Elle fut l'une des premières personnes testées positives à Bieville-Beuville. Nadine a eu la chance de ne pas tomber gravement malade, mais elle insiste sur le nécessité de rester confiné tant ce coronavirus est contagieux : "dans mon petit groupe de dix copines, nous avons toutes été contaminées".
Tout a commencé avec une sensation de fatigue et un peu de fièvre, presque rien. C'était le jeudi 5 mars. Cela ressemblait fort au classique syndrome grippal de l'hiver. "J'avais aussi perdu le goût et l'odorat". Sur le coup, Nadine n'y a guère prêté attention. Depuis, un médecin O.R.L. a établi un lien avec le Covid-19. Quelques jours passent. Le lundi 9 mars, six cas de coronavirus sont diagnostiqués à Bieville-Beuville.
Toutes les personnes contaminées ont en commun d'avoir assisté à un cours de gym. "Deux d'entre elles participent aussi à mon atelier de loisirs créatifs". Nadine prend aussitôt rendez-vous avec son médecin qui l'expédie au CHU de Caen. Le résultat s'avère positif. "Mais j'avais compris et je ne sortais déjà plus".
Une contagion vertigineuse
Les symptômes ont persisté pendant une dizaine de jours. Aujourd'hui, tout paraît rentré dans l'ordre "Mais je reste dubitative quant à ma guérison, insiste Nadine. Le corps médical ne sait pas encore nous dire si je peux encore contaminer quelqu'un. Quoi qu'il en soit, je ne sors pas sans masque et sans gants". À la maison, toutes les précautions ont été prises pour que son mari ne soit pas contaminé à son tour. Avec succès pour l'instant. Mais Nadine reste très vigilante. Sans doute n'est-elle pas la plus mal placée pour mesurer à quel point ce virus est contagieux.
"Le vendredi 6 mars, un de mes cousins est venu déjeuner à la maison. Le lendemain, il avait de la fièvre", raconte Nadine. Plus inquiétant encore : "le mardi 3 mars, nous étions dix à l'atelier de loisirs créatifs. Les dix ont été malades. Pas toutes en même temps, mais sans exception. Et pourtant, on avait déjà pris des précautions. Depuis deux semaines, avec tout ce qui se passait en Italie, on avait décidé de ne plus se faire la bise. On en riait un peu". Ce jour-là, rien d'inhabituel au programme. "Nous avons juste passé une ou deux heures assises autour de la table à s'entraider. Et on a pris un thé. Bref, la vie normale." Qui a contaminé qui ? D'où venait le virus ? Comment est-il arrivé jusqu'à Bieville-Beuville ? Mystère.
La fermeture des espaces publics décidée dès l'apparition des premiers cas a peut-être permis d'endiguer la propagation de la maladie. "Je connais au moins trente personnes qui sont touchées. Et j'en connais quatre qui sont hospitalisées". Depuis, le téléphone permet de rompre l'isolement, et de maintenir la cohésion du groupe. "Nous prenons des nouvelles entre copines. J'appelle régulièrement, et je suis appelée. C'est réconfortant."
Le téléphone pour s'épauler et rompre l'isolement
Le médecin a aussi régulièrement téléphoné. Le CHU de Caen aussi. "Ils ont tous été adorables. Ce suivi est sécurisant". Il y a quelques jours, Nadine a allumé une bougie sur le rebord de sa fenêtre en signe de gratitude.Mais dire merci au personnel soignant n'est pas suffisant. Il faut aussi les encourager. Et on a un devoir de réciprocité en respectant le confinement : je dois me protéger pour protéger les autres et me protéger des autres permet de me protèger.
Lorsque nous avions rencontré Nadine à la mi-mars, elle avait cité La Fontaine et sa fable Les animaux malades de la peste, inquiète de voir désignés des bouc-émissaires. Alors aujourd'hui, quelle est la morale de cette histoire ? "Il faut que nous réfléchissions à ce qui est en train de se passer, à nos comportements, à notre individualisme". En attendant, Nadine et ses "copines" se sont fait la promesse d'aller manger ensemble au restaurant Les deux-frères de Bieville-Beuville, une fois que la vie aura repris son cours normal. Mais ce n'est pas encore pour demain.