Depuis trois semaines, un vent d'est sec souffle sur la Normandie. Ces conditions météo inhabituelles pour la saison impactent les cultures. Dans le Cotentin comme dans le Calvados, les maraîchers doivent s’adapter à cette nouvelle contrainte qui freine le développement de leurs légumes.
Il a semé ses graines de carottes il y a deux semaines, mais elles ne germent pas. Dans son champ d’Anneville en Saire (Manche), William Legrand connaît le responsable : « Le vent a desséché le haut de la butte de terre. Or, les graines sont semées à deux ou trois centimètres seulement, et elles ont besoin d’humidité pour germer » explique le maraîcher. Toutes les cultures ne sont pas impactées, à quelques pas de là, les poireaux eux se portent plutôt bien.
Plus au sud, dans la plaine de Caen (Calvados), Sophie Dhoine fait le même constat pour ses carottes. Ne voyant rien venir au bout de deux semaines, la maraîchère en permaculture s’est résignée à semer une deuxième fois les graines au même endroit.
Même opération pour les courges : « Nous les avions semées fin avril-début mai. Mais la terre a été desséchée par un vent glacial. Résultat, on a dû tout ressemer cette semaine, mais cette fois dans des godets, que l’on mettra en terre une fois que les plants auront germé. »
Semer et ressemer : c’est un double investissement qu’on est obligés de mettre en terre cette année !
Sophie Dhoine, maraîchère à Cintheaux (14)
Carottes, panais, pommes de terre, asperges... presque tous les légumes de Sophie accusent un retard cette année, dû à ce vent d’est et aux nuits glaciales du mois de mai. Sans explication, les artichauts et la rhubarbe ont quant à eux bien résisté.
S’adapter aux aléas de la météo, c’est le lot des agriculteurs. Mais Sophie Dhoine fait partie de ceux qui constatent le changement climatique depuis plusieurs années et choisissent de s’adapter. Cette année d’ailleurs « les bons légumes de Sophie » expérimente les fruits exotiques : un jeune verger d’arbres fruitiers venus d’ailleurs a été planté. Et le premier constat de Sophie Dhoine est étonnant : « Les fleurs de grenadiers et de pistaches sont arrivées en même temps que celles des coings ! Les arbres exotiques semblent ne pas avoir souffert du vent ! »
Dans ses champs à Cintheaux, la maraîchère cultive les expériences et le partage. Ce samedi, elle reçoit la visite d’une association venue de Côte d’Ivoire. « Ils s’intéressent à nos techniques d’agriculture, mais moi aussi j’ai des questions à leur poser. Je vais par exemple les interroger sur la patate douce, car elles ont également souffert du vent sur mon exploitation. Et puis comment font-ils face à la sécheresse ? »
En plantant ses arbres exotiques en Normandie, Sophie Dhoine avait en tête l’exemple « de la Corrèze qui supprime ses pommiers pour planter des amandiers. Je me demande jusqu’où on peut aller avec le changement climatique. »
En attendant d’avoir ces réponses, les maraîchers normands doivent sauver leurs cultures de cette année. William Legrand attend que le vent se calme pour que ses carottes germent enfin. « Pour l’instant on ne s’affole pas mais pour les carottes ça ne démarre pas trop bien. Théoriquement à partir de ce week-end le vent va se calmer, et on va peut-être avoir quelques millimètres d’eau. »
Si le vent semble s’être calmé ce vendredi, Météo France annonce certes de la pluie pour les prochaines heures, mais sous forme d’orage : la Manche, le Calvados et l’Orne sont en vigilance jaune orages pour la soirée et la nuit. Pas sûr que ce soit une bonne nouvelle pour les cultures.