Une enquête de Vert de rage, diffusée lundi 27 mai, révèle un taux anormal de plomb dans les eaux de Ouistreham (Calvados). Les échantillons, analysés en Allemagne, ont été prélevés à 25 mètres de profondeur près de l'épave du Lawford, un destroyer échoué avec ses missiles en 1944.
Des cargaisons de missiles militaires gisent toujours dans la Manche et polluent les eaux, 80 ans après leur échouage durant le Débarquement. C'est ce que démontre l'enquête "Armes, l'héritage toxique" qui sera diffusée lundi 27 mai sur France 5.
Les journalistes de l'émission Vert de rage ont fait analyser des échantillons d'eau et de sable prélevés à proximité du HMS Lawford, un destroyer américain échoué avec une tonne d'explosifs en juin 1944, au large de Ouistreham (Calvados).
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Extrait de l'enquête "Armes, l'héritage toxique", diffusée le lundi 27 mai sur France 5
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©Premières Lignes / Réals : Mathilde Cusin, Manon de Couët, Martin Boudot
Des résidus de plomb et d'explosifs identifiés
Pour ce faire, ils ont collaboré avec le scientifique allemand Aaron Beck qui a piloté la mission de prélèvement à distance. Les plongeurs se sont approchés des 21 missiles de combat, localisés à 25 mètres de profondeur. "L'eau est l'échantillon le plus facile à analyser, mais les sédiments sont également intéressants car certains résidus issus de la dégradation du navire ont tendance à s'y fixer", explique le chercheur au sein du laboratoire Geomar.
Après six mois d'analyse, des résidus d'explosifs de TNT (trinitrotoluène) ont été identifiés à hauteur de 242 ng/kg dans le sable prélevé sur l'épave du Lawford. Il s'agit d'une substance toxique pour l'homme et potentiellement cancérigène. À ce jour, aucune norme n'existe en Europe pour réglementer le taux de résidus d'explosifs en mer.
Par ailleurs, l'échantillon d'eau prélevé contient des résidus de métaux lourds : jusqu'à 3.1 ug/L de plomb, soit le double de la norme de qualité environnementale. Le barème de cette norme, consultable sur le site de l'Ineris, fixe le taux moyen de plomb dans l'eau marine à 1.3 ug/L par an.
"Un héritage encombrant"
Le HMS Lawford fait partie des cinq épaves contenant des cargaisons de missiles "dangereuses" identifiées par l'association Robin des Bois dans la mer du Calvados. Au total, il y en aurait une quinzaine à l'échelle de la Normandie, selon leurs recherches. Entre Fécamp et Dieppe, dix-huit barges échouées en 1944 contiendraient plusieurs centaines de bombes de 250 kg.
Cet héritage encombrant n'est pas assez pris en compte par les pouvoirs publics.
Jacky Bonnemains, président de l'association Robins des Bois
Depuis 2003, l'association réalise un inventaire "des déchets de guerre" pour alerter les pouvoirs publics sur leur dangerosité. Elle est régulièrement en contact avec la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord et le groupe de plongeurs démineurs (GPD) basé à Cherbourg qui intervient dans les missions de déminage en mer.
"La Normandie constitue un réservoir de munitions qui ne fait pas l'objet de campagnes systématiques de prévention, explique Jacky Bonnemains, le président de l'association de Robins des Bois. Ce sont les découvertes inopinées de vestiges de la guerre qui libèrent le littoral et l'estran de ces épaves dangereuses".
La présence de ces résidus explosifs en mer "constitue une menace directe pour la faune maritime" et "un risque physique sur les hommes en cas d'explosion des munitions", ajoute Jacky Bonnemains. Une mise à jour de leur inventaire, dont le dernier date de 2015, sera publiée le jour de la diffusion de l'enquête "pour faire réagir le grand public".
L'enquête "Armes, l'héritage toxique", réalisée par Mathilde Cusin, Manon de Couët et Martin Boudot, sera diffusée le lundi 27 mai à 21.05 sur France 5 et sur france.tv