Léon Gautier est le dernier des 177 commandos français à avoir débarqué le 6 juin 1944 sous les ordres de Philippe Kieffer. Le vétéran souffle ce mercredi 27 octobre 2021 ses 99 bougies.
"Happy birthday dear Léon, happy birthday to you !" Ce mardi, une poignée de vétérans britanniques ont traversé la Manche pour rendre hommage à leurs frères d'armes tombés au combat. Réunis à Colleville-sur-Mer, à quelques mètres de la plage qui les a vus débarquer 77 ans plus tôt, les voilà entonnant à pleine voix un chant en l'honneur du régional de l'étape. Léon Gautier a lui aussi foulé ce sable au petit matin du 6 juin 44. Il avait 22 ans. Ce mercredi 27 juillet, il souffle ses 99 bougies.
Covid oblige, ces anciens soldats de sa majesté n'ont pu se rendre sur ces lieux de mémoire au printemps dernier. Qu'à cela ne tienne et malgré leur grand âge, les voilà aujourd'hui au rendez-vous. "On reste soudé, on est une famille, si vous voyez ce que je veux dire...", nous confie Jack Quinn, vétéran des Royal Marines. Les anciens camarades ont plaisir à se retrouver. Les sourires et les éclats de rire fusent. Mais quand les souvenirs du passé ressurgissent, les gorges sont soudain nouées. "C'est émouvant, je pourrais facilement pleurer mais je me retiens", explique Henry Rice, vétéran de la Royal Navy. Et c'est debout que ces vieux messieurs se déplaçant en fauteuil roulant, rendent hommage à leurs disparus.
Un peu à l'écart, Léon Gautier assiste à cette cérémonie britannique. Pour nombre de Français présents dans l'assistance, il est lui aussi l'un des héros du jour. Et les commandos se pressent pour serra la main de leur aîné. Avec la disparition d'Hubert Faure en avril dernier, Léon est désormais le dernier survivant du commando Kieffer.
En 1940, le jeune Léon Gautier n'a que 17 ans quand il s'engage dans la Marine. Pour échapper à la débâcle, les officiers mettent le cap sur l'Angleterre. Léon Gautier rallie la France libre. En 1943, il "entend dire" que les Britanniques demandent des volontaires pour intégrer les commandos.
Intégrés au sein du 4th Special service brigade, les 177 Français du 1er bataillon de fusilliers marins de la France libre débarquent à Colleville vers 7 h 55 sous les ordres du commandant Philippe Kieffer et prennent la direction de Ouistreham. Un premier groupe doit s’emparer du casino de Riva-Bella. Le bâtiment a été fortifié par les Allemands et abrite une batterie. Après de rudes combats, les Français réussisent à s’emparer du site à 9 h 30, aidés par l’arrivée providentielle de chars amphibies. Un second groupe réussit, à l'issue de combats tout aussi âprement disputés, à prendre le contrôle du port de Ouistreham.
"Les Anglais n'oublient pas", nous confie Léon Gautier peu avant la cérémonie. Et lui non plus. "Les Anglais ont quand même été sympathiques avac nous. Quand les barges sont arrivées sur la plage, ils nous ont laissé 10 mètres d'avance en nous disant : vous les premiers, messieurs les Français."
Si Léon Gautier n'oublie pas, la France, elle, a pourtant longtemps manqué de mémoire à l'égard des hommes du commando Kieffer. "La reconnaissance, elle est venue tardivement pour tous les engagés de la France Libre", nous expliquait l'an dernier le vétéran. Le général de Gaulle préférait quant évoquer le Débarquement en Provence plutôt que sur les côtes normandes. "Je crois qu'il ne digérait pas de ne pas avoir été averti. Je savais avant lui où on allait débarquer en France. Sur ce coup, les Britanniques ont un peu manqué de diplomatie...", racontait dans un sourire l'ancien commando.
En début d'année, comme en réparation de cet oubli, Léon Gautier et son camarade Hubert Faure ont reçu les plus hautes distinctions de la République : le titre de grand officier de la Légion d'honneur pour le premier, la grande croix pour le second.
Le Débarquement, "j'y pense une fois par an, quand tout le monde arrive ici. Ils me rappellent que j'ai débarqué ici. Sinon je n'y pense pas", aime plaisanter Léon Gautier. Il est pourtant quasiment de toutes les cérémonies. "J'essaye, tant que le Bon Dieu ne veut pas de moi là-haut. Je ne suis pas pressé moi !" Et il l'assure, comme en 1940, il s'est de nouveau porté volontaire. Pour célébrer l'an prochain son centième anniversaire.