Des journalistes Sud-Coréens ont rencontré, en toute discrétion, Patrick Chauvel, grand reporter de guerre, fin janvier 2023 au Mémorial de Caen. Le Français est l'un des rares photographes à avoir couvert le "soulèvement de Gwandju" en 1980. Ensemble, ils retracent l'événement pro-démocratique le plus important de ce pays d'Asie pour un documentaire.

À la mi-mai 1980, le magazine hebdomadaire Newsweek et le quotidien New York Times appellent Patrick Chauvel pour qu'il se rende en urgence en Corée du Sud. Ce grand reporter de guerre, pionnier du Prix Bayeux Calvados-Normandie, travaille régulièrement avec le Mémorial de Caen où se trouve son fonds d'archives. À l'époque, il vit à Paris. En à peine quelques heures, il s'envole pour couvrir l'événement pro-démocratique le plus important de ce pays d'Asie : le soulèvement populaire de Gwangju. 

Le photographe arrive dans ce pays qui est entre les mains du dictateur Chun Doo Hwan. Les activités politiques y sont interdites, la censure de la presse règne, certaines universités ont fermé leur porte. La loi martiale est mise en place, l'armée assure le maintien de l'ordre. Mais en parallèle, les mouvements démocratiques, surtout parmi les étudiants, se multiplient et s'intensifient.

Seuls deux journalistes français témoins du soulèvement

Seuls deux journalistes étrangers, tous les deux Français, ont réussi à rentrer dans la ville : "L'armée nous a demandé de rester dans un hôtel précis et de ne pas sortir". Mais ce fameux 18 mai 1980, des centaines de milliers de personnes descendent dans les rues de Gwangju, haut lieu traditionnel de la contestation, pour protester contre le coup d'État militaire du général Chun Doo-hwan et l'instauration de la loi martiale. Face à la révolte, l'armée attaque. Les deux journalistes ne veulent pas rester enfermés, ni se cacher. Ils décident de désobéir et vont sur le terrain pour prendre des photos. 

"Beaucoup d'étudiants ont été tués, des prisonniers ont disparu"

Patrick Chauvel

Grand reporter de guerre

Le bilan officiel décompte 160 morts et 70 disparus dans la répression qui fut conduite par l'armée pendant une dizaine de jours. Mais certaines organisations avancent que trois fois plus de personnes pourraient avoir péri. Durant trois jours, Patrick Chauvin prend des photos de cet événement qui marquera à jamais au fer rouge l'histoire de la Corée du Sud. Il ne ramènera que quelques clichés qu'il vendra à la presse.

Des citoyens coréens à la recherche de leur visage sur les photos

Mais 40 ans après "le massacre de Gwangju", des citoyens et témoins qui ont participé au soulèvement, sont à la recherche de photos de cette partie de l'histoire. Alors des journalistes coréens font de longues recherches. Ils découvrent que deux journalistes français étaient sur place, dont Patrick Chauvin. Ils le contactent, découvrent ses photos et décident de diffuser les photos à la télévision et par voie de presse. Plusieurs personnes se voient sur les clichés, d'autres reconnaissent des personnes disparues.

Alors, les journalistes coréens veulent aller plus loin. Ils se renseignent sur ce grand reporter de guerre qui a couvert les conflits les plus importants qui ont éclaté ces 50 dernières années. Guerre du Vietnam, conflit israélo-palestinien, bataille de Mossoul en Irak ou encore, plus récemment, la guerre en Ukraine, les journalistes veulent voir Patrick Chauvel. Le 31 janvier 2023, ils le rencontrent, en toute discrétion, au Mémorial de Caen : "Nous travaillons sur un documentaire pour les 40 ans du soulèvement de Gwangju, nous voulions voir le travail de M. Chauvel et qu'il nous raconte ce qu'il a vu et vécu" explique l'un des journalistes sud-coréens, "Les photos de cet événement sont rares, les personnes qui y ont participé voulaient voir leur visage. Grâce aux photos de Patrick Chauvel, ils peuvent prouver qu'ils étaient au coeur de ce mouvement démocratique."

Un documentaire coréen sur les photos de Patrick Chauvel

De son côté, Patrick Chauvel, touché et ravi de participer à ce documentaire inédit, peut aussi mettre des noms sur des visages qu'il a pris : "Je ne savais pas qui étaient ces gens, au milieu des combats, je n'ai pas eu le temps de demander leur nom". Tous se passent des informations en regardant les photos : 

"J'ai pris en photo un couple qui est prisonnier dans un bus, une jeune fille et un homme âgé avec des lunettes, je ne savais pas qui ils étaient. Et là, j'apprends que c'étaient des personnes importantes et on ne les a jamais revus"

Patrick Chauvel

Grand reporter de guerre

Des Coréens qui ne veulent plus uniquement se remémorer, mais se revoir à travers des photos rares de cette partie de l'histoire de la démocratie de la Corée du Sud. Ils veulent aussi prouver que des personnes disparues à l'époque étaient bel et bien présentes lors du soulèvement de Gwandju en ce 18 mai 1980. À travers ce documentaire, diffusé le mercredi 17 mai 2023, à la télévision coréenne, les journalistes veulent raconter cet événement dramatique avec plus de précisions : "C'est une façon de faire avancer l'histoire de notre pays, de montrer la vérité".

Pour Patrick Chauvel, raconter ce qu'il a vu sur place et montrer ses photos à la télévision coréenne : "C'est juste formidable. C'est un hommage pour toutes ces personnes pour lesquelles le soulèvement de Gwandju a été le combat de leur vie".

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