VIDÉO. Techno, house, trance, à Caen. Dans le sillage du festival NDK, la musique électronique se développe, mais manque encore de moyens

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Ladacore est un des nombreux collectif caennais qui organise des soirées électro intimistes, comme ici, fin aout 2022, quelquepart en Normandie.
Les musiques électroniques se sont définitivement fait une place dans le paysage culturel caennais. Tour d'horizon avec les acteurs locaux. ©France Télévisions

En une vingtaine d'années, la musique électronique a quitté la marginalité pour devenir une culture populaire. A Caen, cela se traduit par une croissance importante du nombre d'artistes et de collectifs et une attente forte du public. Coup de projecteur sur cette scène, sur sa vitalité et ses difficultés.

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Une poignée de semaine après la rentrée, depuis plus de vingt ans, les amateurs de musiques électroniques convergent vers le Cargö ou le parc expo à l’occasion du festival Nordik Impakt, aujourd’hui rebaptisé NDK. Un rendez-vous immanquable pour beaucoup, qui a entraîné dans son sillage de nombreux jeunes artistes et collectifs.

Tour d’horizon avec ceux qui font vivre (ou ont fait vivre) cette culture, chacun à leur niveau.

Une scène électro bien vivante

Mad Brains, Senary, Vunion, Super4, Ladacore… Des noms qui ne vous disent sûrement rien si vous avez plus de 30 ans et que pour vous les 12 coups de minuit sonnent l’heure de rentrer au bercail. Pourtant, ils sont le signe de l’incroyable vitalité de la scène électro caennaise, qui compte d’ailleurs de nombreux autres acteurs qu’il serait trop long de citer ici. Des premières soirées électro confidentielles dans les années 2000 aux nombreuses propositions de concerts et soirées chaque week-end ces dernières années, en une vingtaine d’années, la scène caennaise s’est considérablement développée.

“On parle aujourd’hui d’une “génération Nordik”. Ce festival qui s'appelle aujourd’hui NDK est un événement structurant qui a amené toute une scène à se développer. Aujourd’hui on a une scène qui est très jeune, des plus anciens, des nouveaux. Il y a beaucoup d’artistes et de collectifs et c’est grâce à ce temps fort.” Emmanuelle Dormoy - Maire Adjointe en charge de la culture - Caen

“J’ai vécu à Caen jusqu'à mes vingt ans, c’est ici que j’ai découvert la musique électronique, avec le festival Nordik impakt, c’est une ville qui a une histoire avec cette musique" Superpoze - Musicien - Paris

Il y a beaucoup de collectifs qui organisent plein de choses. Il y a aussi des labels qui voient le jour pour produire des artistes locaux. De notre côté, on essaie de proposer des événements de qualité et nous allons sortir plusieurs disques cette année” Thomas Franco - Président du collectif M.A.D Brains - Caen

Quand on voit le nombre de collectifs qui nous sollicitent pour organiser des soirées dans notre salle, on se rend compte de la vivacité de cette scène.

Gabriel Legrand - Portobello Rock Club - Caen

“Quand on voit le nombre de collectifs qui nous sollicitent pour organiser des soirées dans notre salle, on se rend compte de la vivacité de cette scène. Malheureusement, nous ne sommes pas une salle spécialisée dans la musique électronique, et nous sommes obligés de refuser beaucoup de propositions. Ici, nous programmons de la musique électronique une à deux fois par mois.” Gabriel Legrand - Portobello Rock Club - Caen

C’est donc une évidence, et personne ne dira le contraire : la scène électronique caennaise est en pleine expansion, mais selon Zélie Jeanne-Le Guern, qui fait partie du regroupement de collectifs Vnion, cette effervescence est encore fragile, par manque de moyens notamment.

Si rien n’est fait, j’ai peur que le mouvement s'essouffle.

Zélie Jeanne-Le Guern - DJ/productrice - Coprésidente de l'association Vnion - Caen

“ Ça va pas si bien que ça… Il y a beaucoup d’artistes qui produisent de la musique électronique à Caen, il faut qu’on cultive ça. Mais il y a un vrai manque de lieux et de moyens pour diffuser cette musique. Si rien n’est fait, j’ai peur que le mouvement s'essouffle." Zélie Jeanne-Le Guern - DJ/productrice - Coprésidente de l'association Vnion - Caen

Le Cargö : un acteur central qui ne peut pas être le seul interlocuteur

Entre l’organisation de NDK (qui fait partie du cahier des charge de la salle de concert), les soirées organisées tout au long de l’année, les infrastructures de répétition et l’accompagnement qu’il propose aux artistes, le Cargö tient une place importante dans le développement de la scène électro. Mais la structure qui est au centre de la politique culturelle municipale se doit d’accompagner l’ensemble des musiques actuelles et ne peut pas se consacrer uniquement aux musiques électroniques.

Pour moi, le Cargö a une place très importante, j'y suis d’abord allé en tant que spectateur, puis ensuite j'y ai trouvé un lieu pour travailler, expérimenter.

Superpoze - Musicien - Paris

"Évidemment, le Cargö est ouvert aux collectifs de musique électronique, mais notre cahier des charges nous impose de programmer toutes sortes de musiques actuelles. Nous devons faire de la place à toutes les esthétiques. Par contre, le Cargö, ce n'est pas qu’une salle de concert, c’est aussi des studios, un accompagnement pour les artistes électro. On essaie aussi de mettre en relation les acteurs locaux avec les acteurs nationaux, ça aussi c’est un enjeu fort.” Jérémie Desmet - Directeur du Cargö et de NDK Festival - Caen

Un absence criante de lieu dédié entièrement à l’électro

Le quartier libre” à Rouen, l'ouverture récente du “Club Calypso” au Havre prouvent que l'émergence de lieux indépendants dédiés la musique électronique est possible dans les villes de la région. Pourtant, à Caen une telle initiative manque cruellement alors que la vitalité de la scène ne fait plus de doute. Après la fermeture de plusieurs bars de nuit, il devient difficile de trouver des lieux pour se produire plus régulièrement et dans de bonnes conditions pour les différents collectifs. Un constat partagé par tous.

“Il y a beaucoup de collectifs qui souhaitent organiser des événements, et peu de lieux qui peuvent les accueillir. Il y a plusieurs lieux qui ont fermé ces dernières années. C’est dommage et ça crée un phénomène d’embouteillage.” Thomas Aguirregabiria et Ludovic Jumel - Collectif Ladacore - Caen

Aujourd’hui, le problème numéro un pour nous, c’est l’absence d’un lieu géré par des gens qui comprennent vraiment notre secteur d’activité et nos enjeux artistiques.

Thomas Franco - Président du collectif M.A.D Brains - Caen

“Aujourd’hui, le problème numéro un pour nous, c’est l’absence d’un lieu géré par des gens qui comprennent vraiment notre secteur d’activité et nos enjeux artistiques. L’idéal, ce serait une salle pouvant accueillir entre 300 et 400 personnes avec une ouverture hebdomadaire. La mairie nous a sollicité, nous avons répondu à leur demande en proposant un projet, mais nous n’avons pas de nouvelles” Thomas Franco - Président du collectif M.A.D Brains - Caen

“Effectivement, il manque un lieu dédié à cette musique, on y réfléchit. Pourquoi pas sur la presqu'île ? Ça restera une initiative privée, mais on pourrait trouver un accord sur la mise à disposition ou la réhabilitation d’un bâtiment. C’est vrai qu'aujourd'hui, on est en décalage avec la vitalité créative de cette scène et la possibilité d’expression de ces artistes. J’en parle régulièrement avec les collectifs, mais pour l’instant nous n’avons pas de solution.” Emmanuelle Dormoy - Maire Adjointe en charge de la culture - Caen

"Dans toutes les concertations ou les discussions qui peuvent avoir lieu, le problème d’un lieu revient toujours. A l’occasion des élections municipales, les collectifs ont d’ailleurs adressé un manifeste aux différents candidats dans lequel ce sujet était abordé. Il n’y a pas vraiment eu de réponse. Pourtant, les collectifs d’artistes ne pourront pas porter seuls un projet d’ouverture de salle. Il faut vraiment développer une politique de la vie nocturne à Caen." Jean-Claude Lemenuel - Directeur du FAR Agence Musicale Régionale - Caen

Une équipe municipale sensible au sujet et des élus qu’il faut encore convaincre

Avec une longue histoire de culture “underground”, alternative, on a tendance à penser que la musique électronique et les institutions ne font pas bon ménage. Ca n’est pas complètement faux, en témoigne l’histoire en dents de scie du festival Nordik Impakt, mais c’est une affirmation qui mérite d’être tempérée. Aujourd’hui, la culture techno est définitivement sortie de la marginalité et les collectifs échangent de plus en plus avec les autorités.

Aujourd’hui, un dialogue s’est instauré avec certains collectifs. La ville peut être un partenaire.

Emmanuelle Dormoy - Maire Adjointe en charge de la culture - Caen

“C’est une scène qui n’a pas forcément le réflexe d’un dialogue avec l’institution, au vu de son importance, j’ai voulu les rencontrer. Aujourd’hui, un dialogue s’est instauré avec certains. La ville peut être un partenaire. Aujourd’hui l'intégralité de nos fonds dédiés aux musiques actuelles passent par le Cargö, après on essaie d’intervenir "à la marge”, en mettant des lieux à disposition par exemple.” Emmanuelle Dormoy - Maire Adjointe en charge de la culture - Caen

“De notre côté, le dialogue passe bien. Quand on prépare un événement, il faut naturellement faire les choses dans les règles, bien préparer les dossiers de sécurité par exemple. Si on rentre dans les cases, tout est possible, nous n’avons jamais essuyé de refus d'autorisation de la part de la mairie, ni de la préfecture" Thomas Franco - Président du collectif M.A.D Brains - Caen

“On voit bien qu’il y a une forme d’attention de la part de l’équipe municipale, mais passer de l’attention à la compréhension, il y a une première étape à franchir et il faut ensuite passer de la compréhension à la volonté d’agir. Pour moi aujourd’hui, l’action de la mairie manque de projets concrets. Ne pas interdire, c’est bien, mais accompagner, aider, c’est mieux” Jean-Claude Lemenuel - Directeur du FAR Agence Musicale Régionale - Caen

Ce qui est sûr, c’est que le dialogue avec les autorités est primordial. C’est encore compliqué, on doit gagner la confiance des élus.

Thomas Aguirregabiria et Ludovic Jumel - Collectif Ladacore - Caen

“Nous n’avons jamais organisé d'événements à Caen, mais ce qui est sûr, c’est que le dialogue avec les autorités est primordial. C’est encore compliqué, on doit gagner la confiance des élus. C’est une étape qui prend beaucoup de temps, car au départ les municipalités sont souvent réticentes à nous accueillir, mais quand on explique qui on est, ce qu’on va faire, il n’y a plus de craintes ni d'a priori et ça se passe très bien.” Thomas Aguirregabiria et Ludovic Jumel - Collectif Ladacore - Caen

Pour aller plus loin, trouver des solutions et mieux accompagner les artistes et les collectifs, le Cargö s’est associé avec Technopol, une association nationale qui travaille sur le développement de la musique électronique.

“Pour 10 projets à Paris, il y en a 100 en région. Aujourd’hui nous bénéficions d’une reconnaissance qui nous permet d'être accompagnés par les institutions et notamment le Ministère de la culture. Ce dont on a besoin aujourd'hui, c’est d'être au plus proche des acteurs locaux. Quand on ouvre une antenne locale, ce qu’on essaie de mettre en place à Caen, on développe un programme d’actions de formation, d’accompagnement, de représentation des acteurs locaux en fonction de leurs besoins spécifiques.” Tommy Vaudecrane - Président de l'association Technopol - Paris

A Caen, la musique électronique est donc bien vivante, les artistes sont nombreux et le public répond présent lors des différents événements. C’est d’ailleurs une satisfaction pour la mairie :

“Ça montre que nous avons une jeunesse qui est en forme et qu’elle est inventive.” Emmanuelle Dormoy - Maire Adjointe en charge de la culture - Caen

Pour en savoir plus sur les artistes caennais, vous pouvez aller jeter un œil sur le site du collectif Mad Brains et écouter leur podcast MBPM, écouter Radio 666 le mardi à 22h ou encore consulter le blog Cave Caenem. Pour découvrir l'univers musical de Zélie Jeanne-Le Guern, c'est ici et celui de Thomas Franco alias Ethereal Structure, c'est ici.

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