L'écrivaine normande et rwandaise, Scholastique Mukasonga, s'apprête à recevoir le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes. Est-elle pour autant une féministe ? Pour le 8 mars, elle nous donne sa vision sur l'avancée du droit des femmes : la charge mentale doit s'alléger.
"Quand on m'a annoncé que j'étais retenue pour ce prix, au-delà de la joie immense qu'apporte une reconnaissance de son travail, je me suis vraiment demandée si j'étais féministe comme Simone de Beauvoir, vraiment? ", raconte passionnée "Schola" (c'est comme ça qu'on l'appelle au Rwanda et dans sa famille).
Et puis, ça devient une évidence. Oui Scholastique Mukasonga a toujours mis les femmes au centre de ses romans. Et oui, elle a toujours défendu la liberté des femmes à travers ses personnages.
Au Rwanda, les femmes sont si fortes. Elles ont encaissé les pires violences pendant le génocide mais ce sont elles qui ont relevé le pays : "aujourd'hui elles sont partout à égalité avec les hommes dans les ministères et même à l'assemblée où elles représentent 60% des élus."
Scholastique Mukasonga, à 61 ans ans, recevra au mois de mai prochain le prix 2021 Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes. Il est remis chaque année, le 9 janvier, jour de naissance de la grande dame. Mais à cause de la pandémie, la cérémonie a été reportée à plus tard. Elle aura lieu le lundi 31 mai 2021, à la Maison de l’Amérique latine, à Paris.
Publiée par Scholastique Mukasonga sur Lundi 15 février 2021
Respect mutuel et bienveillance
"Il est vrai que, depuis, je fais un peu le bilan de tout ce que j'ai vu, vécu et entendu sur la question. Et je revois ma mère en Afrique, qui travaillait sans cesse. Elle allait au champ avec mon père et à son retour se dépêchait d'aller chercher de l'eau pour les enfants, faire à manger, etc. Et je me dis qu'aujourd'hui, encore, la pression mentale est toujours la même pour toutes les femmes", explique l'écrivaine qui adore malgré tout rester positive. "C'est pour ça qu'il faut se dire les choses entre hommes et femmes. Il faut exprimer sa souffrance à l'autre sans agresser. Si on n'est pas bien parce qu'on en fait trop, il faut le dire."
Maman de deux (très) grands garçons devenus des hommes, elle veille au grain. "Je dis toujours à mes fils que pour être respecté, il faut veiller à l'épanouissement de l'autre." Et aux femmes, qu'il ne faut pas blesser l'autre. Des deux côtés, tout passe par la bienveillance, le maître mot chez la plus normande des rwandaises. Les féministes dans le combat doivent aussi tendre la main, ne pas toujours montrer du doigt.
C'est pas normal qu'une femme soit occupée tout le temps. C'est une machine en activité. Le travail, la maison, les devoirs, le ménage, la cuisine, les activités des enfants, etc. On vole le temps des femmes. Elle courent toujours après. Les femmes aussi ont le droit à l'oisiveté.
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— Scholastiq_Mukasonga (@Mukasonga) August 21, 2018
Un lieu pour soi
Pour que ce droit à ne rien faire soit une réalité, "il faudrait que la femme puisse avoir un lieu bien à elle dans la maison. On court toujours après le temps. Il faut aussi partager les responsabilités, c'est indispensable pour se décharger."
Autant de détails qui prouvent que cette "liberté des femmes" n'est pas encore totalement acquise et qu'elle reste fragile. "Pour autant, le message ne passe pas si on est trop rigide. J'ai appris de mon histoire qu'il faut toujours faire passer la parole en douceur. L'harmonie est essentielle dans ce monde. Tendre la main plutôt que montrer du doigt."