Il faut se rappeler que le féminisme en France, c'est aussi une histoire de courants. Toutes les femmes et les hommes engagés dans ce combat n'ont pas la même vision. Belinda Cannone, essayiste et professeur à l'Université de Caen en Littérature comparée défend un féminisme universaliste.
Elle fait la moue si on lui propose de choisir entre autrice ou auteure. Ce n'est pas une question pour elle de sonorité mais bien un engagement prononcé pour le "neutre".
"Alors pas de chance, n'est-ce pas ? le neutre est masculin dans la langue française !", lâche-t-elle dans un soupir, consciente que sa thèse n'est pas la plus développée à l'heure du débat sur la féminisation des noms de métiers, désormais autorisée par l'Académie française.
France 3 : Vous préférez être présentée comme autrice ou auteure ?
Bellinda Cannone : Je suis plutôt UNE auteur – si on y tient. Mais voyez-vous, dans la plupart de mes activités, je n'ai pas envie d'être contrainte à déclarer mon genre. Je ne veux pas qu'on se demande si je suis un homme ou une femme, mais plutôt si ce que je fais est intéressant et de qualité.
Je regrette que la féminisation donne la prééminence à l'identité sexuée.
Je n'ai pas envie qu'on m'assigne à mon genre. Etre un homme ou une femme, ça n'a pas toujours une importance. Quand j'écris par exemple, je met en scène des personnages masculins et alors? explique Belinda Cannone
""Je pense depuis longtemps qu'il faudrait neutraliser certains mots du vocabulaire - et pas les féminiser. Si vous voulez vraiment changer la langue, introduisez du neutre." Belinda Cannone, écrivain et essayiste. https://t.co/C4CWHy0sNH pic.twitter.com/SnIy3RhLXF
— France Culture (@franceculture) 20 mars 2018
Vous ne vous sentez pas à contre courant ? Le féminisme aujourd'hui ne vat-il pas au-delà?
Bellinda Cannone : Ce qui est en train de se passer c'est une confusion intellectuelle entre virilité et masculinité. Le courant dominant dans le féminisme, aujourd'hui, va dans le sens du marquage des identités sexuées. Mais on oublie la « neutralité » qui accompagne la plus grande partie de nos activités.Il n'y a pas une seule manière d'être féministe ?
Bellinda Cannone : Il y a toujours eu deux courants, les différentialistes (qui prônent un discours batailleur exaltant la différence) et les universalistes (qui considèrent plutôt la personne humaine). Et aujourd'hui, il faut ajouter un néo féminisme qui depuis le début des années 2000 voit le monde divisé entre dominants et dominés. Mais pour moi c'est une vision américanisée : les hommes et les femmes travaillent et vivent ensemble, leur relation est bien plus complexe que ne le suggère cette vision schématique du Bien et du Mal.Pour vous, le vrai débat féministe aujourd'hui, où est-il?
Bellinda Cannone : La première question est celle de l'égalité sociale et professionnelle. En France, heureusement, ça avance et c'est devenu une préoccupation générale. C'est une bonne chose. Mais je ne suis pas seulement optimiste. On pourrait régresser, il faut rester très vigilants et surtout se battre en faisant les bonnes analyses. Il faut réaffirmer l’importance de la liberté, la liberté de faire...Vidéo - Belinda Cannone invitée de la Grande Librairie sur France5 en Janvier 2018, après sa publicaiton dans Le Monde d'une tribune « Le jour où les femmes se sentiront autorisées à exprimer leur désir, elles ne seront plus des proies. »
"Le thème du désir traverse les romans et les essais de Belinda Cannone, qui défend un féminisme universaliste dans la lignée de Simone de Beauvoir" écrivait ainsi le quotidien dans un tweet posté en 2018.
? #VendrediLecture Le thème du désir traverse les romans et les essais de Belinda Cannone, qui défend un féminisme universaliste dans la lignée de Simone de Beauvoir. https://t.co/W1w4Heka1T
— Le Monde (@lemondefr) 9 mars 2018