Les médecins, pas assez nombreux, sont débordés : "Nous privilégions les urgences vitales. C'est vrai qu'il n'est pas rare que des patients attendent plus de 24 heures". L'Agence Régionale de Santé recommande d'appeler le 15 avant de se déplacer, préférant orienter les patients vers les médecins généralistes. C'est la crise.
"Je me suis demandé comment ils font pour travailler dans des conditions comme ça". Camille n'en revient toujours pas. Il y a quelques jours, après une mauvaise chute, elle a été conduite aux urgences. C'était un dimanche. "Je suis arrivée à 15h. On m'a mise sur un brancard dans le couloir. Il y avait plein de gens qui attendaient comme moi".
Les heures défilent et rien ne se passe. Les brancards demeurent immobiles et le personnel va et vient. "Ils courent. On ne peut même pas trop se plaindre parce qu'on voit qu'ils font tout ce qu'ils peuvent et qu'ils sont débordés".
La situation est à ce point tendue que les médecins du service ont entamé un mouvement de grève à la mi-juillet, un mouvement symbolique puisque les médecins sont systématiquement réquisitionnés. Il s'agissait évidemment de sonner l'alarme.
Des brancards alignés dans les couloirs pendant des heures
"Actuellement, le service fonctionne avec 30 % de l'effectif théorique", nous expliquait alors Florian Michel, un des médecins des urgences du CHU. "Nous devrions être 23 médecins en équivalent temps plein. Nous sommes 8. Nous essayons autant que possible d'accueillir les patients dans de bonnes conditions, mais c'est vrai que l'attente est parfois longue, en particulier quand la pathologie n'est pas vitale".
"J'avais mal. J'ai tenu avec des calmants, et encore, il fallait que je les demande. J'ai enfin pu voir un médecin à 3h du matin", raconte Camille. "Ensuite, je suis montée en chambre dans un autre service. Il était 4h du matin".
"Nous avons aussi un problème pour trouver des lits en aval dans les services", justifie Clément Boisgontier, un autre urgentiste rencontré au début du mouvement de grève. "Il n'est pas rare que les gens attendent 24 heures, 48 heures et ils ne comprennent pas pourquoi ils restent aux urgences".
En ville, les urgences des cliniques privées tournent au ralenti. Le service est fermé la nuit à la Polyclinique du Parc. Il est fermé nuit et jour à la clinique Saint-Martin jusqu'au 4 août. Les urgences du CHU accueillent en moyenne 200 patients chaque jour, bien plus que ce que le service est en capacité d'absorber au cœur de l'été.
Pour faire face à la crise, l'Agence régionale de santé a "trouvé des solutions". " Nous avons demandé à des médecins de spécialités dans les étages de descendre prendre des vacations aux urgences sur la base du volontariat", annonce François Mengin Lecreulx, le nouveau directeur de l'ARS Normandie qui était invité sur le plateau de France 3 Normandie ce mercredi 31 juillet. "Un médecin urgentiste de la clinique Saint-Martin a aussi accepté de venir en renfort au CHU".
"Nous avons besoin d'aide"
"Les trois services d'urgence du plateau caennais sont organisés ensemble afin de coordonner les réponses à apporter à cette crise pour maintenir une offre H24 à la population", confirme la direction du CHU dans un bref communiqué.
L'ARS cherche aussi à désengorger les urgences en orientant les patients "vers la médecine de ville." Encore faut-il que les généralistes ne soient pas en vacances. Ce n'est pas encore une obligation, mais le directeur de l'Agence recommande très fortement à la population à composer le 15 avant de se déplacer.
Au bout du fil au 15, vous avez un médecin qui peut proposer un accès au service d'urgences si la pathologie le nécessite, mais qui est aussi capable de proposer un créneau de médecine de ville si c'est plus adapté. C'est parfois mieux que d'attendre aux urgences.
François Mengin LecreulxDirecteur de l'ARS Normandie
Dans sa chambre à l'hôpital Camille a vu le jour se lever en supportant la douleur à la jambe. La journée est passée sans que rien d'autre ne se passe. "J'ai été opérée 48 heures après mon arrivée aux urgences. Je suis rentrée chez moi juste après, bien fatiguée".
"Je suis combatif et c'est chaque jour une épreuve", confirme le docteur Florian Michel. "On travaille sans relâche, mais je rentre chez moi sans avoir le sentiment du devoir accompli. Nous avons besoin d'aide. Il nous faut des médecins et des lits de médecine pour traverser cette crise et soigner les gens avec dignité".