En septembre débutera la 50e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville. Retour sur la création de l'événement et les étapes qui ont marqué son histoire.
Qui pouvait imaginer que Deauville deviendrait un haut lieu du cinéma international ? Difficile d'envisager que la station balnéaire associée aux chevaux et aux casinos créerait son propre festival de cinéma... Pourtant, la ville avait quelques prédispositions.
En septembre prochain, du 6 au 14 septembre, le Festival du Cinéma Américain de Deauville célébrera sa 50e édition. L'occasion de revenir sur son histoire, sa création, ses figures importantes et l'empreinte laissée sur la ville.
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— Festival de Deauville (@DeauvilleUS) June 25, 2024
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1974 : cinq figures fondatrices
Avant même d'imaginer un festival, un lien existait entre les Etats-Unis et Deauville. "La station balnéaire était déjà le lieu de vacances dès 1924, de nombreux acteurs hollywoodiens...", atteste Philippe Normand, conseiller culturel de Deauville. Trente ans plus tard, un homme, André Halimi, journaliste cinéma et rédacteur en chef de l'hebdomadaire Pariscope ambitionne de créer un festival en France autour du cinéma américain. Il fait le tour des villes de France, il va notamment à Biarritz pour proposer son idée, sans succès...
À Deauville par contre, le maire, Michel d'Ornano se montre plus enthousiaste et compréhensif. "Il a la volonté de dynamiser la station balnéaire qui est endormie en dehors de la période estivale, qui se termine le dernier dimanche d'août avec le grand prix hippique de Deauville", explique Yves Aublet, historien de Deauville. Ce projet est vu par le maire qui est alors aussi député, comme l'occasion de prolonger la saison estivale d'une semaine. L'idée fait également sens auprès de son épouse et future maire de la ville, Anne d'Ornano. Cette dernière a en plus, un attachement particulier à l'Amérique, "elle y a passé son adolescence, parle très bien l'anglais et apprécie énormément le cinéma", ajoute le passionné d'Histoire.
Des discussions s'ensuivent entre le maire et Lucien Barrière, PDG du groupe qui porte son nom, et qui détient casinos et prestigieux hôtels. L'événement est considéré par les deux acteurs comme un enjeu économique et ils décident de le financer. "Il ne manquait plus qu'un organisateur !, déclare Philippe Normand. À l’époque, il n'y avait pas de service culturel à la mairie. Ils se tournent donc vers Lionnel Chouchan qui a déjà porté un festival de cinéma, puisqu’il a créé celui d'Avoriaz".
1975 : Deauville l'Américaine
Après moins d'une année de réflexions et d'échanges, le festival est officiellement annoncé le 29 avril 1975 à Paris devant la presse. La première édition a lieu quelques mois plus tard, du 2 au 8 septembre. Un comité de parrainage est créé, constitué de vingt personnalités en lien avec le cinéma ou la presse comme le réalisateur Claude Lelouch et le journaliste Philippe Labro. Un train est même affrété spécialement pour amener tous les invités à Deauville.
Lors du dîner d'ouverture, il y a des drapeaux américains partout et les serveurs sont déguisés en cow-boy, de grandes tentes sont dressées. "500 invités répondent présents, des artistes majoritairement français, il y a Marie Laforêt, Henri Salvador et bien d'autres", commente Philippe Normand.
Cinq salles de diffusion dans des hôtels, casinos et dans le cinéma emblématique le Morny sont mises à disposition pour diffuser les 36 longs-métrages. Le tout premier, visionné lors de ce festival est La réincarnation de Peter Proud de Jack Lee Thompson. Six films trouveront d'ailleurs à l'issue du festival des distributeurs sur les écrans.
L'événement met plus globalement en avant la culture américaine : photos, peintures, artisanats... Un défilé de cow-boy et de chevaux est organisé, Deauville a des allures d'une ville du Far West. Une calèche dépose même certains invités au casino.
1987 : les Américains sur les planches
La première édition est un succès, mais les Américains manquent à l'appel. Anne d'Ornano se révèle être les années suivantes une véritable ambassadrice et militante pour le festival. Un choix phare permet d'attirer de plus en plus de célébrités originaires de l'autre côté de l'Atlantique."En 1977, le festival créé " les hommages", des personnalités américaines marquantes sont mises en avant", explique Philippe Normand, conseiller culturel de Deauville. Les premiers hommages sont rendus à Gregory Peck, Vincente Minnelli et Sydney Pollack.
Dix années plus tard, en 1987, Anne d'Ornano qui succède au poste d'édile de son mari décide de rendre hommage aux acteurs et réalisateurs américains en inscrivant leur nom sur les planches et plus précisément sur les lices qui bordent la promenade. Un petit clin d'œil au "Sunset boulevard" et à ses étoiles dans le sol. Pas moins de 200 noms y figurent aujourd'hui.
1992 : L'ouverture d'un lieu symbolique
Les éditions se succèdent jusqu'à ce qu'un lieu soit créé et inauguré par l'acteur Clint Eastwood lui-même en 1992. Il s'agit du CID, c’est-à-dire le Palais des Congrès de Deauville. Il faut désormais un lieu de référence associé à l'événement et à son ampleur. Son immense salle à l'écran géant est aujourd'hui dans tous les esprits.
Cette ouverture doit aussi répondre à d'autres besoins, "pour dynamiser l'activité congrès à Deauville", confie Philippe Normand. " À l’époque déjà, de nombreux séminaires et conventions se déroulent dans la station balnéaire, il y a les équipements pour le logement avec les hôtels, mais pas l'infrastructure pour se réunir", complète Yves Aublet. Avant la construction du CID, ce sont des tentes dressées aux abords des hippodromes qui faisaient office de lieu d'accueil pour les congrès.
Anne d'Ornano est à l'initiative de ce CID et elle effectuera de nombreux voyages avec des architectes aux Etats-Unis pour s'inspirer
Yves AubletHistorien de Deauville
Les travaux débutent en 1991 et sont achevés en 1992. Aujourd'hui le CID accueille d'autres grands événements tout au long de l'année.
1995 : la remise des prix
La dernière période majeure de l'histoire de ce festival se joue en 1995. Un moment charnière puisque le festival se dote cette année-là d'un palmarès. Auparavant, il était une vitrine, une rétrospective du cinéma américain mais sans classement. Les films indépendants, uniquement, sont à partir de cette date récompensés de plusieurs prix : le grand prix, celui du jury, de la critique et de la ville de Deauville.
" Cela crée une légitimité artistique au festival qui découvrira de nombreux talents", déclare Philippe Normand. Parmi les films primés on retrouve par exemple Little miss sunshine, ou encore Dans la peau de John Malkovitch.