Dépôts sauvages de déchets : pourquoi sommes-nous si dégueulasses ?

À Trouville-sur-mer, des matelas défoncés et des palettes jonchent le carrefour giratoire à l'entrée de la ville. "Vous trouvez ça inadmissible ? Nous aussi", dit une pancarte posée par la municipalité. Dans bien des communes, le dépôt d'ordures dans l'espace public reste un problème insoluble...

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Le jour se levait à peine quand les services municipaux ont discrètement déversé des immondices sur le rond-point Fernand Moureaux lundi matin. Le téléphone de la mairie n'a pas tardé à sonner. Des habitants signalaient un nouveau dépôt sauvage, un de plus. "On a voulu choquer les gens. On a déposé tout ça sans dire de quoi il s'agissait", explique Sylvie de Gaetano, le maire de Trouville-sur-mer. "C'est une opération coup de poing pour dire qu'il y en a assez !" 

La ville a dénombré 2950 dépôts sauvages depuis un an. L'enlèvement des déchets et le nettoyage occupe deux agents à temps plein. Ils ont rempli l'équivalent de trente semi-remorques... Cet incivisme a un coût chiffré à 100 000 euros par an. "Il faut que les gens s'en rendent compte", insiste Sylvie de Gaetano. Lundi, en fin de matinée, des agents de la ville sont revenus sur place, non par pour retirer des déchets, mais pour agrémenter l'endroit de quelques pancartes. "Votre ville n'est pas une décharge !" dit l'une d'entre elle, plantée entre une cuvette de WC et une palette en bois. Le décor est du plus bel effet...

Cet opération de communication dit tout le désarroi des élus municipaux face au comportement de certains administrés.

Nous avons des déchetteries toutes neuves et un ramassage régulier d'encombrants. Il est même possible, moyennant une somme minime, de les faire enlever à domicile. Pourtant, nous avons eu encore plus de dépôts sauvages cette année.

Sylvie de Gaetano, maire de Trouville-sur-mer

 

"On essaie de comprendre mais c’est assez inexplicable"

Les ordures laissées dans l'espace public concernent les grandes villes comme les plus petits villages. On en retrouve dans les rues, dans les fossés, dans la nature. C'est un fléau. Comment l'expliquer ? Mystère... En 2019, le maire de Montigny n'en revenait pas de tomber régulièrement sur des encombrants en forêt de Roumare près de Rouen. "Les gens trouvent le moyen de rentrer en forêt, de faire l'effort de rentrer en forêt pour aller jeter du matériel", s'étonnait Christian Poissant. Un détour par la déchetterie n'aurait sans doute pas pris davantage de temps.

À chaque fois, il faut agir sans attendre, car le déchet attire l'ordure : "Regardez : nous sommes déjà intervenus ici la semaine dernière pour du mobilier, et là ce nouveau dépôt va encore coûter très cher à la commune, ajoutait Christian Poissant. Et on est obligé d'intervenir, car si on laisse un dépôt, automatiquement, d'autres dépôts viennent se greffer dessus !"

À l'occasion des dernières élections municipales, le maire d'Amfreville nous avait expliqué combien l'attitude des administrés avait changé en trente ans, depuis le début de son premier mandat. Graffiti, tags, vandalisme : les incivilités sont devenues monnaie courantes. "On a aussi eu le rejet de purin dans les eaux pluviales de manière délibérée" racontait Xavier Madelaine. Le problème des déchets en est sans doute la meilleure illustration.

On a deux sites de containers de tri sélectif sur la commune. Chaque lundi, nos équipes font le tour de ces containers pour ramasser ce qui a été déposé à côté. Même lorsque les containers ne sont pas pleins, nous retrouvons des sacs pleins de bouteilles en verre au pied du container. On essaie de comprendre mais c’est assez inexplicable.

Xavier Madelaine, maire d'Amfreville

Le maire d'Amfreville se demandait alors s'il ne finiraiit pas par installer des caméras de surveillance. Le coût n'est pas neutre pour les finances d'une commune, mais l'investissement vaut peut-être le coup. "Plusieurs communes en ont installé chez nous. Cela semble produire quelques effets," observe Charly Varin, le président de Villedieu Intercom qui est aussi à la tête de l'association des maires de la Manche.

 

Même pas peur du gendarme...

 

Dans sa commune de Percy, chaque lundi, l'employé municipal ramasse aussi les immondices laissés au sol près des conteneurs. Parfois, un nom et une adresse figurent sur un carton ou une enveloppe. Comment sanctionner le fautif ?

Notre communauté de communes est en train de préparer une convention avec le procureur de la République de Coutances. L'idée serait d'obliger les auteurs de ces dépôts sauvages à venir faire des travaux d'intérêt général à la déchetterie.

Charly Varin, président de Villedieu Intercom (Manche)

Villedieu Intercom espère que la menace d'un petit séjour sur une plateforme de tri permettra de lutter contre le sentiment d'impunité qui s'est installé. La loi prévoit bien un arsenal de sanctions, mais "on n'a pas des outils simples pour verbaliser", regrette Charly Varin. Dans les faits, les procès-verbaux débouchant sur le paiement d'une amende semblent assez rares.

À Trouville-sur-mer, la municipalité semble déterminée à faire appliquer la loi. Des pancartes placardées près des conteneurs à déchets rappellent qu'un dépôt sauvage est puni d'une amande de 1500 euros "doublée en cas de récidive". Une brigade verte a été constituée, notamment pour tenter d'identifier les auteurs. "Nous privilégions la pédagogie, mais nous dresseront un PV pour les récidivistes", prévient Sylvie de Gaetano.

"On trouve de tout, des réfrigérateurs, des laves-vaisselle, des matelas", raconte les agents de cette brigade qui patrouille depuis six mois. Aux beaux jours, "les gens prennent soin de leur jardin". C'est la saison des déchets verts déposés dans des sacs plastiques, à l'ombre du bac de récupération des textiles... Les fautifs laissent rarement leur carte de visite. "Parfois, on retrouve une adresse sur un carton, mais les gens ont compris le truc, maintenant ils enlèvent les étiquettes". C'est sale, mais malin...

 

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