 

► Quel tourisme de mémoire en Normandie ?
     Revoir Dimanche en politique du 3 mars 2019

 

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