Dans cette commune, pourquoi l'argent liquide fait de la résistance

Face à la fermeture croissante des guichets bancaires, des mairies prennent l'initiative d'installer des distributeurs de billets indépendants dans leur commune. En investissant dans ce service payant, elles garantissent l'attractivité des commerces de proximité.

Il n'est pas rare de croiser des riverains tout sourire, en face d'un conteneur maritime, à Carpiquet (Calvados). Camouflé derrière un trompe-l’œil en pierre, le petit local abrite le premier distributeur de billets de la commune de 3 133 habitants.

Dix ans d'attente

"Ça va bien nous aider ! On n'avait pas de solution de retrait à l'ouest de Caen", se réjouit, un peu pressé, Christophe Chantreuil. Il évite un trajet en voiture jusqu'à la zone industrielle la plus proche, à onze kilomètres de chez lui, pour retirer du liquide. "Il servira pour les cadeaux de Noël", sourit-il, en brandissant un billet de 50 euros.

Une boulangerie, un bar-tabac, un bureau de poste, des brocantes et un marché de Noël ; il ne manquait presque plus rien à Carpiquet, située en périphérie de Caen. Si ce n’est ce distributeur automatique de billets (DAB), inauguré début décembre sur un carrefour passant du centre-ville, après dix années d'attente.

Le liquide résiste dans les commerces

L'arrivée de l'automate était très attendue des commerçants et des riverains. Près de 26 000 euros ont été retirés la première semaine de mise en service.

Les petites sommes, dans les commerces, pourront désormais être réglées en liquide. "Il faut être honnête, nous avions des frais bancaires importants car nous n'appliquons pas de minimum pour payer en carte", confie Fanny Levesque, fleuriste à Carpiquet, derrière son comptoir.

De l'autre côté du carrefour, le gérant de la fromagerie Miam, juge même ce service "indispensable". "On a des clients qui sont contents de pouvoir payer en espèce, souligne Kévin Coquière. Certains viennent avec leur enveloppe de billets pour pouvoir contrôler leurs dépenses plus facilement."

Certains clients viennent avec leur enveloppe de billets pour pouvoir contrôler leurs dépenses plus facilement.

Kévin Coquière, gérant de la fromagerie Miam

Selon la Banque centrale européenne, un paiement sur deux en magasin se fait en liquide dans l'hexagone. “Une part qui reste significative, même si la part de marché des espèces régresse avec le développement du e-commerce et des solutions de paiements numériques", explique Christophe Baud-Berthier, directeur des affaires fiduciaires à la Banque de France.

Des automates vendus "clés en main"

En vue de rendre le centre-ville "attractif”, la mairie de Carpiquet a tenté d’y attirer des commerces dès 2008, puis des banques, sans succès. "Nous nous sommes heurtés à leur refus catégorique parce que nous nous situons trop près des distributeurs implantés à Caen", explique Pascal Sérard, le maire, l'air dubitatif.

La solution vient finalement d’une entreprise suédoise, Loomis. Ce convoyeur de fonds propose aux collectivités d'installer des automates vendus "clés en main" dont il assure la maintenance. Le coût mensuel varie entre 200 et 1 200 euros TTC, en fonction du nombre de retrait effectué. Il faut ajouter à cela le prix de la machine, fixé à 40 000 euros.

« Dès lors qu’on installe un distributeur dans une commune, on observe une augmentation du chiffre d’affaires des commerces à proximité. Un billet est dépensé dans l’environnement dans lequel il est retiré », argue Pierre-Yves Locatelli, directeur commercial de Loomis France.

En trois ans, la société a installé 160 automates en France, dont plus de 76% se situent dans des collectivités locales.

Un investissement pour les mairies

Si la commune normande dispose du lieu "idéal" –  au croisement de deux routes départementales, d'une zone industrielle et de l'aéroport de Caen-Carpiquet –, pour garantir un minimum de retraits au distributeur, ce n'est pas le cas de toutes les villes.

"Il n’y a pas de nécessité à être une commune riche pour obtenir un automate. On sait juste qu'il faut avoir au moins 1 000 habitants pour générer un certain trafic et une rentabilité. Une participation des régions peut aider à le financer", défend le directeur commercial de Loomis France. 

Il faut avoir au moins 1 000 habitants pour générer un certain trafic et une rentabilité.

Pierre-Yves Locatelli, directeur commercial de Loomis France

D’après les chiffres de la Banque de France, on dénombre 46 249 distributeurs bancaires à la fin 2022, soit un recul de 3,4% par rapport à 2021. Les communes d'au moins 10 000 habitants sont les plus touchées par leur fermeture. 

Une brèche investie par des sociétés à l'activité florissante – comme Loomis, Brinks et Euronet –, qui possèdent 571 DAB indépendants à eux trois, soit 1,2% du parc.

"Il y a cinq ans, aucune société de transports de fonds ne commercialisait d'automates. Les distributeurs ont longtemps appartenu uniquement aux établissements de crédit et aux banques qui les possèdent encore essentiellement", tempère Christophe Baud-Berthier.

Peu importe son coût, "ce service vaut vraiment ce qu'on investit dedans", assure le maire de Carpiquet. Le premier bilan aura lieu fin décembre. La mairie attend au moins 3 000 retraits ce mois-ci : "on va voir si on tient notre objectif ou pas"

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