C'est une bonne élève qui a vécu, comme beaucoup d'autres, une année d'enseignement à distance. Fin avril, son dernier partiel en distanciel a été un vrai cauchemar : impossible de rendre sa copie à l'heure, faute de réseau. La panne est réelle mais l'Université de Caen-Normandie la sanctionne.
"Je ne sais même pas si je vais avoir un zéro ou autre chose. Rien n'est expliqué clairement dans leur refus. Je suis dépitée", explique Charlotte *, étudiante en deuxième année de psychologie à Caen, devant ces six lignes reçues le 12 mai, par mail. "Une commission composée du directeur de l'UFR, de la responsable du grade de licence et des enseignants coordinateurs de l'UE concernée s'est réunie le 7 mai. Après examen de l'ensemble des demandes, nous sommes dans le regret de ne pas accepter la copie que vous avez remise hors délai".
"Pour 40 minutes de retard justifié et indépendant de ma volonté, alors qu'on a fait de notre mieux pour l'envoyer malgré la panne, on me répond ça. Je ne comprends pas ce qui va m'arriver. On me donne un refus sans les conséquences qui vont avec. C'est très angoissant après une année comme celle qu'on vient de vivre, je n'avais pas besoin de cela", poursuit Charlotte, la gorge serrée.
La commission s'est donc réunie deux semaines après l'examen et la réponse lui est notifiée par mail cinq jours après. Beaucoup de questions se bousculent dans sa tête depuis un mois et font l'effet d'une cocotte-minute : va t-elle rater son année à cause de cette panne internet le jour de son partiel ? Si un zéro est retenu, quelles sont les conséquences sur sa moyenne générale et sur ses choix futurs ? Personne ne lui répond, personne ne lui explique rien. Elle se retrouve confrontée à un mur : celui de l'Université à distance. Heureusement, ses parents sont à ses côtés et la soutiennent.
C'est un fort sentiment d'injustice qui nourrit ma colère. Ce discours permanent sur le numérique décrit comme un formidable outil pour l'enseignement à distance ! Mais les accidents sont possibles et ne sont pas pris en compte. L'université peut communiquer sur le soutien qu'elle apporte aux étudiants dans cette année compliquée avec le distanciel. La réalité est bien différente
Un dernier partiel un jour de panne réseau
C'est vraiment "la faute à pas de chance". "Nous sommes trois régulièrement branchés toute la journée à la maison. Et ça ne pose jamais aucun problème de bande passante même si on n'a pas la fibre. Mais ce jour-là plus rien ne marchait en fin de journée, ni la box, ni le téléphone fixe, ni les téléphones portables", se souvient Gilles, le papa. "Ma fille a toutes les captures d'écran des messages d'erreur, faute de réseau." En effet, Charlotte était prête bien avant l'heure limite, mais ça n'a pas suffi pour la "sauver".
Vers 17 heures elle était prête à poster sa copie quand elle vient me voir pour me demander si j’ai du réseau car de son côté, black-out total : plus d’internet plus de téléphone ! Idem pour moi, ordi et portable étaient en berne. Ce jeudi 22 avril, en fin d’après-midi, des abonnés SFR et Bouygues résidant dans le Calvados, le Cotentin et la Manche se plaignent de ne plus avoir de réseau. Il y a même eu des articles dans le journal à ce sujet. Nous avons envoyé ces papiers à l'Université pour justifier notre bonne foi.
Son père et elle ont vécu deux heures d'enfer, cherché une solution mais à 25 km à la ronde, c'était pareil partout. On était comme coupés du monde, avec aucun moyen de communication. "Sa maman est arrivée de Caen en urgence avec sa 4G d'un autre opérateur. Mais une fois ici, elle n'avait plus qu'une barre, elle aussi. Impossible d'envoyer ce fichier trop lourd avec si peu de connexion. Pour la prévenir j'ai du aller dans un village assez loin et me faire prêter un téléphone, le seul du coin qui passait . On n'avait plus rien du tout à la maison et les voisins non plus !"
Ce 22 avril, la Manche Libre, fait bien état d'une panne importante. Le papier est publié à 17h57: "Ce jeudi 22 avril, en fin d'après-midi, des abonnés chez SFR et Bouygues résidant dans le nord-Cotentin, mais aussi dans le Saint-Lois, le Coutançais et l'Ouest du Calvados se plaignent de ne plus avoir de réseau."
Nous avons parcouru plusieurs dizaines de kilomètres en voiture avant de trouver un lieu connecté. Le temps de tout envoyer de la voiture et de gérer le stress, à 19h40, la copie de ma fille est enfin déposée sur le serveur de la fac. Ce n’est que le lendemain en fin de matinée que le réseau est rétabli.
D'autres étudiants ont-ils été touchés par cette panne internet du 22 avril ?
L'université qui a reçu tous les documents et preuves n'en tient donc pas compte et refuse toute excuse. Mais sont-ils les seuls à avoir été concernés parmi les étudiants de la région ce jour-là ? La panne a touché un large secteur : le Cotentin, le centre Manche et le nord-ouest du Calvados. "Si nous sommes plusieurs, on pourrait peut-être agir ensemble et être plus forts à plusieurs. Je n'ai aucun moyen de demander aux autres. Nous ne somme plus en cours depuis le mois d'octobre", explique Charlotte, très affectée par ce sentiment de solitude.
Cette réponse de l'Université de Caen Normandie fait naitre un sentiment d’injustice et d’abandon chez une étudiante impliquée et motivée. Cette réponse ne montre pas un accompagnement ni un grand soutien de la part de ses profs et de l’université.
Charlotte ne sait pas vers qui se tourner en attendant le 28 mai, date à laquelle elle doit recevoir son bulletin de note qui validera, ou non, son accès en troisième année de licence. Une mise à l'écart qui en rajoute à la sensation d'être une génération sacrifiée. Sans le Covid, la crise sanitaire et les examens à distance, la vie serait tellement plus simple.
*Le prénom a été changé par soucis d'anonymat