Il y a un an, la ville suédoise de Skellefteå sur le golfe de Botnie inaugurait le plus haut gratte-ciel en bois du monde. L'un de ses deux architectes est l'invité du festival les Boréales. Oskar Norelius tiendra une conférence jeudi sur l’usage renouvelé du bois dans l’architecture contemporaine et le design et expliquera comment la construction de cet immeuble de 20 étages fait bouger les lignes...
À Skellefteå, 75 000 habitants, où le mercure plonge à moins 12 degrés en hiver et atteint les 21 degrés en été, on ne vient pas par hasard. Cette ville située à 1h et demi d'avion au nord de Stockholm est entourée de forêts et accueille des entreprises très performantes. Beaucoup d'emplois sont créés notamment dans des industries vertes. Alors pour garder cette main d'œuvre précieuse, le maire a lancé il y a quelques années un concours international d'architecture pour un centre culturel et un hôtel. Bien lui en a pris : aujourd'hui on vient aussi à Skellefteå pour son "Sara Kulturhus".
Sur les 55 propositions venant de 11 pays, c'est celle du cabinet White qui a été retenue, celle de deux de ses membres Oskar Norélius et Robert Schmitz. "En 2015, quand on a proposé un tel immeuble tout en bois, les gens pensaient qu’on était fous, raconte Oskar Norelius. On a réussi à montrer que ce qui marche en théorie, marche aussi dans la pratique, car ça n’avait jamais été fait avant."
Ce que ces deux architectes ont réussi à faire c'est un immeuble de 20 étages en bois, haut de 80 mètres. Les fondations sont en béton, la dalle également mais à partir du rez-de-chaussée, toute la structure est en bois, du bois des forêts environnantes et traité dans une scierie située à seulement 50 kilomètres de Skellefteå. Il a été travaillé et assemblé selon la technique du lamellé collé et croisé (CLT). Toutes ces pièces de bois hypersolides sont connectées entre elles par de l'acier. Le bois est présent partout, de la salle de spectacle de 1200 personnes, à la bibliothèque et aux cages d'ascenseur.
Des chambres préfabriquées
Mais ce qui est encore plus révolutionnaire, ce sont les 13 étages de l'hôtel situé au dessus du centre culturel, "il est composé de modules en bois préfabriqués. Toutes les chambres avec salle de bain ont été conçues puis assemblées les unes aux autres comme des Lego®, explique Oskar Norelius, pareil pour le restaurant et le spa. Ensuite nous avons posé des dalles en béton sur le toit pour alourdir la structure, pour qu'elle puisse être stable face aux vents violents."
S'il existe en Norvège un immeuble aussi haut en bois, il ne compte pas autant d'étages et n'a pas été conçu avec cette technique de bois lamellé-croisé et d'assemblage de structures préfabriquées autoporteuses. "Cette technique nous a d'ailleurs permis de gagner environ un an sur le chantier qui a duré trois ans et a coûté 100 millions d'euros."
Attraction touristique
Depuis son inauguration à l'automne 2021, ce bâtiment enveloppé de verre qui reflète le ciel est devenu une véritable attraction. Car au-delà du défi technique, la Sara Kulturhus montre la voie pour lutter contre le réchauffement climatique dans le domaine du bâtiment. Car la fabrication de ciment représente 7 % de toutes les émissions mondiales de carbone. La construction bois semble donc être la solution.
La Sara Kulturhus par sa construction et son système énergétique révolutionnaire (toit végétalisé, panneaux solaires) aura un bilan carbone négatif d’ici 50 ans. La municipalité en est très fière et s'en sert de vitrine. Et ce n'est pas un hasard si la start-up suédoise Northvolt a ouvert en décembre dernier sa première "giga-usine" de batteries électriques en Europe destinée à concurrencer Tesla et les producteurs asiatiques. Northvolt a l'ambition d'équiper un million de véhicules électriques chaque année. Le site de Skellefteå emploie déjà 500 personnes et doit atteindre 3 000 salariés à pleine capacité.
Bien sûr qu'on peut construire plus haut avec du bois, mais ce n'est pas le but (...) Nous, on a montré que c'était possible, on a surtout développé nos matériaux, on a amélioré nos connaissances sur le bois.
Oskar Norelius, architecte cabinet White
À 37 ans, Oskar Norelius dit avoir réalisé son rêve. "Bien sûr qu'on peut construire plus haut avec du bois, mais ce n'est pas le but. Le but c'est d'ouvrir de nouvelles perspectives. Il y a encore quelques années, personne n'osait faire un immeuble de 6 ou 7 étages en bois... Nous, on a montré que c'était possible, on a surtout développé nos matériaux, on a amélioré nos connaissances sur le bois."
L'architecte travaille sur d'autres projets, notamment à Riga en Lettonie, où une ancienne brasserie sera transformée en pôle culturel et en bureaux, tout en bois bien sûr. Un autre projet à Paris, dans le quartier vertical de la Défense, l'accapare beaucoup, mais nous n'en saurons pas plus...
Venez rencontrer Oskar Norélius, jeudi 17 novembre au Pavillon à Caen
16h00 – Visite commentée de l'exposition Woodlife
18h30 – Conférence
Il proposera également un workshop réservé aux professionnels du secteur, le vendredi 18 novembre à 10h au Pavillon.