Érigé à Omaha Beach (Calvados) pour le 60e anniversaire du D-Day, l'ensemble sculptural monumental, créé par Anilore Banon en 2004, a maintenant une réplique au War Memorial de Grosse Pointe, dans le Michigan (États-Unis).
"Les Braves" ont traversé l'Atlantique. Une réplique de la sculpture monumentale d'Omaha Beach, créée par Anilore Banon en 2004, pour les 60 ans du débarquement des Alliés en Normandie, sera inaugurée le 25 mai 2023, au War Memorial de Grosse Pointe (Michigan), sur les bords du lac Sainte-Claire.
Né 19 ans après son aîné de Saint-Laurent-sur-Mer (Calvados), ce jumeau de la banlieue de Détroit, est le fruit d'un heureux concours de circonstances. "Mon intention de départ a toujours été de recréer cette œuvre, pour lui donner une correspondance de l'autre côté de l'Atlantique", confie Anilore Banon, qui axe notamment son travail sur le lien entre les peuples. "Quand j'ai été approchée par le War Memorial avant le Covid-19, pour réaliser "Les Braves II", j'ai immédiatement accepté, car le lieu est symboliquement adapté".
"Un hommage au courage"
"En 2004, je souhaitais faire un hommage au courage et transmettre aux jeunes générations cette idée, qui était peut-être vécue comme ringarde", poursuit la sculptrice. "Omaha Beach était une évidence, car c'est sur ces plages, et non dans un musée, que tant de jeunes ont perdu la vie pour sauver l'honneur et la liberté". Un modus operandi qui a séduit le War Memorial de Grosse Pointe, situé à plus de 6 000 kilomètres des plages du D-Day. "Nous avons été attirés par l'œuvre d'Anilore Banon parce qu'elle représente l'esprit de service et de sacrifice qui a poussé l'Amérique et les alliés occidentaux à vaincre le fascisme mondial pendant la Seconde Guerre mondiale", explique l'établissement américain.
Légèrement plus petite que l'originale, pour des raisons de coût et de transport, la sculpture "Les Braves II : At Water's Edge [au bord de l'eau]", reprend les thématiques d'espoir, d'élévation, de liberté ou encore de fraternité, chères à Anilore Banon. "C'est une sculpture évidemment une, mais aussi en trois parties", avance-t-elle. "Les éléments du centre ressortant du sable incarnent l'éternité du sacrifice, qui nous donne la liberté aujourd'hui. Sur les côtés, les voiles sont aussi des lames, représentant les peuples qui ont permis ensemble cette libération".
"Les Braves II sur notre campus marquera le Midwest industriel qui a été "l'arsenal de la démocratie" des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale", ajoute le War Memorial, précisant que durant le conflit, la région a fourni une grande partie du matériel, de l'équipement ainsi que des citoyens américains et canadiens, qui ont débarqué en Normandie, le 6 juin 1944.
De Cherbourg au Michigan
Pour construire l'ensemble sculptural de 15 morceaux en inox duplex, d'un poids total de 11,5 tonnes et de plus de 7 mètres de hauteur, Anilore Banon a fait, comme en 2004, appel à l'expertise des Constructions mécaniques de Normandie (CMN). Spécialisée dans les bâtiments militaires, l'entreprise de construction participe sporadiquement à la fabrication d'œuvres d'art, comme le kiosque à musique de l'Américain Frank Stella, anciennement situé à Cherbourg-en-Cotentin.
Une relation forte s'est depuis nouée entre Anilore Banon et les CMN, avec entre autres, une collaboration au projet Vitae, consistant à envoyer une sculpture de l'artiste sur la Lune, "gravée d’un million d’empreintes de main, collectées sur toute la planète, en symbole d’une humanité rassemblée". Alors qu'en 2004, une réflexion sur la résistance de l'œuvre aux houles et aux marées avait été nécessaire, "les Braves II" a été conçu pour résister aux importants écarts de température entre l'été et l'hiver dans le Michigan. "On a connu quelques péripéties sur la durée", révèle Antony Léger, responsable des projets spéciaux et de la sous-traitance aux CMN. "Les prix de la matière première ont explosé par rapport à notre devis initial. Nos fournisseurs ont fait effort car c'était lié à une œuvre pour la paix".
Les délais de production ont toutefois pu être tenus. "On a commencé au mois de septembre et on a terminé juste avant Noël 2022", continue Antony Léger, ajoutant que les envoyés du War Memorial, en visite dans la Manche, ont été surpris par l'avancée de la conception. Après 7 000 heures de travail et un "ballet" entre des "équipes extraordinaires", selon Anilore Banon, la sculpture a quitté le port de Cherbourg mi-février, pour celui de New York, avant qu'un convoi ferroviaire achemine le tout jusqu'à Livonia (Michigan).
"Les Braves" remis à l'honneur le 1er avril, à Omaha Beach
L'arrivée au War Memorial s'est finalement faite le 28 février 2023, pour trois jours d'installation. "La zone entourant les fondations a été excavée sur une profondeur de deux mètres", explique le War Memorial par la voix de Bill Hidinger, chef de projet pour "Les Braves II". "Ensuite, 30 centimètres d'agrégat de pierre compacté ont été placés, et quatre piliers hélicoïdaux en acier pour chaque fondation ont été forés à environ 7,5 mètres dans la terre pour supporter la charge des fondations en béton et des éléments de la sculpture". Et de poursuivre : "Enfin, 35 centimètres de sable de plage seront placés autour de la base de la sculpture pour dissimuler les éléments structurels".
Il ne reste plus alors qu'à aménager l'espace dans la zone de la sculpture, pour une inauguration prévue le 25 mai prochain. Une date qui n'a été pas choisie au hasard car quatre jours plus tard aura lieu le Memorial Day, un jour férié rendant hommage aux militaires américains décédés au combat. Si Anilore Banon sera évidemment présente dans le Michigan, la sculptrice nous donne rendez-vous dès le 1er avril à 15h, à Omaha Beach, pour une cérémonie de rénovation des "Braves". "C'est fondamental de continuer à transmettre la mémoire car il y a de moins en moins de vétérans", conclut-elle, toujours en quête de créer du lien entre les générations, "à une époque où on a tellement besoin d'être ensemble, pour régler des problèmes globaux".