Grippe, bronchiolite, covid, les patients affluent. A Caen, les adultes doivent appeler le 15 et ne plus se rendre directement à l'hôpital. Autant dire que ce week-end de Noël s'annonçait compliqué pour les équipes de "SOS médecins", qui assurent la permanence des soins. Rencontre avec des soignants débordés mais motivés.
Pour "SOS médecins", le menu de Noël s’avère copieux, long et même gargantuesque : un patient tous les quarts d’heure, des créneaux qui se remplissent à la vitesse d’un TGV et des malades «patients ».
A 19h, au lieu de prendre l'apéro en famille, ce trentenaire franchit la porte de « SOS médecins ». Il a de la fièvre et tousse « Je me suis levé à 5H du matin pour prendre RDV . Il faut être au taquet car les créneaux sont vite pris. Là je viens de voir le médecin, je suis content », explique-t-il, rassuré.
Et dire que d'habitude, le temps moyen pour obtenir un créneau est estimé à deux heures après l'appel. Alors, comment expliquent-t-ils cette suractivité, qui n'est pas seulement liée aux vacances des médecins traitants ?
A Noël, on a l'habitude de plus travailler, mais là, ça fait deux mois qu'on observe une affluence de patients dans nos cabinets
Docteur Hakan Balkan, qui travaille à "SOS médecins" à Caen
1- Explosion des pathologies
Première raison, de nombreux virus sévissent en même temps. Le docteur Balkan continue d'ausculter son patient qui se lève tôt. Ce dernier présente les symptômes suivants : fièvre, toux, courbatures et nez qui coule.
Il lui fait passer un test, capable d’indiquer s’il s’agit de la grippe ou du Covid. « En ce moment, neuf fois sur 10, c’est la grippe », observe-t-il.
On ne l'a pas vu pendant deux ans, et bizarrement, la grippe explose cette année. Elle a même pris de l'avance. Nous avons perdu l'habitude de se protéger et nous le ressentons, dans nos consultations.
Jean-Paul Karatchentzeff, Médecin-coordonnateur "SOS médecins" à Caen
Le docteur Balkan délivre son ordonnance, "Je vous ai prescrit du sirop contre la toux, mais vous n'en trouverez sûrement pas dans les pharmacies de Caen, qui sont toutes en rupture. Cela commence à être difficile de se soigner", prévient le médecin, qui donne également à son patient un courrier pour aller voir un spécialiste ORL. L'homme se plaint en effet de l'oreille depuis le mois de juin mais il n'a plus de médecins traitants. Apparemment il n'est pas le seul.
Au lieu de passer à table, le docteur Balkan détaille l'autre raison de cette recrudescence des consultations chez "SOS médecins".
2- Pénurie de médecins généralistes
"En deux ans, 10 généralistes ont cessé leurs activités et n'ont pas été remplacés à Caen. Les patients ont du mal à trouver un médecin traitant et viennent donc consulter chez nous, à SOS médecins. Le phénomène va d'ailleurs s'accentuer. D'après des études statistiques, nous serons dans le creux de la vague en 2028.", indique Hakan Balkan.
Même au sein de leur structure, la question du recrutement se pose. Le docteur Hakan travaille depuis quinze ans pour "SOS médecins", qui compte 27 docteurs. Et depuis peu, il constate aussi que leur rythme de travail peut être un frein.
Nous n'arrivons pas à attirer de jeunes médecins, qui n'ont pas forcément envie de travailler le soir, le week-end ou de faire des visites à domicile. Cela devient compliqué.
Hakan Balkan, "Sos Médecin"
3- La prise en charge des patients venant du "15"
La soirée se poursuit. Alors que les familles entament leurs chapons, Docteur Balkan part en visite pour ausculter une personne âgée, qui présente plusieurs pathologies. Son fils, inquiet, a composé le 15 pour s'entretenir avec un médecin régulateur.
C'est la nouvelle procédure depuis vendredi dernier pour désengorger les urgences. Le Samu coordonne la prise en charge et selon les cas, il fait appel à "SOS Médecins", qui a ouvert un créneau spécifique pour ces patients.
Cela rajoute du travail, c'est vrai, mais c'est important de participer à l'effort commun pour améliorer la prise en charge des patients. Certains se précipitaient aux urgences alors qu'ils n'ont rien à y faire. Il faut être solidaire avec nos collègues hospitaliers
le docteur Hakan Balkan
Il est minuit, l'heure du dessert. Hakan Balkan a fini sa permanence et rentre se coucher. En ce 24 décembre, lui et ses collègues n'ont pas arrêté de "bûcher" en soignant 350 malades. "On s'attend à en voir le double ce dimanche", le jour où le Père Noël est censé apporter des cadeaux.