Cet hélicoptère au fuselage atypique a assuré le transport de voyageurs entre Caen et Le Havre en passant par Ouistreham, Deauville et Honfleur. En 1958, il y a 65 ans, c'était un service "unique au monde". L'aventure aura duré le temps d'un été.
C'était un temps où l'aéronautique faisait encore rêver les enfants. L'époque croyait au "progrès". Elle souriait aux audacieux. En 1958, un entrepreneur pressent que le transport de l'avenir passe par les cieux. Jean Richard Deshais est le président d'Air Algérie. L'homme a un esprit pionnier. Il décide de créer "le premier service régulier français d'hélicoptère" entre Caen et Le Havre.
Les Courriers Normands, la Compagnie normande d'autobus et Transcar imaginent une ligne de transport en commun avec "des escales rapprochées". Décollage de Caen, arrêts à Ouistreham, Cabourg, Deauville et Honfleur, arrivée au Havre. Le dépliant publicitaire consultable sur le blog Aviation Le Havre vante cette ligne qui compte "6 hélistations sur 50 km".
Le 25 juillet 1958, la première rotation commerciale suscite la curiosité des Actualités filmées. La caméra saisit le décollage de cet hélicoptère birotor sur la prairie de Caen. Le Vertol 44 est la version civile d'un appareil militaire. Les armées l'ont utilisé pour le transport des troupes en Indochine, en Algérie et au Vietnam. Son fuselage incurvé lui a valu d'être surnommé "la banane".
Quatre heures de voiture pour un trajet Caen Le Havre...
Le commentaire enthousiaste du film d'actualités débute ainsi : "L'autobus, qu'on croyait attaché à la route, a pris une nouvelle forme. Il s'est fait volant et c'est en Normandie qu'il est né." Les passagers, chics et souriants, contemplent la plage de Deauville à travers le hublot. La banane volante promet une liaison Caen - Le Havre en quarante minutes, "gros avantage lorsqu’on sait que le parcours par route nécessite 4 heures".
Le voyage en automobile tient encore de l'épopée. La Nationale et les Départementales ne contournent pas les villes et les villages. Le bac est alors l'unique moyen de franchir la Seine. Le pont de Tancarville, toujours en chantier, ne sera inauguré qu'en 1959.
Le transport par hélicoptère était l'une des utopies de l'ère du tout pétrole. Il n'était évidemment pas encore question du réchauffement climatique. Toutefois, cette première expérience n'a pas eu le succès escompté. Le voyage était coûteux. Le blog Le Havre aviation a retrouvé un dépliant publicitaire avec les horaires et les tarifs. Il fallait quand même débourser 9000 anciens francs (l'équivalent de 175 euros aujourd'hui selon l'Insee) pour un aller-retour Caen - Le Havre et l'hélicoptère ne pouvait transporter qu'une quinzaine de passagers. La banane avait un gros défaut : elle n'était pas rentable.