"Quand on est libraire on a l’impression de n’être jamais coupé du monde", confie le responsable d’Au Brouillon de Culture à Caen

La fête de la librairie indépendante ou Sant Jordi se célèbre ce samedi 23 avril 2022. L’objectif : mettre en lumière et défendre le métier de libraire. À cette occasion nous avons rencontré le responsable de la librairie d’Au Brouillon de Culture à Caen.

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"Oui, on participe à la fête de la librairie indépendante, c’est le jour de la Sant Jordi. On offre une rose le 23 avril (…) maintenant un livre. C’est aussi la date de décès de l’un des plus grands écrivains de tous les temps pour moi, Cervantes", explique Laurent Layet. Assis à l’étage de la librairie, dans une salle qui servait, avant la crise sanitaire, à des rencontres littéraires et maintenant de bureau mais aussi de stock, le responsable d’Au Brouillon de Culture, située à Caen, parle beaucoup du fonctionnement d’une librairie, peu de lui. Il est toutefois possible de retracer quelques bribes de son parcours.

Cela fait 33 ans que ce rouennais d’origine travaille dans cet établissement du centre-ville de Caen. Etudiant en sociologie et philosophie à Paris, il n’était pas destiné au métier de libraire. Un temps enseignant en sociologie et philosophie dans une école d’ingénieur parisienne, il choisit finalement de rejoindre le monde du livre.

En 1989, il s’associe aux propriétaires d’Au Brouillon de Culture - Jean-Luc Simon et Thérèse Hooge - ouverte trois ans plus tôt, et démarre une carrière qu’il ne quittera plus. D’abord responsable du rayon Sciences Humaines, il devient ensuite co-gérant puis gérant de la librairie au départ de ses fondateurs. "Ce qui m’a plu, c’est son modèle. C’était une librairie universitaire, pour les étudiants, mais à l’entrée ils (les propriétaires ndlr) avaient monté un mur de littérature et ensuite il y avait les livres scolaires", détaille Laurent. Une audace, alors que la Fnac s’installait à Caen à la même période.

La librairie avait un potentiel, un bon esprit. Au départ, elle faisait une soixantaine de m2 avec trois salariés. Désormais, nous sommes à 18 salariés et 310 m2 de surface de vente.

Laurent Layet, responsable d'Au Bouillon de Culture à Caen

France 3 Normandie

"Elle est quatrième en terme de surface et de chiffre d’affaires dans la région", souligne celui qui est aussi président de l’association Normandie Livre & Lecture.

Libraire est un métier qui fait rêver. Selon Guillaume Husson, délégué général du syndicat de la librairie française (SLF), la profession suscite de nombreuses vocations et évoque même "un boom" : "Ce sont des personnes salariées en librairie qui se mettent à leur compte et des gens âgés de 35 à 50-55 ans qui viennent d’autres univers professionnels - des professeurs, des ingénieurs, des bibliothécaires - et qui créent des librairies."

Le quotidien d'un libraire

Or, le métier de libraire ce n’est pas être plongé le nez dans le livre toute la journée, loin de là. Laurent Layet détaille : "Réception des palettes par camion le matin, déballage des livres et rangement de 9h à 10h, avant l’arrivée de la clientèle, préparation des commandes des nouveautés, conseils aux lecteurs, préparation des commandes pour les bibliothèques. Les responsables de rayon consultent les ventes et choisissent ce qu’ils ont besoin de recommander ou commander. Le soir, c’est l’envoi des commandes. Moi je supervise un peu le tout, je fais la caisse, je fais pas mal le bouche-trou en réalité. En fin de semaine je me charge aussi de la gestion financière, des plannings… "

Des tâches qui ne le font pas regretter, le métier qu’il a choisi : "L’envie reste. Le cœur du travail c’est le livre et sa passion. L’envie d’en parler et de le promouvoir. J’adore ce métier." 

Quand on est librairie, on a l’impression de n’être jamais coupé du monde.

Laurent Layet, responsable d'Au Brouillon de Culture

France 3 Normandie

Un secteur peu rentable

En France, le secteur a bien traversé la crise sanitaire, reconnait le SLF. "En 2020 il y a eu une quasi stabilité et en 2021 nous étions à la hausse avec des librairies qui faisaient 20% de chiffre d’affaires en plus. Là, il y a un ralentissement, c’est-à-dire que nous revenons à des niveaux de 2019", précise le délégué général du syndicat.

Si l’activité se porte bien Guillaume Husson nuance toutefois, le secteur reste peu rentable : "Quand vous faites les comptes, on a beaucoup d’entreprises pour qui c’est très difficile. Pour être libraire il faut beaucoup de personnel. Si vous avez moins de personnel vous ne pouvez pas faire le travail comme vous le souhaitez. Les augmentations de salaires consécutives à la hausse du Smic, c’est l’équivalent du bénéfice annuel d’une librairie."

Pour le responsable de l’établissement caennais aujourd’hui le vrai danger pour les librairies indépendantes réside du côté d’Amazon. "Ce n’est même plus la Fnac car à la limite elle nous permet de garder les clients en ville. Mais Amazon, c’est 1 centime de frais de port ! Quand je vais envoyer un livre, on me demande 9.3 euros. L’objectif, aujourd’hui, est de continuer de se battre contre cet ogre-là."

Une concurrence que reconnaît le syndicat. "On est sur la même clientèle. Alors, la meilleure façon de résister est d’être bon dans son magasin. Le cœur du métier reste dans la relation humaine", réagit Guillaume Husson.

Pour preuve, Amazon ferme ses librairies aux Etats-Unis. Ils ont essayé mais ils ont rendu les armes. Libraire c’est un vrai métier, un beau métier.

Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la Librairie Française

France 3 Normandie

Au Brouillon de Culture, Laurent et son équipe ainsi que toutes les librairies indépendantes partenaires en France célèbreront leur fête, instaurée par Marie-Rose Guarniéri, de l’association Verbes. Chaque année, un livre est donné aux lecteurs à cette occasion. Pour cette édition, l’ouvrage offert est "On en garde 10 !" : à l’intérieur cinquante auteurs ont dressé une liste de dix de leurs livres préférés soit "un livre qui contient 500 livres", écrit en préface celle qui est également la fondatrice de la librairie des Abbesses à Paris.

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